VIH/sida : Lire l'épidémie pour mieux agir

Publié par Nico-Seronet le 27.03.2012
8 005 lectures
Notez l'article : 
0
 
ConférencesdépistageAfraVIH 2012épidémiologie

Lors de cette première journée de Conférence (lundi 26 mars), l'effort a été mis sur les notions clés pour lire l'épidémie. Des notions d’autant plus nécessaires qu’elles permettent de mieux agir. Explications par Nicolas Charpentier du Groupe sida Genève.

gen__ve.jpg

Les infections découvertes chaque année ne renseignent pas sur la dynamique de l'épidémie. L'ensemble de ces infections découvertes ne correspond pas à des infections récentes. Par exemple, en France, seulement un tiers des infections découvertes sont des infections nouvelles et ce sont 37% des nouveaux patients qui sont des personnes qui ignoraient leur séropositivité. Cela marque le niveau important de prise en charge tardive et donc de dépistage tardif. A cela, il faut ajouter les personnes perdues de vue ou personnes non prises en charge. En effet, ce sont entre 10 et 15% des personnes qui connaissent leur statut, mais ne sont pas prise en charge médicalement. Ces éléments sont à prendre en compte dans la lecture épidémiologique des infections découvertes, notamment dans la logique de prendre en compte la charge virale communautaire (elle est le résultat de mesures de charge virale des personnes séropositives d'une même communauté pour quantifier la quantité de virus circulant, et disposer d'un marqueur du risque de transmission au niveau de cette communauté).


Quelques données sur l'épidémie en France

Ce sont environ 150 000 personnes qui sont infectées par le VIH, parmi celles-ci 120 000 sont diagnostiquées (30 000 ignorent leur séropositivité), 110 000 sont prises en charge et 96 000 sont sous traitement antirétroviral. Parmi celles-ci 84 000 ont une charge virale indétectable, soit 56% des personnes infectées en France. Pour entrer dans l’ère du TasP (le traitement en prévention) il faut donc augmenter la couverture en traitement et donc la suppression de la charge virale.


Le dénominateur commun est le test

Quelles que soient les avancées scientifiques sur les traitements, le traitement en prévention, le traitement pré-exposition, le dénominateur commun est le test. Mais pourquoi la stratégie ne marche-t-elle pas ? Qu'est-ce qui dysfonctionne dans la stratégie de dépistage ? Si l'on observe les recommandations à savoir dépister si on a des symptômes associés ou s'il y a appartenance à un groupe cible, on voit que cela ne fonctionne pas. Il est question de promouvoir le dépistage ciblé et régulier, chez les hommes qui ont du sexe entre hommes et chez les personnes migrantes. Pour autant, ce sont 20% des nouveaux cas qui concernent des personnes qui ne sont pas à risques ou ne disent pas qu'elles le sont. Ces derniers arrivent tardivement au dépistage. Autre exemple : la communauté homosexuelle n'est pas "une" communauté (dans le sens où elle serait un bloc unique avec des caractéristiques valables pour tous ses membres) dans ces conditions la stratégie de ciblage comporte des lacunes. En prenant l'exemple des dispositifs de dépistage communautaire (dépistage réalisé par des militants associatifs non médicaux ou paramédicaux, comme à AIDES, et auprès des groupes cibles), ce sont 30% des personnes dépistées qui n'ont jamais été dépistées auparavant et qui présentent pour autant le même niveau d'exposition au risque.


Pourquoi certains ne vont-ils pas vers les structures de soins ou de dépistage ?

Premièrement il est montré que les médecins généralistes proposent peu les tests. Les soignants, 3 sur 10, ne se considèrent pas légitimes pour parler de sexualité. Alors voici quelques propositions pour le dépistage de demain : d'abord, en matière de dépistage, ne pas prendre que des décisions "coût/efficacité". Ensuite, les hommes représentent une cible du dépistage de demain, les femmes se voient proposer un dépistage systématique lors d'une grossesse, alors comment le proposer à tous les hommes de 25 à 54 ans au moins une fois ? A côté de l'expérience de dépistage généralisé qui ne fonctionne pas comme le montre le faible niveau de proposition du test par les médecins, comment proposer le test dans les populations dans les zones de prévalence élevée ? Et bien entendu continuer l'élargissement de l'offre de dépistage vers les populations les plus vulnérables, que cette offre soit médicalisée et démédicalisée. Dernière proposition, il est évoqué l’autotest, pour sa rapidité, son anonymat, sa facilité d'accès. Mais comment le promouvoir tout en favorisant que les personnes qui se dépistent toutes seules fassent la démarche vers les soins par la suite. Ces propositions sont valables au Nord comme au Sud.