Choc frontal

Isabelle sort d'une boîte de nuit vers 3 heures du matin, apparemment seule. Elle doit rentrer chez elle, il y a bien 30 kms. Elle perd le contrôle de sa voiture sur une RN droite semée de platane. Choc frontal, elle meure sur le coup, carbonisée.

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Ces derniers temps, elle était fatiguée nerveusement. Il y avait de quoi sa petite soeur morte dans un éboulement en Crète, son père, plus tard, d'un cancer généralisé, l'une de ses meilleures amies lui annonçant sa séropositivité, un mois plus tôt. Et cet homme indécis qui la faisait souffrir.

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Elle vivait avec sa mère, par amour, par devoir, par besoin. Isabelle était gracieuse, fragile, perfectionniste, discrète et intelligente. Elle aimait les siens pour leurs défauts et leurs qualités, un sourire à la Nastassja Kinski, un grain de peau parfait, une écriture délicate.

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En revenant en Picardie, je n'eus pas le droit de voir le corps. J'étais une fontaine de pleurs. Quelques semaines avant, je tenais ses longs doigts fins. Nous nous aimions, nous nous connaissions depuis plus de 16 ans, notre jeunesse dans les bals, les voyages dans le Péloponnèse et Ios où elle vivait avec son ami grec, furent pour la voir elle. Je te revois aussi à côté de Claire, le jour de mon anniversaire chez moi, où j'avais invité tous mes amis éclectiques, la sauce avait pris, nous avions ri jusqu'à tard dans la nuit. Nous étions encore alors des gamines intemporelles mais déjà avec des cicatrices. Tu étais toujours tellement douce, prévenante avec moi, une complicité sans mots.

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Mon coeur se mit à descendre avec le cercueil. Sans passage à l'église et fleurs artificielles comme tu le voulais. Mon père était là aussi, connaissant la famille, il me veillait de loin, il ne savait pas encore qu'il allait reposer une rangée plus loin, 5 ans et 9 jours plus tard.

Le plan du cimetière c'était moi-même qui l'avait dessiné, le Maire m 'engagea comme Tuc et ayant noté mon peu de connaissance en dessin, me prit pour une architecte à bas prix. C'est ainsi que je pris les mesures, les allées de vos futures demeures et également dessiné l'ancien cimetière où repose ta petite soeur et ton papa.

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Ta mère a mon passage, me prit dans ses bras "ma petite r.." Je ne te verrais plus, pourtant, je te préssens parfois, comme Claire, j'ai encore ton numéro de téléphone dans ma tête.

Ta mort me laisse toujours pantoise.

Ta filleule est une merveille, les grands yeux et cils recourbés de ta petite soeur.

Je retrouve des airs à toi chez l'aînée du deuxième mariage de ton frère.

Ta mère et moi, nous avons prévu en 2013, aux temps froids, d'aller en Crète.

Inutile de te dire à quel point, tu me manques, ma douce, le temps n'y fait rien.