dans la mort dans la vie. Soyez forts.

Publié par Dignitas le 20.11.2016
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Je me suis demandé si mon premier billet était légitime. Je regrette d'avoir amené des personnes à des pensées noires et j'espère sincerement cette fois que mon texte ne provoquera pas les mêmes réactions. Mais il n'a pas la structure ni le recul comme je l'espérait à l'origine. J'écris quand je souffre et pour cela je tiens à présenter mes excuses.

Je me suis reconnecté l'autre jour à mon respectable service de rencontres entre hommes. J'ai même rencontré des gens qui ont pris le temps de discuter avec moi sur le VIH. Comme dans ma famille et parmi mes amis, il y a cette étincelle dans leurs yeux (dans leur chat?) quand ils sont récemment au courant, une chance unique pour eux de verser dans les fantasmes de leur propre grandeur d'âme. Et puis il y a celui qui m'a infecté, connecté, en chasse. Apparemment la discussion telephonique que nous avons eux, où il semblait surpris, étonné, désolé et prêt à aller faire son depistage ne l'a pas plus ébranlé que ça sur le long cours. J'ai supprimé en integralité mon "profil" de ces services de rencontre et je suis parti faire une razzia d'anxiolytiques.

J'ai un petit chat à la maison, stérilisé, qui n'a donc qu'un plaisir véritable dans la vie, la bouffe. Moi, heureusement, j'ai l'alcool, les antidépresseurs et les psychotropes. Mais du reste, je suis comme lui ; ma libido est toujours là, fantômatique, une relique de notre passé sauvage qui ne sait pas comment s'évacuer pleinement. Et si pour mon chat cela signifie un quart d'heure colonial où il s'agite frénétiquement dans tous les sens, cela se traduit en moi par des fantasmes d'automutilation génitale et par des crises occasionnelles où je me frappe la tête. Jamais compris pourquoi les adolescentes se coupent les veines. C'est la tête qu'il faut viser, c'est elle qui contient ce que tu es ; balance la contre un mur. Tu finiras par oublier la raison qui t'as poussé à le faire. Je devrais écrire un guide d'autodestruction pour gens anatomiquement éduqués.

Heureusement la solution pour tout ce mal-être est à portée de bras. Le VIH, c'est pas grave, c'est une maladie chronique qui se traite bien et on peut même baiser sans le transmettre (selon des sources plus contradictoires les unes que les autres) Allez sur ce lien sans oublier de cueillir des paquerettes aux passages

http://www.seronet.info/article/tout-le-monde-doit-savoir-que-les-seropo...

Maintenant lisez les commentaires de l'article. C'est édifiant. Le service infectiologie de mon hôpital est recouvert d'affiche "ne discriminons pas les séropositifs". Comme si c'était les malades qui avaient besoin d'être sensibilisés, alors que mes amis craignaient de dormir dans la même chambre que moi à cause des moustiques.

Le fait est que sous l'impulsion des générations précédentes d'homosexuelles, le VIH est resté ancré dans son image des années 80 ainsi que dans une omerta dans le but incroyablement stupide de maintenir l'utilisation du preservatifs au moyen d'une vague terreur généralisée. 

Enfin, une publication qui se donnait l'air sérieux (et dont j'ai passé une demi heure à chercher la source sans succès- promis je chercherais le lien) observait que même chez les indétectables, la concentration virale était maximale dans les sécrétions sexuelles (vaginales et péniennes) et permettaient, quelque soit votre charge virale, de transmettre la maladie. Je suis véritablement heureux pour les séropositifs qui ont une vie normale, ou qui comme le préconisait mon ami en études de médecine, arrivent à "érotisiser le préservatif". Je suis toujours touché par ces histoires de trizomiques qui parviennent à être heureux. Je veux que les handicapés de toutes sortes puissent clamer leur droit à exister et vivre une vie épanouie.

Mais j'aimerais aussi qu'ils puissent avoir accès à un refus, une fin de vie accompagnée. Moi séronégatif, j'aurais continué ma vie à vous ignorer tranquillement, pensant platoniquement, à l'occasion d'un reportage M6 raccoleur, à quel point vous avez le droit de vivre tout en évitant au maximum de vous côtoyer physiquement. Une grande partie de ma douleur vient de là : je comprenais déja le dégoût hétérosexuel vis-à-vis des "pédés". je comprends tellement mieux le dégoût séronégatif vis-à-vis des séropositifs. Comment leur en vouloir ? Maintenant j'en suis,  de séroposotif, et je veux emporter cette saloperie avec moi, refuser soit dit en passant, d'être un outil politique ; selon les mots du professeur choron qui détestait les militants "ils sont malades, qu'ils crèvent". Je suis prêt à le faire, même,si j'ai peur.

Je veux guérir du SIDA. Le seul sérum actuellement : la mort. Et je suis désolé de susciter en d'autres des pensées négatives dont ils pourraient bien se passer. Chacun ses choix, et j'admire ceux qui connaissent malgré leur statut une vie épanouie ; ce ne sera pas mon cas.

P.S. : j'ai longtemps réfléchit au mal que je pouvais causer au sein de la communauté seronet, notamment à cause des réactions majoritairement négatives de mon premier billet. Mon but n'est d'agresser personne. J'aimerais parfois que le politiquement correct des discours médicaux ne soit pas si éloigné de la réalité. Les individualités que j'ai blessé dans le processus sont pour moi une culpabilité forte, mais que je ne peux pas tout à fait regretter.

Soyez forts.

Commentaires

Portrait de Pierre75020

Bonsoir, votre texte est clair et bien écrit mais je me demande s'il n'est pas plus provoquant que sincère.Votre désarroi et le mot est faible est extrêmement touchant.Vous parlez de dignité et de courage à propos du dessein de mettre fin à votre vie mais il y a aussi beaucoup de dignité et de courage à accepter le sort qui nous est imparti, il y a plus de grandeur à endurer un handicap qu'à vouloir y mettre fin. Aussi difficile à vivre que soit d'être séropositif, cela ne justifie pas un tel abandon , un tel renoncement à ce que d'ordinaire on tient le plus.Peut être un peu de patience et de ténacité vous permettra de surmonter des épreuves dont je ne vous contesterais pas qu'elles soient difficiles.Vous vous  interrogez sur le mal que vous auriez fait à la communauté des séropositifs .je crois que c'est plutôt à vous que vous le faîtes. Je ne doute pas que dans quelques temps vous envisagerez les choses d'une autre façon. Ne perdez pas espoir car c'est courageux de vivre.