Bouclier fiscal : ni vu, ni connu, je t'embrouille !

Publié par ionesco le 13.05.2011
762 lectures

Comme le scotch dont le capitaine Haddock n'arrive pas à se débarrasser, Nicolas Sarkozy arrivera-t-il d'ici 2012 à se débarrasser de ce boulet qui fut, en quelque sorte, l'un des symboles majeurs de ce quinquennat qui, de manière emblématique, fut inauguré aux Fouquet's ? Il tente, à l'orée de sa campagne, de se débarrasser de cette image de « Président des riches » qui lui colle à la peau. C'était le but du texte voté hier en conseil des ministres mais c'est déjà raté.

Avec le nouvel ISF, ils s'acquitteront de 3.862 euros, soit un gain moyen de 1.115 euros. Une broutille pour ces très hauts revenus


Ces textes, au sein même du groupe UMP, ont déjà suscité des réticences. C'est qu'après avoir comme de bons petits soldats défendus ce bouclier fiscal, ils sont obligés de revenir sur leurs engagements. Mais qu'ils ne s'inquiètent pas : la version allégée de l'impôt de solidarité sur la fortune  présentée hier permettra à une immense majorité de contribuables, y compris aux très gros patrimoines, de payer moins qu'avant, malgré l'abrogation du bouclier fiscal, selon plusieurs simulations. Selon un document du rapporteur UMP du Budget à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, avant la réforme les 592.168 assujettis à l' ISF payaient en moyenne, après remboursement éventuel au titre du bouclier fiscal, 4.977 euros par an. Avec le nouvel ISF, ils s'acquitteront de 3.862 euros, soit un gain moyen de 1.115 euros. Une broutille pour ces très hauts revenus

Lilianne Bettencourt va  diviser par quatre ses impôts pendant deux ans. Un dernier cadeau fiscal de Nicolas Sarkozy avant la présidentielle de 2012...

Les mises en garde se sont toutefois multipliées ces derniers jours. Le président de l'Assemblée, Bernard Accoyer qui, généralement, traduit plutôt bien les états d'âme de ses fantassins dont les électeurs disent qu'ils ne comprennent «plus où nous allons », a exprimé ses réserves.  Certains députés trouvent qu'il sera supprimé trop tard, en 2013, craignant l'effet dévastateur des chèques comme celui que Liliane Bettencourt, la première fortune de France, avait reçu du fisc : 32 millions d'euros ! En fait un subterfuge permettra aux intéressés, ni vu ni connu, de déduire eux-mêmes le montant du bouclier de celui de l'ISF dont ils s'acquittent parallèlement. Liliane Bettencourt ne va pas être perdante : elle avait versé 40 millions d'euros d'impôts en 2010, par un tour de passe-passe, elle versera 10 millions d'euros d'impôts en 2011, Bettencourt va donc diviser par quatre ses impôts pendant deux ans. Un dernier cadeau fiscal de Nicolas Sarkozy avant la présidentielle de 2012...

Seuls vrais bénéficiaires, les 300.000 "petits riches" que la flambée des prix de l'immobilier obligeait à déclarer l'ISF

Seuls vrais bénéficiaires, les 300.000 "petits riches", selon l'expression de François Baroin, y échapperont dès cette année : Leur patrimoine était compris entre 800.000 et 1,3 million d'euros, parce qu'ils étaient propriétaires depuis longtemps dans des lieux, comme l'Ile de Ré, où la flambée des prix de l'immobilier les obligeait à déclarer l'ISF. Mais, comme l'a confirmé à Libération le rapporteur du budget UMP à l'Assemblée, Gilles Carrez, les contribuables seront bien «en moyenne et en masse» gagnants dans toutes les tranches. Pour les 5 000 foyers aux patrimoines compris entre 7,6 et 16,54 millions d'euros - dont 70% bénéficient aujourd'hui du bouclier -, la réforme diminuera en moyenne leur ISF de près de 20 000 euros. Pour les 1 700 contribuables les plus riches, avec une fortune supérieure à 16,4 millions d'euros et dont 77% d'entre eux sont au bouclier, il baissera en moyenne de 30 000 euros ce qui est peu de choses par rapport à leur fortune.

Les plus riches " vont avoir fromage et dessert, ceinture et bretelles, c'est-à-dire le double avantage quand beaucoup de Français en sont réduits à la double peine" (François Hollande)

Pour François Hollande, les plus riches " vont avoir fromage et dessert, ceinture et bretelles, c'est-à-dire le double avantage quand beaucoup de Français en sont réduits à la double peine" puisqu'ils "vont avoir à la fois un allègement de leur ISF et en même temps toujours le bénéfice du bouclier fiscal" supprimé cette année. Pour Thomas Piketty, il s'agit même du « plus énorme cadeau fiscal aux plus riches ». Mais comme il faut, dans la situation d'endettement que connaît la France, trouver des compensations, les grosses successions de plus de quatre millions d'euros seront plus lourdement taxées, tout comme les donations alors qu'une taxe frappera les résidences secondaires des non-résidents et une autre les exilés fiscaux (87 millions). Hasard du calendrier, le même jour, la Cour des comptes, estime qu'une réforme de la fiscalité du patrimoine "gagnerait à être entreprise globalement" plutôt que ces bricolages successifs. L'impôt sur le revenu "a vieilli", "ses recettes sont désormais faibles" et "il peine de plus en plus à remplir (...) l'objectif de progressivité et de redistribution" qui lui était "historiquement" assigné, a résumé Didier Migaud. De surcroit, cette perte de progressivité, a "bénéficié" aux plus aisés, liée à la prolifération des niches fiscales et aux baisses de taux qui en font un impôt moins lourd qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni. Et pour couronner le tout cet impôt taxe moins les revenus du patrimoine que ceux du travail ! Du coup, il "devient dégressif" pour les quelques milliers de contribuables les plus aisés, dont les revenus proviennent en grande partie du patrimoine: leur taux de prélèvement est plus faible que pour ceux qui sont un peu moins riches. Une disposition qui perpétue les situations acquises et, plutôt que de valoriser les talents, reproduit une oligarchie dont les liens de consanguinité sont forts.
http://jeanmarcelbouguereau.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/05/11/boucl...

Commentaires

Portrait de ionesco

Portrait de ionesco

Le rapport du conseil des prélèvements obligatoires révèle à quel point les super-riches sont choyés en France. Grâce à un régime fiscal très avantageux, ils réduisent leur impôt sur le revenu jusqu’à être bien moins imposés que les cadres supérieurs.

http://www.marianne2.fr/hervenathan/France-le-pays-si-doux-pour-les-supe...