Concession au VIH

Publié par Rimbaud le 05.09.2017
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Une amie, un jour, m’avait dit : « si un jour tu tombes gravement malade, je ne serais pas là pour toi. Je ne pourrais pas parce que j’ai déjà traversé le cancer de mon frère et que je n’aurais pas le courage de revivre ça à nouveau ». Cette phrase m’avait choqué mais je n’ai rien dit à l’époque. J’ai enregistré simplement l’information et je l’ai gardée dans un coin de ma tête. Alors quand le verdict est tombé, je n’ai plus répondu à ses appels. Je n’ai pas répondu à sa voix sur ma messagerie puis je lui ai seulement dit : « je traverse un moment difficile, ne cherche pas à me joindre, j’ai besoin de temps pour moi. » Certains diront que ce n’était pas une amie, qu’une amie véritable est là surtout dans les moments difficiles de la vie. Je ne serais pas aussi sévère. Chacun a ses limites. Chacun a ses failles, ses blessures, ses combats menés et leur fatigue extrême. Quand bien même son frère a survécu et a gagné la bataille, celle-ci a laissé des traces et un poids qu’on ne se sent pas forcément le courage de soulever à nouveau. J’ai appris à ne pas attendre des autres, à ne pas exiger d’eux. Il valait mieux mon retrait plutôt que sa maladresse, plutôt que sa gêne, plutôt que le conflit. Je n’aurais pas supporté ça au moment où tout semble basculer, où les murs s’effondrent et où l’on a le plus besoin de réconfort. La mort d’une amitié plutôt qu’un conflit inutile, un conflit dangereux car à ce moment-là, c’est de clairvoyance dont on a besoin, c’est de réconfort, c’est de compréhension, c’est de patience, c’est d’énergie dont il est question pour dresser les remparts solides qui maintiendront le virus hors de portée. Tant pis si je suis, dans l’affaire, l’abandonneur. Il me fallait ne pas lâcher l’essentiel.

Je ressens pourtant une forme de honte qui est une faiblesse. J’ai le sentiment de l’avoir trahie. Peut-être aurais-je dû malgré tout l’associer à ce moment décisif et faire taire ces paroles qu’elle ne pensait peut-être pas. Peut-être ai-je accordé trop d’importance à ces mots. Je n’ai pas eu la force de prendre ce risque au moment où j’avais le plus besoin de sécurité. Je viens malgré tout, sept mois plus tard, de lui expliquer les raisons de mon éloignement. Pour que le silence ne prenne pas toute la place et que l’histoire, même achevée, ait un sens. La mélancolie qui l’accompagne n’a au fond qu’une cause : elle est l’expression du regret d’avoir concédé quelque chose au virus, un truc qui est de l’ordre de la vie, une relation à laquelle j’ai renoncé. Par respect pour sa douleur, à elle. Il est des décisions qui ne sont pas des choix mais qui se prennent malgré vous. Par faiblesse.

Elle aura été ma seule concession au VIH.

Commentaires

Portrait de Cmoi

Tu as donné les véritables raisons de ton éloignement, et quelle a été sa réaction, quels ont été ses mots ? S'il n'y a pas eu un sursaut de tendresse ou de compassion, alors ton choix a été le bon. Tu devais te protéger, et personne ne peut livrer toutes les batailles à la fois. Ce que tu venais d'apprendre nécessite toute ton énergie, et ce n'est à mon avis pas une concession au virus, de nombreuses autres situations peuvent amener à des ruptures douloureuses. 

Portrait de Rimbaud

le silence... 

Portrait de Rimbaud

On me signale dans l'oreillette que j'ai fait une faute : « si un jour tu tombes gravement malade, je ne serai pas là pour toi. Je ne pourrai pas parce que j’ai déjà traversé le cancer de mon frère et que je n’aurai pas le courage de revivre ça à nouveau ».

Mille excuses à tous.

Portrait de detlevera

Heu.. l'erreur n'est elle pas apparue à postériori ??

"Si un jour"... introduit une condition... donc le "S" me paraît justifié ? "Si un jour... je ne serais pas là..."

Ou devrais-je réviser mon Bécherel ?

D'ailleurs, ne devrait-on pas faire jouer la concordance des temps  : "si un jour tu tombais malade... je ne serais pas là..." ?

Portrait de Rimbaud

j'ai mis un présent dans la subordonnée donc j'aurais dû mettre un futur après... ou alors comme tu le suggères imparfait/conditionnel... ;)

Portrait de Cmoi

Je ne comprends rien à votre discussion. J'ai peut-être appris çà il y a très longtemps, mais alors j'ai tout oublié. Et puis après tout tant pis ! Chacun son domaine de compétences. Si je te parle de gammes Majeures, mineures mélodiques et mineures harmoniques, peut être que ça ne te dit pas grand chose non plus. 

Portrait de Rimbaud

non, là, c'est ton domaine, c'est sûr :) j'ai fait un cycle de solfège adulte de quatre ans et un peu de piano, mais c'est tout. ;) 

Portrait de detlevera

Un lien vers quelques "astuces" simples pour se rappeler quand utiliser quoi : https://www.lalanguefrancaise.com/5-astuces-pour-ne-plus-confondre-le-co...

Mais tu as raison Cmoi, chacun ses compétences, en fonction de sa culture et de ses goûts (les 2 sont souvent liés non ?).

Je ne connais rien à la mécanique ou à l'électricité, ou encore à l'atome (triste actualité) par exemple, et j'avoue un vrai désintérêt pour ces domaines. Le solfège en revanche, oui.

Pour en revenir à ton post initial, Rimbaud, ce silence que tu évoques correspond peut-être à une distance nécessaire à ton amie pour mener une réflexion ?

Ce n'est peut être pas encore l'heure de la rupture ? Peut-être juste le temps d'une pause constructive ?

Portrait de Rimbaud

L'avenir le dira mais je pense qu'elle est dans la fuite de tout problème pouvant interférer dans son bonheur personnel (relatif et illusoire d'ailleurs). C'est le poids de ses souffrances passées qui l'explique. Je le comprends et l'accepte. Je le lui ai dit. 

Merci pour le lien ;)