"Vite, une loi contre la propagande... homophobe !"

Publié par Mathieu Brancourt le 28.11.2012
7 027 lectures
Notez l'article : 
0
 
MondeLGBTactivisme
Reporter pour Seronet, Mathieu Brancourt poursuit, à l’invitation du Fonds mondial de lutte contre le sida, son voyage en Ukraine afin d’y voir quels étaient les enjeux de la lutte contre le VIH/sida, les hépatites et la tuberculose dans ce pays aux frontières de l’Europe. Mathieu nous propose chaque jour un billet de voyage… Quatrième et dernière étape.
Ukraine4.jpg

Enfin ! La rencontre avec les activistes LGBT ukrainiens est arrivée. Après une tentative avortée en début de séjour, il va être possible de discuter de la situation politique et sanitaire de la communauté homosexuelle en Ukraine. Fin de l'insoutenable suspense : elle est mauvaise. En tant que population sensible à l'épidémie, les hommes ayant des relations avec des hommes (HSH) doivent avoir un accès renforcé au système de santé. Peu ou prou, les HSH ukrainiens rencontrent les mêmes problématiques que les autres groupes particulièrement touchés par l'épidémie (travailleuses du sexe et consommateurs de produits). Discriminations, bureaucratie envahissante et frais cachés dans le système de santé publique, soi-disant gratuit, du pays. Les données épidémiologiques sont donc inquiétantes. Taras Karasiichuk, chargé des questions prévention de l'organisation Gay alliance, estime la prévalence du sida parmi les gays à 8 %. L'organisation non gouvernementale, créée en 2001, mène des actions de prévention, de dépistage, mais aussi de soutien vers les homosexuels à Kiev.

L'enjeu du dépistage et de la mise sous traitement des personnes concernées donc, mais aussi de la protection des droits humains. Sur ce tableau, l'Ukraine suit le (mauvais) chemin homophobe de l'Ouganda ou de la Russie. Une loi condamnant la "propagande de l'homosexualisme" est dans les tuyaux du Parlement. Discutée en ce moment par les députés, elle viendrait interdire toute information à destination des personnes homosexuelles, qui véhiculent une "image négative de la famille" et représente un danger pour les enfants (cela ne vous rappelle rien ?). Au même titre que, tenez-vous bien !, le nazisme ou le racisme. Une véritable épée de Damoclès plane au-dessus de la communauté LGBT. Un danger aussi pour les actions de terrain de Gay alliance, l'accès des personnes à l'information sur les maladies sexuellement transmissibles et aux outils de prévention. Grâce à un lobbying tenace de groupes religieux ou ultranationalistes et à des parlementaires complaisants, l'homophobie d'Etat se diffuse parmi la population. En 2011, 75 % des Ukrainiens pensent que les homos ne doivent pas avoir les mêmes droits que les hétérosexuels. C'est quinze points de plus que deux ans auparavant. Un contexte politique et sociétal homophobe qui ne choque et ne mobilise quasiment personne, en dehors des militants de la lutte contre le sida ou des droits humains. L'ONUSIDA et Amnesty International se sont bien émues de cette situation, mais le gouvernement, ministère de la Santé en tête, fait la sourde oreille. Etrange quand ce dernier prétend vouloir lutter efficacement contre l'épidémie de VIH/sida, dont l'homophobie et la stigmatisation font le lit. Les activistes sont prêts à se battre, mais cette loi ne semble être qu'un début de déferlement homophobe. Dans un pays où aucun politique n'ose se positionner en faveur de l'égalité des droits, le souhait émis du titre de ce billet reste un vœu pieu. AMEN ?