VIH : mourir en prisons

Publié par jfl-seronet le 26.04.2012
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Dix ans après l’adoption de la loi qui a institué la suspension de peine pour les personnes détenues atteintes de maladies graves, le groupe "Prisons" du TRT-5 (1) dénonce les manquements à l’application de cette loi et leurs conséquences sur la santé des personnes concernées. Explications.
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"10 ans après la loi sur la suspension de peine, les malades continuent de mourir en prison". La formule est froide, sèche, implacable. Mais si le TRT-5 l’a choisie, c’est bien parce qu’elle résume, hélas, la situation actuelle. Pourtant, fait remarquer le Collectif dans un communiqué, le groupe des experts de la prise en charge du VIH (le fameux Rapport Yeni) est formel : "L’état de santé d’une personne séropositive incarcérée peut être considéré comme durablement incompatible avec la détention". Ouvrage de référence sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, dirigé par le Professeur Patrick Yeni, le rapport d’expert arrive à cette conclusion notamment du fait des "difficultés de prise en charge somatique et psychique, celle-ci ne pouvant être équivalente au milieu libre".

Le 4 mars 2002, le Parlement adoptait la loi sur les droits des malades, texte fondateur de la démocratie sanitaire et de la participation des usagers aux politiques de santé. Cette loi instituait alors, pour les personnes détenues, la possibilité de bénéficier d’un dispositif de suspension de peine lorsque le pronostic vital est engagé ou que l’état de santé est jugé durablement incompatible avec le maintien en détention. Le TRT-5… tout comme les experts du Rapport Yeni considèrent que dans le cas d’une "personne séropositive au VIH – et a fortiori co-infectée par le virus de l’hépatite C – les soins nécessitent une prise en charge multidisciplinaire et coordonnée de haute qualité". Ce qui est très difficilement conciliable avec la détention. "Nos associations, comme tous les acteurs de terrain, savent que la surpopulation carcérale [plus 116% en moyenne selon les dernières données officielles, ndlr], le manque de professionnels de santé et les conditions de détention rendent extrêmement difficile le maintien d’un suivi médical garant de confidentialité, d’anonymat, de secret médical et d’observance", indique le TRT-5 dans son communiqué.

Le Collectif note aussi que toujours selon les experts du groupe Yeni, de nombreux éléments font obstacle à l’application de cette mesure, notamment le fait que "la réalisation des expertises médicales se heurte parfois à une méconnaissance de l’organisation effective des soins en détention ou de la pathologie pour laquelle les experts ont à rendre un avis" et qu’il "manque une définition claire des conditions d’octroi". Cette "absence de consensus entraîne des disparités de pratiques et une inégalité de traitement des demandes", note la dernière édition (2010) du Rapport. Ces dysfonctionnements empêchent les personnes détenues de pouvoir effectivement bénéficier de leurs droits, en négation de la loi du 18 janvier 1994 qui instaure l’égalité dans l’accès aux soins entre milieu carcéral et milieu libre. "Plusieurs cas de manquement à ces dispositions ont été répertoriés et dénoncés par les associations qui interviennent sur le terrain. Lorsque l’on est séropositif au VIH et/ou au VHC, l’incarcération constitue, aujourd’hui, une perte de chance d’accéder à des soins de qualité. A l’occasion de cet anniversaire (…) les associations signataires, réunies au sein du groupe "Prisons" du collectif interassociatif TRT-5, attendent des  autorités judiciaires et sanitaires que soient mis en œuvre : une analyse des blocages administratifs dans les domaines pénitentiaires, médicaux (expertise médicale) et judiciaires (critères d’octroi des suspensions de peine) afin d’y mettre fin ; un travail avec le milieu associatif et les COREVIH pour proposer une nouvelle politique publique en matière de promotion de la santé, de coordination et de continuité des soins et de réduction des risques dans les lieux privatifs de liberté.
(1) Créé en 1992, le TRT-5 (Traitements et Recherche Thérapeutique 5) est un collectif interassociatif qui rassemble neuf associations de lutte contre le VIH/sida impliquées sur les questions thérapeutiques et de recherche (Actions Traitements, Act Up-Paris, Act Up-Sud Ouest, AIDES, ARCAT, Dessine-moi un mouton, Nova Dona, Sida Info Service et Sol en si).

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Pour tout les détenus et surtout pour ceux qui sont malades ...