VIH : réduire la prise en charge des étrangers est contre-productif

Publié par jfl-seronet le 14.12.2016
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C’est de la répétition des arguments que peut naître la prise de conscience. C’est sans doute ce qu’escompte le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS). A l’occasion du 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida, l’organisme officiel a tenu à rappeler clairement que les mesures qui restreignent l'accès aux soins des étrangers vivant en France "compromettent la cohérence des stratégies mises en œuvre pour réduire l'épidémie de VIH/sida".

A rebours du contexte politique actuel et même des aspirations d’une partie de la société, le Conseil national du sida et des hépatites virales a tenu, par un communiqué, le 28 novembre dernier, à appeler à une "vigilance accrue" concernant des "évolutions récentes ou en cours, d’ordre législatif ou réglementaire" concernant les personnes étrangères vivant en France.

La première évolution (en cours) porte sur le droit au séjour en France des malades étrangers. Jusqu’à présent, la responsabilité de donner un avis sur les raisons médicales qui pourraient justifier d’accepter une demande de séjour pour soins incombait aux médecins des Agences régionales de santé (ARS). Elle a été transférée, par le vote récent d’une loi, au service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), organisme sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. "Les médecins chargés de cette évaluation risquent ainsi de devoir prendre en compte un objectif de contrôle migratoire, au-delà de l’objectif sanitaire, pouvant conduire des étrangers malades à des séjours irréguliers et donc à une limitation d’accès aux soins", pointe le CNS. Le second exemple concerne l’accès à la protection maladie des étrangers. La loi de financement de la sécurité sociale de 2016 instaure la protection maladie universelle (PUMa) au bénéfice de toute personne qui réside en France de manière stable et régulière. "Mais cette loi majeure pourrait, en l’absence d’adaptation, durcir les conditions d’accès aux soins pour les étrangers, au moins à deux niveaux", critique le CNS. Premier niveau : "à l’ouverture des droits, en cas de réduction à une liste limitative, par rapport à la CMU, des documents acceptés comme preuve de la régularité de la présence sur le territoire et de la stabilité des conditions de résidence" ; second niveau : "dans les périodes de renouvellement du titre de séjour, avec une éventuelle suppression du dispositif de maintien des droits pendant un an".

Par ces deux exemples assortis de mises en garde, le CNS, dont l’avis est seulement consultatif, entend rappeler que l'efficacité de la lutte contre le sida en France "dépend (….) de la capacité de notre système de soins et de protection sociale à favoriser la précocité, la fluidité et la stabilité des parcours de toutes les personnes nécessitant une prise en charge pour le VIH". C'est, pour l’institution, un gage de "prévention efficace des transmissions" à d'autres personnes et de "limitation des coûts associés aux complications de l'infection par le VIH quand elle est traitée tardivement". Le CNS n’oublie pas  que "les étrangers vivant ou arrivant en France, notamment d’Afrique subsaharienne, des pays de l’Est ou de pays en guerre, restent tout particulièrement touchés par les infections par le VIH, le VHB ou le VHC" et trouve logique et de sa responsabilité d’attirer, à nouveau, l’attention des pouvoirs publics sur le "fait que les mesures tendant à restreindre l’accès aux soins des étrangers vivant sur le territoire français compromettent la cohérence des stratégies mises en œuvre pour réduire l’épidémie de VIH/sida dans notre pays".