VIH : les pédés colombiens désinvoltes ?

Publié par jfl-seronet le 18.12.2008
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La communauté gay colombienne est-elle dangereusement désinvolte face au VIH ? C'est ce que prétend un récent article de Plus News qui cite un activiste gay de la lutte contre le sida. Mais derrière les affirmations radicales, la situation s'avère bien plus complexe que de la simple "désinvolture".
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"Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’informations [sur le sida], mais les gens ne sont pas responsables, ils ne font pas attention". La phrase de Cesar Leon, séropositif depuis plus de dix ans et activiste gay de la lutte conte le sida, a des allures de sentence… et de déjà lu. C'est d'ailleurs elle qui ouvre l'article de PlusNews (16 décembre 2008) consacré à ce qui se passe dans la communauté gay colombienne en matière de VIH/sida. Selon des données partielles, le taux de prévalence (le nombre de personnes séropositives dans la population) serait de moins de 1 % dans la population générale et "d'au moins 11 %" chez les gays. Un taux moindre que dans les années 90, mais qui reste très élevé tout de même. Les activistes y voient le signe d'une "complaisance" des gays à l'égard du VIH.

"Avant, le VIH était la terreur de tous. Aujourd’hui, on dirait que les gens sont un peu trop détendus ; ils n’ont plus tellement peur", affirme ainsi Martin Alonso Hernandez de la Fondation Weavers of Life, interviewé par PlusNews. Cette organisation communautaire a réalisé, il y a peu, une petite "étude" sur l’utilisation du préservatif chez les gays. Selon cette enquête, sur "69 hommes interrogés (…) 35 % ont déclaré ne pas utiliser de préservatifs. Sur les 65 %, seuls 30 % utilisaient des préservatifs à chaque rapport, et une minorité d’entre eux utilisaient des lubrifiants…"

Alors, en Colombie aussi, c'est l'argument des gays irresponsables, sans cervelle, qui prévaut ? C'est la thèse de l'insouciance des pédés qui fait le lit de l'épidémie ? Pas seulement. Certes si la première partie de l'article de PlusNews tient nettement de la charge contre les pédés insouciants, la seconde avance d'autres éléments d'explications. Ainsi, on comprend que, malgré des efforts de promotion du préservatif dans les commerces, le message ne prend pas. Et pas seulement par un refus des clients gay, mais du fait des commerçants eux-mêmes et d'un manque évident de soutien des pouvoirs publics. Ainsi, Plus News raconte que la Ligue colombienne de lutte contre le sida, une organisation non gouvernementale, a collaboré avec les autorités locales pour faire adopter une réglementation forçant les propriétaires de boîtes de nuit à distribuer des préservatifs, mais rien n'a été fait. Tout simplement parce que la plupart des commerces n'ont pas d'existence légale.

Une autre explication est avancée par les associations : la gratuité des traitements anti-VIH qui inciterait à la démobilisation. Les antirétroviraux sont couverts par l'assurance maladie colombienne. Du coup, les gays "ne considèrent pas le sida comme un gros problème". En va-t-il de même dans la population générale ? Les activistes n'en disent pas un mot. L'article de PlusNews relativise d'ailleurs le poids de cette affirmation. En effet, "tout le monde n’est pas couvert par le système public et si la couverture de traitement antirétroviraux est officiellement de 80 %, ce taux est uniquement représentatif des 25 000 personnes dépistées". Autrement dit, la gratuité ne concerne pas tout le monde et cela doit se savoir.

Autre argument, pas mal de gays ne se reconnaissent pas comme tels. Du coup, il est difficile de faire passer des messages de prévention, d'informer. D'ailleurs comme l'explique l'article de PlusNewsk, cette volonté de se cacher n'est qu'une des conséquences d'avoir à vivre dans une "société régie par des valeurs catholiques conservatrices et une culture machiste".
Bref, rien n'est fait pour que les gays soient visibles et qu'il soit facile de s'adresser à eux.
Du coup, on se demande si c'est bien cette supposée "désinvolture" des gays qui explique vraiment le taux de prévalence du VIH dans la communauté pédé colombienne.

Ah oui, on oubliait ! PlusNews explique que la Colombie n’a pas "de stratégie ni de budget public pour les programmes de prévention du VIH ciblés sur les groupes de population vulnérables tels que les gays". Le pays a récemment envoyé sa cinquième demande de subvention au Fonds mondial de lutte contre le sida pour mettre en place des programmes de prévention ciblés notamment pour les gays ; les quatre propositions précédentes ont été rejetées. C'est à se demander qui est vraiment "dangereusement désinvolte" ?
Plus d'infos (en français) sur http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=81983