Zepatier remboursé en Suisse, la fixation des prix critiquée

Publié par jfl-seronet le 14.07.2017
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ThérapeutiqueZepatierVHChépatite C

En Suisse, Zepatier (elbasvir et grazoprevir, laboratoire MSD) sera entièrement remboursé à partir du 1er juillet pour la plupart des personnes souffrant d'hépatite C. C’est ce qu’indique le journal suisse "24 heures". Jusqu'à présent, le remboursement était limité à certains groupes de personnes et dépendait du stade d’avancée dans la maladie. La Suisse connaissait aussi — du fait de critères restrictifs — la restriction de l’accès aux AAD. Des organisations non gouvernementales mettent en cause les décisions de l'Office fédéral de la santé publique qui a conduit à cette politique qui connaît aujourd’hui de nets assouplissements. Explications.

En Suisse, l'Assurance maladie de base ne prend actuellement en charge les nouveaux médicaments contre l'hépatite C qu'à des conditions strictes et très restrictives. La maladie doit être à un stade intermédiaire (fibrose de stade 2) ou présenter des symptômes extra-hépatiques, a rappelé, fin juin, l'Office fédéral de la santé publique dans un communiqué. En avril 2017, l'Assurance maladie a étendu les remboursements aux personnes qui présentent un risque de transmission élevé ou dont la maladie évolue rapidement comme les personnes co-infectées par le VIH ou par l'hépatite B. Ces remboursements concernent aussi les personnes usagères de drogues par injection ainsi que les personnes pour lesquelles un premier traitement a échoué et qui nécessitent de façon urgente une nouvelle thérapie. L'OFSP a donc décidé récemment de lever ces critères pour Zepatier. Ce médicament peut traiter tous les personnes infectées par le génotype 1 ou 4 de l'hépatite C, soit environ 62 % de toutes les personnes touchées par cette maladie en Suisse. La levée de ces critères va de pair avec une baisse du prix du médicament. Zepatier coûte désormais 30 952 francs suisses (environ 28 437 euros), contre 47 690 francs suisses (environ 43 816 euros) auparavant.

"Stratégie hépatite suisse salue cette décision qui permet à un grand nombre de patients d'accéder à des médicaments efficaces. Mais il faut aller encore plus loin, réagit-elle dans un communiqué. Certains médicaments efficaces contre d'autres génotypes du virus devraient également être remboursés, associés à des baisses de prix. La décision de l'OFSP correspond aux directives internationales qui recommandent de recourir sans restriction aux nouveaux médicaments contre l'hépatite C, dès que cela est raisonnable du point de vue économique", explique le journal suisse "24 heures".

"Deux ans d'une bataille de prix indigne"

En Suisse, c’est l'OFSP qui est en charge des discussions sur les prix avec les laboratoires pharmaceutiques. D’ailleurs, l’institution fait l’objet de vives critiques de la part de la société civile. En témoigne le communiqué (29 juin) de deux organisations non gouvernementales : Conseil Positif et AHCS (Association Hépatite C Suisse), sur la levée des critères restrictifs d’accès à Zepatier et la baisse de son prix.

"Deux tiers des malades VHC peuvent enfin soupirer. Après deux ans d'une bataille de prix indigne, l'OFSP et l'entreprise Merck Sharp & Dohme ont enfin réussi à s'entendre, et le rationnement du médicament Zepatier a été levé par l'OFSP pour les malades VHC de génotypes 1 et 4. Ainsi les malades avec une fibrose de stade F0 et F1 peuvent être traités et guéris", expliquent les deux organisations non gouvernementales qui se disent "très heureuses" et "se félicitent de cette décision attendue depuis longtemps". 
"Ceci démontre qu'au niveau de l'hépatite C, l'OFSP a révisé son point de vue. Rappelons-nous : l'OFSP clamait haut et fort jusqu'à présent qu'il ne fait aucun sens "de traiter des personnes en bonne santé qui ne tomberont peut-être jamais malades". Maintenant, l'OFSP considère enfin que l'infection par le VHC est une maladie et nous sommes heureux de ce changement d'optique important et fondamental de notre autorité sanitaire. Pour cela, nous tenons à féliciter chaleureusement la direction de l'OFSP", avance le communiqué, un poil ironique.

Si les deux organisations remercient le laboratoire MSD pour avoir donné son accord sur la réduction du prix pour Zepatier. Elles notent que cette avancée ne concerne pas toutes les personnes vivant avec le VHC : "N'oublions pas que c'est seulement environ 62 % des patients qui ont accès au traitement. Les 38 % restants ont la malchance, de porter en eux "le mauvais génotype". Pour ce groupe de population, la nouvelle situation est d'autant plus incompréhensible".

Dans leur communiqué, les associations indiquent lancer "dès à présent un appel aux autres sociétés pharmaceutiques pour permettre des réductions de prix similaires et ainsi l'abolition complète du rationnement de tous les médicaments pour le VHC. L'OFSP a montré pour la première fois qu'il est prêt à reconsidérer leurs décisions (…) Maintenant, les sociétés Gilead (Sovaldi, Epclusa, Harvoni), Bristol-Myers Squibb (Daklinza) et AbbVie (Viekirax, Exviera) sont elles aussi tenues de renoncer à une petite partie de leurs bénéfices, afin qu'en Suisse aussi, tous les patients atteints du VHC, quel que soit leur génotype, puissent être guéris (…) A ce stade, nous exigeons une plus grande sensibilisation du public concernant l'hépatite virale en Suisse. Beaucoup de malades chroniques ne connaissent rien de leur infection, de nombreuses infections restent non détectées pendant trop longtemps. Il faut une approche coordonnée".