« cyberharcèlement en meute » aussi appelé « raid numérique »

Publié par jl06 le 19.01.2023
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Cyberharcèlement contre la chanteuse Hoshi : Pourquoi la justice n’a convoqué qu’une seule personne

RAID NUMÉRIQUE Victime d’une vague de cyberharcèlement, la chanteuse Hoshi affirme avoir reçu « 5.000 messages » haineux, mais une seule personne seulement sera jugée prochainement

Manon Aublanc : Publié le 19/01/23 à 15h20 — Mis à jour le 19/01/23 à 16h46 La chanteuse Hoshi affirme avoir reçu plus de 5.000 messages de haine sur les réseaux sociaux. La chanteuse Hoshi affirme avoir reçu plus de 5.000 messages de haine sur les réseaux sociaux. — Lionel Urman / Starface 

  • Dans un message posté sur ses réseaux sociaux, le 12 janvier, la chanteuse Hoshi a révélé subir une vague de cyberharcèlement depuis plusieurs années. Insultes, propos homophobes, menaces de mort… L’artiste de 26 ans affirme avoir reçu plus de « 5.000 messages ».
  • Face à ce déferlement de haine, elle a déposé plainte en mars 2020 pour des faits de « harcèlement moral et sexuel en meute », « menaces de mort et de viols », « injures aggravées » et « provocation à la haine ».
  • Mais seul un internaute a été mis en examen pour « harcèlement moral en raison de l’orientation sexuelle de la victime ». Il doit être jugé au mois de juin 2023.

« Tu es une sous-femme, tu devrais avoir honte », « Connasse, on va suicider ton compte », « On va te tuer », « On va violer, tuer ta mère »… Ces trois dernières années, ce sont des « milliers de messages » de haine que la chanteuse Hoshi a reçus sur ses réseaux sociaux. Pourtant, un seul de ces internautes doit être jugé dans les prochains mois, a déploré l’artiste de 26 ans, dénonçant l’inaction de la justice française.

La chanteuse avait déposé plainte en mars 2020 pour « harcèlement moral et sexuel en meute », « menaces de mort et de viols », « injures aggravées » et « provocation à la haine » après un flot d’insultes homophobes et de menaces de mort. C’est un mois plus tôt que cette vague de cyberharcèlement a commencé, après sa prestation aux 35e Victoires de la musique. A la fin de son morceau Amour censure, un titre dénonçant l’homophobie, elle avait embrassé l’une de ses danseuses.

« Il faut être mort pour faire réagir la justice »

L’enquête, ouverte par le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH), compétent en matière de cyberharcèlement, a pris fin en juin 2022, un peu plus de deux ans après la plainte déposée par Hoshi. Plusieurs personnes ont été placées en garde à vue, mais une seule d’entre elles sera jugée pour « harcèlement moral en raison de l’orientation sexuelle de la victime » en juin, a confirmé le parquet de Paris à 20 Minutes, ce mercredi. Trop peu pour la chanteuse, au vu du nombre de messages reçus : « Sur les 5.000 menaces et toute l’enquête une seule personne est soupçonnée. Une seule personne sera entendue au mois de juin. Ce n’est pas possible », s’est indigné Hoshi au micro de France Inter.

 

D’autres suspects, mineurs, ont également été identifiés lors des investigations, a confirmé le parquet de Paris, mais le PNLH n’étant pas compétent en la matière, ce sont les parquets locaux, en fonction du lieu de résidence de ces adolescents, qui devront décider de les poursuivre ou non.

Une décision difficile à avaler pour Hoshi, qui dit ne plus avoir « confiance » en la justice française : « J’ai presque l’impression qu’il faut être mort pour faire réagir la justice (…) Tant que c’est que des menaces, personne ne les prend au sérieux ». Et pour cause, la chanteuse a vécu un « enfer psychologique » : « J’ai dû déménager parce que j’avais peur qu’ils viennent jusque chez moi, ils n’étaient pas loin d’avoir trouvé mon adresse. J’ai dû revoir ma manière de vivre. Je ne pouvais plus sortir toute seule. Ça fait trois ans que je ne suis pas sortie toute seule par traumatisme, mais aussi par peur », a-t-elle expliqué, affirmant avoir perdu près de dix kilos.

Un texte spécifique sur le « raid numérique »

Pourtant, depuis une loi de 2018 portée par Marlène Schiappa, la notion de « harcèlement » a été élargie pour y inclure la notion de « cyberharcèlement », qui est une circonstance aggravante. Définis comme « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale », le cyberharcèlement est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.

Ce texte vise à lutter contre le « cyberharcèlement en meute » aussi appelé « raid numérique », qui désigne l’attaque coordonnée et simultanée de plusieurs individus qui unissent leurs forces pour harceler en ligne une personne désignée. Mais si cette loi est importante, c’est parce qu’elle permet de condamner des personnes ayant participé à un cyberharcèlement, même si elles n’ont pas agi de manière répétée ou même si elles ne se sont pas concertées, dès lors qu’il est établi que celles-ci avait conscience de participer à un harcèlement massif, rappelle Me Nicolas Verly, avocat spécialisé en droit des médias.

Mais, malgré ce texte, les condamnations pour cyberharcèlement restent rares. « Elles ne sont pas inexistantes, mais elles sont encore peu nombreuses. Il faut dire les dossiers de cyberharcèlement sont parfois complexes à monter », estime Me Nicolas Verly. Car les victimes doivent pouvoir présenter un dossier exposant clairement les faits de harcèlement : « Ce qui implique, dans les cas de cyberharcèlement massif, d’identifier un maximum de publications, de les faire constater et de les recenser dans un document précis et intelligible. Mais quand la victime a reçu des milliers de messages, le document peut vite devenir indigeste », détaille l’avocat. Et pour chacune de ces publications, il faut pouvoir démontrer qu’elle relève du harcèlement, mais également si l’auteur avait conscience d’y participer.

Une prise de conscience progressive

Dernier point, et pas des moindres, il faut pouvoir identifier ces auteurs. Mais on le sait bien, sur les réseaux sociaux, les internautes agissent la plupart du temps sous pseudonyme ou de manière anonyme. « Il faut demander la levée de l’anonymat auprès des hébergeurs, ce qui ne peut se faire que sur décision judiciaire ou réquisitions », ajoute le spécialiste. En d’autres termes, les enquêteurs sont tributaires des opérateurs Internet.

« D’autant que les moyens en personnels et en temps d’investigation sont limités, alors que les actes de cyberharcèlement, eux, sont en constante augmentation », ajoute Me Nicolas Verly, qui a également représenté le chanteur Eddy de Pretto, lui aussi récemment cyberharcelé. Onze personnes, accusées d’avoir harcelé l’artiste en ligne après un concert en juin 2021 dans une église parisienne, ont été condamnées en décembre 2022 à des peines allant de trois à six mois de prison avec sursis.

Néanmoins, l’avocat estime que les autorités, « qu’elles soient judiciaires ou policières, prennent progressivement conscience de la gravité du phénomène de harcèlement ». Preuve en est, selon lui, avec la création en 2021 du Pôle National de Lutte contre la Haine en Ligne, ou Parquet national numérique. Ce pôle, rattaché au parquet de Paris, est composé « de magistrats spécialisés, rompus aux problématiques de harcèlement en ligne, qui travaillent en étroite collaboration avec des services de police, eux aussi spécialisés et très efficaces dans l’identification des auteurs de cyberharcèlement », ajoute-t-il.

Hoshi, elle, espère que « l’enquête soit rouverte, qu’on trouve ces personnes, qu’on montre l’exemple une fois pour toutes en France, pour que, peut-être, ça en démotive certains », a-t-elle déclaré.