Contamination privée / contamination publique ?

Publié par Ferdy le 25.10.2011
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Sur Inter, ce matin, on se serait presque cru un 1er décembre. Deux sujets directement liés au VIH lui étaient consacrés, comme cela arrive à chaque date commémorative.

Pourtant, les deux infos ne sont pas comparables. Le premier annonçait l'ouverture aujourd'hui du procès en Assise de cet homme soupçonné d'avoir sciemment contaminé sa compagne au VIH. La charge retenue contre lui : "administration volontaire d'une substance toxique gravement handicapante". Aides et Act Up s'insurgent contre cette possible pénalisation de la contamination, et de la stigmatisation des personnes séropositives qui en résulterait.

Le deuxième est à la fois tout autre, et pourtant. Il s'agit du taux de prévalence au VIH/VHC en milieu carcéral. L'article Seronet résume clairement la situation. Pas de seringue dans les prisons, et un accès au préservatif relativement dissuasif, le recours au traitement d'urgence tout à fait irréaliste.

Ces deux informations se confrontent à des situations bien distinctes. Dans l'espace intime, la protection relève d'une responsabilité partagée ; dans le milieu carcéral, l'Etat n'offre pas les mêmes droits qu'à l'extérieur en matière de protection et de suivi médical pourtant garantis par la loi.

Ne risquons-nous pas de voir réapparaître à cette occasion la tristement célèbre esquive de l'affaire dite du sang contaminé, responsables mais pas coupables, astucieux oxymore juridique qui avait permis d'enterrer le scandale sans autre sanction ?

Si, comme je le souhaite également, l'homme jugé cette semaine est relaxé, il y aurait cependant selon moi une certaine défiance à l'égard d'une justice qui, dans une volonté d'apaisement et un appel à la responsabilisation de chacun (au passage, dans un no man's land de la prévention absolument effarant), conduirait à une jurisprudence, si le jugement devait par la suite être confirmé par la Cour de Cassation (j'ai failli écrire de castration, nous n'y sommes pas encore), dont l'intrusion dans la vie intime négligerait de prendre en compte la souffrance des victimes. Admettons donc que cet argument juridique soit réservé à l'aggravation des peines encourues par les justiciables dans les crimes sexuels (viols), le reste relevant du libre arbitre de chacun.

Dans le cas des prisons françaises, si souvent dénoncées par des rapports nationaux et internationaux, ici c'est l'Etat qui, en contradiction avec la législation en vigueur, participe à l'escalade des contaminations involontaires, de par son refus de proposer du matériel d'injection propre et des préservatifs, comme si ces lieux de réclusion n'étaient pas aussi des endroits propices au shoot et aux rapports sexuels. 

Si le détenu se trouve ici condamné à purger sa peine, il ne doit pas, en plus, devoir en ressortir infecté du fait de la négligence et de l'hypocrisie du système. Ici, nous ne pouvons pas nous réfugier derrière le mobile de la responsabilité des victimes, puisque rien ne leur est proposé.

N'y aurait-il pas alors une certaine contradiction entre la relaxe du premier et la condamnation de l'administration pénitentiaire.

Ou pour être plus précis dans cet embryon de raisonnement, l'Etat n'aurait-il pas beau jeu à se défausser de ses responsabilités en arguant d'un jugement prononcé en dernier recours, innocentant celui qui, si les faits étaient avérés, avait agi sciemment, ou par lâcheté, mais en toute conscience ?

Je répète cependant que ces deux situations sont totalement distinctes l'une de l'autre, mais le débat juridique qu'il soulève risque, je le crains, d'entretenir une telle confusion dans les jurys populaires qu'il finira par être délicat de régler la balance de la justice sur une pesée objectivement fiable.

Commentaires

Portrait de hugox

"administration volontaire d'une substance toxique gravement handicapante".

comme quoi le système fait tout pour faire peur !!

Pas la peine ensuite de lutter contre les discriminations lorsque le système fait tout pour que le VIH soit la maladie de la PEUR.