VIH : les procès, ça suffit ?

Publié par jfl-seronet le 22.11.2010
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justice et VIH
Début novembre, deux nouvelles condamnations ont été prononcées en France dans des affaires de transmission du VIH : l'une concernant des hétéros, l'autre un couple gay…. Ces deux affaires ont incité l'association Warning à publier un communiqué sur ce qu'il faudrait faire en terme d'information (par exemple sur le traitement comme prévention) pour éviter le recours de plus en plus fréquent aux tribunaux Une piste de réflexion de plus dans un débat particulièrement et dont les enjeux sont majeurs.
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Dix-huit mois ferme ! La cour d'appel de Montpellier a confirmé (16 novembre) la peine de cinq ans de prison, dont trois et demi avec sursis, prononcée à l'encontre d'un homme ayant transmis le VIH, alors qu'il se savait séropositif depuis 2001, à deux compagnes successives et à l'enfant qu'il avait eu avec l'une d'elles. Comme le rappelle l'AFP, cette peine, assortie d'une mise à l'épreuve de trois ans avec obligation de soins, avait déjà été prononcée par le tribunal correctionnel de Perpignan, en novembre 2009. Le procès devant la cour d'appel s'est fait à la demande du parquet qui avait requis une peine plus lourde en première instance : quatre ans de prison ferme. Dans cette affaire, l'homme était poursuivi pour "transmission de substance nuisible ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente", ce qui est généralement en France le motif de poursuite dans des affaires de transmission du VIH. Lors de son procès, l'homme a expliqué qu'il n'avait pas "eu le courage d'informer ses compagnes de peur de les perdre" et qu'il voulait "être comme tout le monde et oublier qu'il était malade". "Je refusais ma maladie. J’avais peur de le dire. C’est pas comme de dire à quelqu’un : "Voilà, j’ai la grippe", a expliqué l'homme lors de son procès, cité par le Midi Libre. "C’est en profitant de leur confiance qu’il les a infectées. Il les a enfermées dans une cellule encore plus étroite que celle de la prison, avec un traitement à suivre toute leur vie", a expliqué l'avocat général. Lors du procès, l'avocat de son ancienne compagne, celle qui a eu un enfant, avait plaidé pour que l'affaire soit requalifiée afin d'être jugée par une cour d'assises (avec jurés donc). Il n'a pas obtenu gain de cause. Il a annoncé sa décision de se pourvoir en cassation.

A Besançon,  c'est une autre condamnation qui est tombée. Un homme de 36 ans a été condamné (10 novembre) par le tribunal correctionnel à deux ans de prison ferme pour avoir transmis le VIH à son compagnon, alors qu'il se savait séropositif. Lui aussi était également poursuivi pour "administration de substance nuisible ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente". Il a expliqué lors du procès (21 octobre dernier) avoir été "dans le déni" et s'est excusé auprès de son ancien compagnon, qui avait porté plainte. Cette fois, le parquet avait requis deux ans d'emprisonnement avec sursis. L'AFP qui a couvert le procès explique que les débats ont porté sur "la question de la responsabilité partagée en matière sexuelle, opposée à la pénalisation de la contamination".  L'avocate de la défense avait plaidé pour son client "la libre relation consentie". Elle envisage de faire appel.

Ces deux affaires ont conduit l'association Warning a publié un communiqué de presse (16 novembre). Dans son texte intitulé "Transmission du VIH : les procès, ça suffit !", Warning rappelle que cela fait six ans que l'association "interpelle régulièrement les pouvoirs publics sur cette question. Les procès d'abord intentés à leur partenaire séropositif par des femmes et des hommes hétérosexuels, le sont aujourd'hui par des homosexuels puisque l'un d'entre eux vient d'obtenir à son tour la condamnation de son [ancien] partenaire séropositif". "Le procès de Besançon met en lumière des points essentiels de compréhension. L'homme incriminé n'aurait pas osé dire à son partenaire séronégatif qu'il était séropositif après avoir effectué un test de dépistage. Ce procès confirme ce que toutes les enquêtes montrent depuis plus de quinze ans : les personnes séronégatives vivant en couple arrêtent d'utiliser le préservatif dès que la relation devient stable", indique Warning qui explique que, de fait, cette "norme impose une contrainte terrible aux personnes séropositives alors même qu'existe un fort degré de discrimination et de stigmatisation à leur égard." "Il s'agit ici de comprendre pourquoi le contexte de la conjugalité, gay en l'occurrence, complique la situation des couples qui sont ou passent en situation de sérodifférence, analyse Waring. En effet, comment arriver à dire sans crainte son statut sérologique quand le risque premier est directement celui du rejet et la fin de la relation amoureuse. Certains se prennent les pieds dans le tapis et la justice frappe ensuite". Pour l'association, une des solutions résiderait dans la mise en place de "campagnes d'information intelligentes en direction des couples pour encourager le dialogue entre partenaires, mettre la connaissance du statut sérologique au centre des pratiques et pour que le devoir de protection ne devienne pas un devoir de divulgation à charge des seules personnes séropositives."

Cette première piste, l'association la complète d'une autre, déjà mise en avant dans un avis du Conseil national du sida. "Nous réclamons (…) qu'une information franche et sincère soit diffusée sur le fait que les traitements anti-VIH réduisent au même titre que l'usage du préservatif le risque de transmission du virus, ce qui permet d'élargir l'éventail des stratégies de prévention, mieux à même de répondre aux besoins de chacun, notamment des couples sérodifférents (…) Le regard sur la séropositivité et sur les séropositifs, la situation amoureuse de ceux-ci et celle de leurs partenaires, la capacité de négocier la prévention pourraient grandement changer, permettant d'éviter des situations amenant à des procès. Il est facile à comprendre qu'une personne séropositive oserait plus facilement évoquer son statut sérologique à son partenaire si elle savait qu'en démarrant un traitement anti-VIH efficace, le risque de transmission à son partenaire diminuerait considérablement."  "Ces campagnes sont bloquées par le ministère de la Santé", dénonce Warning qui considère que c'est le "ministère de la Santé qui aurait dû être dans le box des accusés à Besançon et être condamné pour son inaction".
Par ailleurs, on ne doit pas oublier que l'efficacité, désormais reconnue scientifiquement, des traitements sur la réduction de la transmission est désormais prise en compte par certains tribunaux à l'étranger. En Suisse comme au Québec, cela a permis la fin de poursuites contre des personnes séropositives.
Plus d'infos sur theWARNING Paris sur www.thewarning.info

Illustration : Yul Studio

Commentaires

Portrait de skyline

Attention, ce n'est pas au Québec que la prise en compte de l'éfficacité des traitements en terme de transmission a eu lieu, mais dans une autre province canadienne : le Manitoba. Cette décision de la cour d'appel manitobienne ne fait pour le moment jurisprudence qu'au Manitoba. Mais il y a fort à pariller que l'avocat du plaignant dans l'affaire considérée fasse appel de cette décision et que l'affaire soir renvoyée vers la cour suprême fédérale du Canada. Si cette instance confirme la décision manitobienne, alors elle s'aplliquera à l'ensemble du territoire canadien, y compris au Québec... Cela dit, un juge québécois peut toujours décider d'appliquer la même décision que le juge Manitobien dans le même type de jugement... On attend...