Confinement physique, expansion érotique ?

Publié par jl06 le 29.03.2020
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Maïa Mazaurette

A ceux qui rêvent d’inscrire « rebond sexuel » sur leur to-do list du moment, la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette livre de bons conseils. Aux autres, elle rappelle que c’est toujours « sans obligation ».

Publié hier à 23h01, mis à jour à 05h54   Temps deLecture 6 min.

LE SEXE SELON MAÏA

Déjà dix jours de confinement ! A mesure que la vie ralentit, certains rêvent de compenser par une accélération sexuelle : contre mauvaise fortune bon cœur, et contre la distanciation, les délices du rapprochement. Non seulement la sexualité a l’avantage de sublimer le confinement, mais elle lui donne un sous-entendu canaille. Elle se pratique à domicile, sans frais, seul, à deux, a priori sans contrôle de police : tous les voyants sont au vert.

Sauf qu’en termes de transcendance érotique il y a – une fois encore – les privilégiés et les autres. Côté pile, les couples cohabitant sans enfants pourront certainement courir nus dans leurs 25 mètres carrés en secouant leur chatoyante chevelure. Côté face, les célibataires risquent de le rester un moment, les couples avec enfants vont perdre de l’intimité, les duos mal assortis pourront fignoler leur procédure de divorce, et je ne doute pas que certains individus – plutôt des femmes – subiront une pression pour augmenter la fréquence des rapports sexuels.

Cependant, refrénons notre misérabilisme : certains d’entre nous ont le temps, la place et l’envie d’inscrire « rebond sexuel » sur leur « to-do list » de confinement. Voici quelques idées pour retrouver un second souffle.

1) Protégez-vous

Le coronavirus a été retrouvé dans la salive et les fèces, mais pour l’instant ni dans le sperme ni dans les sécrétions vaginales. Les projections de salive étant quasi inévitables, le meilleur partenaire sexuel, c’est vous-même. En l’absence de symptômes, votre partenaire habituel fera très bien l’affaire aussi – à condition d’arrêter les rapports au moindre doute sanitaire.

Pour les partenaires occasionnels et les rencontres d’un soir, attendez la fin de la pandémie (ou pratiquez le sexe via webcam, messagerie instantanée, sextoys connectés : vivre en 2020 n’offre pas que des désagréments). Enfin, n’oubliez pas que ni les IST ni les grossesses non désirées ne disparaissent magiquement en temps de crise : les mesures de précaution habituelles restent d’actualité.

2) Enfilez des (vrais) vêtements

On connaît la chanson : débarrassé des obligations sociales, l’être humain lambda tente de transformer chaque journée en dimanche matin, cette parenthèse enchantée où les pantalons constituent des vues de l’esprit. Je vous accorde une dérogation pour les trois prochaines heures, mais ensuite habillez-vous, lavez-vous (pas seulement les mains), coiffez-vous. Rien ne donne moins envie d’être déshabillé qu’une personne déjà déshabillée.

3) Redécouvrez votre partenaire

Je sais, je sais : après 97 896 heures en circuit fermé dans un studio de la taille d’un timbre-poste, on a envie de rencontrer tout le monde, sauf notre partenaire (adoré mais envahissant). Difficile de se languir de l’autre dans des conditions pareilles.

Cependant, tout n’est pas perdu : la proximité physique peut se compenser par des distances non géographiques. Essayez de vous habiller différemment (en commençant par ce fameux pantalon), de vous livrer à des activités inhabituelles (le bilan comptable de la boîte sur FaceTime), de vous poser des questions auxquelles vous n’aviez jamais pensé. Vous ne pouvez pas changer la situation, mais vous pouvez certainement changer de conversation !

A cet effet, je vous ai traduit sur ce fil Twitter les questions recommandées par le New York Times : Si vous deviez sauver un seul objet dans votre maison incendiée, quel serait cet objet ? Vous pouvez inviter n’importe quelle personne dans le monde à dîner : qui choisiriez-vous ? (Il y en a trente-quatre autres.)

4) Calmez votre anxiété

Non seulement l’addiction aux flux d’information nous fait tourner en boucle (je parie que vous pouvez réciter les symptômes du Covid-19 en sanskrit et à l’envers), mais cette rumination ne laisse aucune place à d’autres imaginaires – notamment érotiques.

L’anxiété compromet à la fois les érections et la motivation. Pourtant, le problème et la solution se confondent, puisque le sexe est un antistress naturel (voir notre chronique consacrée au sexe sans stress).

Rappelez-vous que l’anxiété n’est pas forcément une ennemie, apprenez à la discipliner par des exercices de respiration, prenez le temps de vous ennuyer et profitez de cette occasion pour laisser tomber toute pression concernant vos performances (pendant les pandémies, et idéalement hors des pandémies aussi : zéro pression).

5) Passez un doctorat « culture sexe »

Parce que le champ des possibles s’est réduit comme peau de chagrin, les adeptes du FOMO (fear of missing out, peur de rater des choses) compensent avec un champ culturel en pleine expansion. Les propositions alléchantes s’accumulent (opéras gratuits, jeux vidéo gratuitsebooks gratuitsMOOC gratuits, n’en jetez plus).

Sexuellement, vous faites coup double : 1) l’érotisme est une culture, 2) en la redécouvrant, vous augmenterez nécessairement l’étendue de votre répertoire fantasmatique et pratique – dont vous ferez bon usage, éventuellement après la pandémie. Quelques ressources :

– Remettez à jour votre liste de podcasts, vos classiques du roman érotique, votre bibliothèque de bandes dessinées et de non-fictions sur la sexualité, et même votre playlist.

– Si vous préférez Netflix, Sex Education se laisse regarder… (et donne l’occasion de parler de sexualité aux ados).

– Lisez mon abécédaire des mots du sexe, publié sur Lemonde.fr.

6) Upgradez vos masturbations

Les plaisirs solitaires ne rendent pas sourd, ils peuvent même étendre notre amplitude sexuelle. A condition de les sortir de leur condition de pis-aller expédié en deux minutes, pour les faire entrer par la grande porte dans le domaine de l’hédonisme (vous le valez bien).

Cette option devrait réjouir les confinés isolés, mais pas seulement, puisque le risque est grand de se retrouver constamment en demande envers son/sa partenaire.

Apprenez à (re)découvrir votre corps, en prenant votre temps, en utilisant des supports fantasmatiques différents et en testant des zones habituellement zappées. Nos habitudes sont modifiées : modifiez vos masturbations ?

7) Mollo sur le X

La consommation pornographique est en hausse mondiale de 11,6 % par rapport à début février selon les statistiques Pornhub (on sait que les pics de consommation surviennent quand les internautes sont à domicile, cette évolution était donc prévisible).

La France affiche + 38,2 % de visionnages, et l’Espagne + 61,3 %. Si j’étais vous, je favoriserais d’autres solutions : le X est déjà suffisamment angoissant en général. Pensez à la musique, aux fanfictions, à la peinture, à la rêverie…

8) Pratiquez le sexe à distance

Si votre partenaire se trouve actuellement hors d’atteinte, l’heure est venue de tester les teledildonics : sous cette appellation barbare se tapit un marché de niche en pleine expansion, celui des sextoys permettant des interactions à distance.

Pour une version low-tech, la vidéoconférence, avec ou sans sextoys, fonctionne au poil. Les adeptes de sexting pourront upgrader l’art de la correspondance érotique, et l’éclairage sur leurs nudes. En l’absence de partenaire, tchatez sur les sites de rencontre : même s’ils ont vu leur fréquentation chuter de 55 %, vous pourrez toujours trouver quelqu’un pour après.

9) Lancez votre ménage de printemps

Où en êtes-vous côté sextoys ? Ces menottes en fourrure prennent-elles la poussière depuis quatre ans dans votre tiroir ? Est-il temps de commander le joujou de vos rêves (voici comment le choisir) ou de transformer votre mobilier en fourniture érotique improvisée ?

Redécouvrez les potentiels abandonnés… et, si comme moi vous avez tendance à perdre vos câbles, repensez l’organisation de votre coffre aux trésors. Au passage : les sextoys se lavent à l’eau savonneuse – comme les mains !

10) Cette liste est facultative

Si le coronavirus vous donne envie de jeter votre vie sexuelle par la fenêtre, allez-y. Si votre partenaire lâche l’affaire, acceptez sa décision. Si on vous met la pression concernant le fameux baby-boom post-virus, oubliez (quand les menaces sont sévères et prolongées, la natalité a tendance à baisser, selon le docteur Justin Lehmiller).

La pandémie nous soumet déjà à des situations pas faciles, n’en rajoutons pas. Par ailleurs, un rappel important : si vous êtes victime de violences domestiques, sexuelles ou non, le numéro d’écoute est le 39 19, le numéro d’urgence est le 17.

Enfin, n’oubliez pas ! Le sexe n’est pas prioritaire. Il peut attendre. Gardez-en pour plus tard, consommez tout de suite : c’est vous qui décidez.