VIH résistant : une souche à surveiller sans dramatiser

Publié par Fred Lebreton le 12.09.2020
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ThérapeutiqueVIH résistant

Début août, la revue scientifique The Lancet publiait un article sur une étude dans laquelle des chercheurs-ses français-es déclaraient avoir identifié une souche de VIH résistante à « pratiquement tous les antirétroviraux » chez deux hommes en France. Il s'agit, disent-ils, d'un « événement sans précédent », tant la « transmission par voie sexuelle d'un virus aussi résistant aux médicaments n'a pratiquement jamais été répertoriée nulle part dans le monde ». Seronet fait le point sur cette annonce.

Deux cas similaires dans la même région

Stéphanie Raymonde, médecin biologiste spécialisée en virologie au CHU de Toulouse, et son équipe ont séquencé les génomes de virus de deux personnes infectées par le VIH. La première, un jeune homme de 23 ans ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HSH), a été diagnostiquée en septembre 2019 avec une souche multirésistante du VIH-1. Il a pu être dépisté au plus tôt après avoir développé une primo-infection au virus et l’étude précise qu’il n’était pas sous Prep.

Les médecins ont également découvert que cette même souche de VIH-1 ultra-résistante et présentant exactement le même profil de mutation, était présente chez un autre homme, âgé, lui, de 54 ans, originaire de la même région (Toulouse). Lui aussi est HSH. Il a été diagnostiqué en 1995, et avait depuis cette date une longue histoire d'échecs thérapeutiques, ce qui a provoqué la mutation du virus dans son organisme.

Dans leur étude, les médecins écrivent que « les souches prélevées chez les deux patients étudiés ont permis d'établir qu'elles sont phylogénétiquement liées [elles ont un lien de parenté génétique, ndlr], mais un historique de transmission directe n'a pu être établi » ce qui suggère au moins un lien intermédiaire. En clair, d'autres personnes non identifiées à ce jour pourraient être concernées par cette souche. Par ailleurs, si une souche de VIH-1 multirésistante avait déjà été signalée à New York en 2004, celle-ci était néanmoins sensible à au moins une classe de médicament antirétroviral, contrairement aux souches récemment identifiées en France.

Un vent de panique

Cette annonce a été reprise dans de nombreux médias. Bien sûr, il n’en fallait pas plus créer un vent de panique sur les réseaux sociaux où plusieurs personnes relaient l’article et demandent si la Prep les protège bien de cette souche. Certaines personnes adeptes des théories du complot vont jusqu’à déduire que cette souche ultra-résistante serait due à une mutation du VIH causée par la Prep ; ce qui est faux bien sûr.

Il est important de rappeler qu’à ce jour seulement deux personnes infectées par cette souche de virus résistante, ont été identifiées en France sur environ 6 000 diagnostics VIH par an (6200 en 2018). Cette souche très rare étant résistante au fumarate de ténofovir disoproxil et à l’emtricitabine (Truvada), l’utilisation de la Prep n’aurait pas pu éviter une infection. La Prep reste donc un outil très efficace pour empêcher une infection au VIH. Et contrairement à certaines théories qui circulent sur le web, les personnes vivant avec le VIH dépistées et traitées efficacement ne risquent pas une « surinfection ».

Ne pas se noyer dans l'inquiétude

Pour calmer un peu les esprits, le collectif inter associatif TRT-5 publie un communiqué le 20 août sur sa page Facebook dans lequel il donne la parole à un des auteurs-rices de l’étude, le professeur Pierre Delobel : « À ce jour, cela reste isolé et il n’y a pas de circulation communautaire de cette souche, mais nous allons rester vigilants. Tous les laboratoires de virologie de France, et nos collègues de Barcelone que nous avons contactés également, ont recherché la présence de cette souche avec pour l’instant identification d’un seul autre cas, rapporté également dans cet article ». Et le TRT-5 d’en déduire : « Nous concluons à des données intéressantes, à analyser et poursuivre la recherche sans pour autant se noyer d'inquiétude ! ». De son côté, Stéphanie Raymond, est interrogée sur France Culture le 24 août et déclare : « Heureusement, pour l'instant, cela reste un phénomène rare, mais comme le virus  s’adapte et évolue en permanence, on n’est pas à l’abri d’observer ce type de problème émergent ».

Une thérapie de choc

Dans un entretien croisé accordé au TRT-5 et à Remaides le 3 septembre, le professeur Delobel se veut rassurant : « Cette découverte est la fois inquiétante car il y a eu transmission d’une souche multirésistante, même si le phénomène est très rare, mais il y a des éléments rassurants et il ne faut pas qu’on soit alarmiste. À ce jour, il n’y pas d’autres cas et le potentiel de diffusion épidémique n’est pas important ».

Concernant le traitements, le professeur Delobel explique que les deux cas sont très différents : « Le patient chronique a une longue histoire d’échecs thérapeutiques avec une charge virale élevée et un niveau de CD4 qui commence à devenir préoccupant. Il est entré dans un essai clinique de Gilead pour tester une nouvelle molécule, le lenacapavir- gs6207, destinée aux patients chroniques en échec thérapeutique ». Mais ce traitement est loin d’être anodin car en plus de cette nouvelle molécule, la personne va devoir prendre un « cocktail » qui consiste à faire des injections quotidiennes d’enfuvirtide (Fuzéon), plus une perfusion d’ibalizumab (Trogarzo) tous les quinze jours, plus une nouvelle molécule le fostemsavir (inhibiteur d’entrée) uniquement disponible en ATU (autorisation temporaire d'utilisation). Une thérapie de choc qui reste très contraignante pour la personne concernée.

Le professeur Delobel précise que le « patient naïf » [récemment infecté et n’ayant jamais pris de traitement anti-VIH auparavant, ndlr] n’a pas été autorisé à entrer dans cet essai clinique, mais à ce stade ce n’est pas problématique. « Il a une charge virale qui a pas mal baissé spontanément et des CD4 élevés. Il a donc une réponse immunitaire naturelle et robuste qui tend vers un profil « HIV controller like » (4), explique Pierre Delobel. Pour l’instant, il est non traité mais avec un suivi rapproché et il a conscience qu’il doit utiliser des préservatifs lors de ses rapports sexuels tant que sa charge virale n’est pas indétectable ».

De son côté,  Franck Barbier, (secteur Nouvelles stratégies de santé, AIDES) se veut lui aussi rassurant : « On a toujours réussi à contrôler ce type de souche. Cette découverte conduit à deux enseignements : la recherche thérapeutique reste particulièrement importante. Elle nous permet de faire face aux mutations du virus et à proposer un traitement à ces mutations résistantes. Cela valide également la stratégie du dépistage massif, qui permet de cloisonner les souches ». En attendant de voir comment l’état de santé des deux personnes concernées évolue, les médecins indiquent que seul un réseau de surveillance épidémiologique composé de virologues et de cliniciens, appuyés par des acteurs-rices locaux-les de prévention comme les associations, peut empêcher la diffusion de cette souche de VIH-1 résistante.

(1) : « HIV controller like » : Les « contrôleurs du VIH » sont des patients-es séropositifs-ves infectés-es par le VIH, mais qui ne développent pas le sida et dont l'organisme parvient spontanément et durablement à contrôler la réplication virale, maintenant le virus indétectable ou presque dans le plasma sans traitement antirétroviral.

 

Commentaires

Portrait de reba

Bonjour,

Je pensais qu'il y aurait eu plus de commentaires!!! la résistance finit toujours par s'installer (par selection).

Pour moi, il n'est pas étonnant qu'un jour ou l'autre on rencontre les virus qui ne répondent pas aux classes d'arv commercialisées!

Ne serait ce pas la confirmation qu'on est sur une piste erronée dès le début : traiter les cellules filles alors que le virus est , ou disons "est aussi" dans les cellules mères ; la production virale est continue!!!!!

Même à cv indétectable dans le sang périphérique etc...., jetez un coup d'oeil à la moelle osseuse et autres réservoirs!!!! le vih est là et repliquera aussi fréquement que le corps aura besoin de nouvelles cellules!!!

Sauf pour  les chanceux chez qui on vient de découvrir que le vih est dans la partie peu active du génome?!!!

A vous!

 

,

Portrait de jl06

Que le virus hanteré aussi le cerveau , les parties génitales des mecs ? , une blague ?

on a tellement plaisanté avec ça .....toujours est-il que ca fait quand même long( 50ans) et on peut se poser des questions .....après écrire comme scientifique j'sais pas faire ....