Amour et tatouage

L'analyse des encres de tatouage révèle des pigments utilisés dans les textiles et les peintures et des microparticules capables d'endommager les cellulesLa recherche trouve des composés, tels que l'éthanol, qui ne figurent pas sur les étiquettes des produits couramment utilisésRAUL CITRON24 AOÛT 2022 - 09:00 UTC Exposition 'Tattoo, art under the skin', la plus grande exposition sur l'histoire de cette pratique, qui s'est tenue l'année dernière au Caixa Forum.JEAN BARBOSA

Le tatouage est une pratique ancestrale. La momie d'Ötzi, la dépouille de l'homme retrouvée en 1991 dans la vallée d'Ötz (Autriche) 5 300 ans après son meurtre à coups de flèches , présentait 61 perforations cutanées remplies de cendres de charbon de bois, selon l'enquête du directeur de l' Institut des momies et des l'homme de glace , Albert Zink , publié dans Journal of Cultural Heritage. La décoration ornementale, sentimentale, rituelle, identitaire ou superstitieuse de la peau a connu un essor (entre 9% et 30% selon les pays). Mais, bien que les autorités sanitaires surveillent la composition de ces substituts au charbon de bois ancestral, certains de leurs composants échappent à l'analyse conventionnelle. Une équipe de chercheurs de Binghamton, l'université d'État de New York, a analysé une centaine d'encres de tatouage courantes et a trouvé des ingrédients qui ne figurent pas sur les étiquettes et des particules potentiellement nocives.

Les travaux, dont les résultats sont présentés mercredi lors de la réunion d'automne de l'American Chemical Society , ont commencé dans une autre direction. Selon le chercheur principal John Swierk, l'équipe avait l'intention d'étudier les effets des lasers pour le détatouage. "Mais ensuite, j'ai réalisé que l'on savait très peu de choses sur la composition des encres de tatouage, alors nous avons commencé à regarder les marques les plus couramment utilisées", explique-t-il.

Les encres de tatouage contiennent un pigment et une solution de support. Le premier peut être un composé moléculaire, tel qu'un pigment bleu ; un composé solide, tel que le dioxyde de titane, qui est blanc ; ou une combinaison des deux types de composés, comme l'encre bleu clair. La solution porteuse transporte le pigment vers la couche médiane de la peau et aide généralement à rendre le pigment plus soluble. Vous pouvez également contrôler la viscosité de la solution d'encre et parfois inclure un ingrédient anti-inflammatoire.

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Mais c'est la description générale. La technologie a été essentielle pour révéler la composition moléculaire des plus petites particules de pigment. Les techniques de spectroscopie Raman (qui utilise l'interaction de la lumière avec les liaisons chimiques d'une substance pour déterminer sa structure), la résonance magnétique nucléaire et la microscopie électronique ont permis de détecter des ingrédients qui ne figuraient pas sur les étiquettes, comme l'éthanol. "Chaque fois que nous avons regardé une encre, nous avons trouvé quelque chose qui m'a fait m'arrêter et réfléchir", explique Swierk, qui prévient qu'aucun des tatoueurs qui ont collaboré à l'enquête ne connaissait la composition des produits qu'ils utilisent.

Les analyses ont trouvé des pigments azoïques dans 23 marques d'encre, utilisées pour colorer les articles textiles et en cuir. Selon le chercheur, "aucun établissement de produits de tatouage ne fabrique de produits spécifiques, mais ce sont les grandes entreprises qui fabriquent des pigments pour tout, comme les peintures et les textiles, et ce sont elles qui utilisent les encres de tatouage".

Les pigments azoïques ne posent pas de problème de santé tant qu'ils restent chimiquement intacts, mais le Centre commun de recherche (JRC), un organe consultatif scientifique auprès de la Commission européenne, prévient que "les bactéries ou la lumière ultraviolette peuvent les dégrader en d'autres substances à base d'azote". composés potentiellement cancérigènes.

Selon le rapport européen Sécurité des tatouages ​​et du maquillage permanent, les pigments azoïques peuvent, dans certains cas, libérer des amines aromatiques, qui sont liées à l'apparition de certains types de cancer, comme le cancer de la vessie, et sont destinées à être utilisées dans le caoutchouc, industries de l'aluminium et du textile. La concentration de ces pigments est limitée dans la dernière réglementation.

L'équipe de l'Université de New York a également identifié des particules inférieures à 100 nanomètres (nm) dans huit encres, grâce à la microscopie électronique. Un nm équivaut à un millionième de millimètre et, selon Swierk, la plage trouvée est "inquiétante" car, comme il le précise, "des particules de cette taille [moins de 100 nm] peuvent traverser la membrane cellulaire et potentiellement causer des dommages".

EN ANGLAISL'analyse des encres de tatouage révèle des pigments et des microparticules potentiellement nocifs

Les chercheurs de Binghamton ne considèrent pas l'enquête close et continueront de révéler la composition des encres de tatouage. Les résultats seront incorporés dans le What's in My Ink? (Qu'y a-t-il dans mon encre ?) afin que, selon Swierk, "les consommateurs et les tatoueurs prennent des décisions éclairées et sachent si les informations qu'ils fournissent sont exactes". Ce site précise que certains pigments peuvent contenir de faibles niveaux de cadmium, de mercure et de plomb ou, au contraire, des concentrations de chrome supérieures à une particule par million, le maximum recommandé pour éviter les réactions allergiques.

La FDA , acronyme de l'autorité américaine sur l'alimentation et les médicaments, met en garde contre les possibles effets indésirables d'un tatouage : infection, cicatrices (tant dans la réalisation des perforations que dans l'ablation du dessin), réactions allergiques, granulomes (nodules autour du pigment que le corps perçoit comme étranger) et quelques complications mineures lors des IRM.

Réglementation espagnole

En Espagne, les encres pour tatouages ​​et maquillage permanent sont réglementées comme des produits de soins personnels, dont la commercialisation nécessite une autorisation préalable de l'Agence espagnole des médicaments et des produits de santé (AEMPS), qui examine les informations techniques, la stabilité, la stérilité, les informations analytiques et toxicologiques informations.

Le règlement subséquent , approuvé il y a un peu plus d'un an et demi, limite l'utilisation de plus de 4 000 substances chimiques dangereuses et intègre des limites de concentration maximales pour des substances telles que les colorants azoïques trouvés dans l'enquête de Binghamton, les amines aromatiques cancérigènes, les hydrocarbures aromatiques polycycliques ( HAP ), les métaux et le méthanol.

Cette réglementation est courante en Europe et est appliquée depuis le 4 janvier, sauf pour certains pigments bleus et verts, qui seront soumis à réglementation à partir de 2023 ou seront retirés s'ils ne sont pas conformes. Les étiquettes des encres utilisées en Europe doivent inclure les ingrédients et les déclarations de sécurité. L'AEMPS met périodiquement à jour la liste des produits autorisés pour le maquillage permanent (micropigmentation) et les tatouages. L'organisation de consommateurs Facua prévient également que le tatoueur doit avoir un diplôme et informer l'utilisateur, "à la fois oralement et par écrit", des complications qui peuvent apparaître.

En Allemagne, ils vont au-delà de la législation européenne commune et l'Institut fédéral d'évaluation des risques (BFR), un organisme scientifique indépendant qui conseille le gouvernement sur la sécurité des produits alimentaires et chimiques, a appelé depuis juin dernier à la participation d'experts au plus haut niveau. former une commission spécifique pour évaluer les dangers potentiels associés aux tatouages. Selon le président du BFR, Andreas Hensel, "malgré les progrès dans l'identification des risques pour la santé, des domaines tels que les effets à long terme des pigments dans le corps nécessitent encore des recherches".

tatouages ​​thérapeutiques

Cependant, les tatouages ​​ont aussi un côté positif lié aux usages thérapeutiques. Cristina Zabaleta, de l'Université de Californie du Sud, utilise l'encre pour améliorer le diagnostic du cancer. L'auteur d'une recherche publiée dans Biomaterials Scienceutilise des colorants incorporés dans des nanoparticules qui fournissent un contraste d'image plus efficace dans l'identification des cellules tumorales. «Par exemple, s'il s'agit d'un cancer du côlon, il est détecté avec un endoscope, mais il s'agit littéralement d'une lampe de poche au bout d'un bâton, il ne donnera donc que des informations sur la structure du côlon. Vous pouvez voir un polype et savoir que vous devez faire une biopsie. Mais certains outils d'imagerie peuvent aider les médecins à voir si ce polype particulier est cancéreux ou simplement bénin », explique-t-il.

Aussi la technique de tatouage a d'autres applications. Une équipe de l'Université du Missouri a étudié comment créer des dispositifs bioélectroniques sur la peau à l' aide de crayons composés à 93 % de graphite. « L'approche conventionnelle pour développer un dispositif électronique biomédical sur la peau est souvent complexe et souvent coûteuse à produire. Notre approche est peu coûteuse et très simple. Nous pouvons fabriquer un appareil similaire en utilisant des crayons et du papier disponibles », explique Zheng Yan, professeur d'ingénierie au centre.

Francesco Greco de l'Université de technologie de Graz a mis au point des « électrodes de tatouage », des polymères conducteurs fabriqués à partir d'encre de tatouage standard qui collent à la peau pour mesurer l'activité cardiaque ou musculaire. "Les électrodes de tatouage peuvent enregistrer des signaux électrocardiographiques (EGG) avec la plus haute qualité car les ondes cérébrales sont dans la gamme des basses fréquences et les signaux EEG ont une très faible amplitude. Ils sont beaucoup plus difficiles à capter en haute qualité », explique Laura Ferrari, qui a travaillé sur ce projet.

"Le corps est devenu un écran sur lequel se projette l'identité rêvée"