De la détresse des usagers de drogue à Athenes

Publié par bernardescudier le 06.04.2012
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Les autorites sanitaires ont oublie depuis longtemps les usagers de drogue à Athenes qui de jour comme de nuit sont abandonnés, malades, au sol sur la place Omonia ou à Exarchia ou dans les rues avoisinantes. Vivant en Grèce depuis 1997, je souhaiterai apporter ce temoignage qui peut apparaitre pour beaucoup fragmentaire, partiel. J'en ai bien conscience.

J'ai vecu plus de 10 ans avec le chef du bureau des affaires du sida au ministere de la sante grecque. Il etait mon compagnon. Et dés 1997, avec lui, j'ai perçu cet abandon progressif des pouvoirs publics grecs, et européens face à l'ampleur du fleau. Cet abandon a commencé bien avant la crise économique récente. Malgré les programmes de prevention européens, les pouvoirs grecs sont controlés par l'église qui a refusé longtemps la diffusion des livrets d'informations pour l'usage de materiel propre, ou d'échanges de seringues. Les livrets pour l'emploi de préservatifs étaient refusés parce que trop explicites pour ces autorités. Qui assimilaient prévention à ... pornographie.

Quant à l'aide directe, au contact des usagers dans les rues, c'est à dire dans l'espace public, elle est quasiment absente. Les associations comme médecins sans frontieres sont rarement en intervention. Les autorités sanitaires européennes ont réagi parfois ... en donnant le meilleur de l'Europe, c'est à dire des programmes de formation et de concertation entres les sociologues, les thérapeutes des pays membres de l'union européenne. J'ai ainsi suivi la question des mentalités, des différences de culture entre Grecs, Anglais, Italiens, Allemands, Bulgares, Espagnols, Hollandais qui tentaient de se retrouver pour faire en commun des protocoles de recherches méthodologiques sur la prévention du sida notamment. Ces délégués jeunes, trés jeunes parfois avaient le sentiment de leurs responsabilités face au fléau, mais ils étaient rarement soutenus par leur propre pays. Les Français étaient peu présents. Trés peu.

 Aprés les colloques et les formations européennes à Lisbonne, à Rome, à Londres, le retour était, est dur. Trés dur. Malgré leur courage, leur volonté, beaucoup de ces responsables étaient démunis en Grèce faute de moyens financiers ou politiques. Pendant une période, le gouvernement grec voulait conditionner l'aide sanitaire ou alimentaire à un fichage des malades. Nous avons du lutter avec force contre cette atteinte aux droits des malades. Certains responsables grecs qui refusaient cette violation des droits ont ete menaces de licenciement. Je dois remercier Gregory Valainatos qui, comme journaliste de télévision et animateur d'une association de lutte contre le sida n'a pas hésité a utiliser sa grande notoriété pour défendre les uns et les autres.

Toutefois la crise récente n'a fait qu'accentuer les clivages entre malades. Et les usagers de drogues sont abandonnés sans soins, dans leur détresse, à meme le sol en plein coeur d'Athenes. Ils ou elles, peuvent rester des heures durant, allongés sur le sol, gisant inertes. Leur seul refuge, c'est souvent la proximité du quartier étudiant d'Exarchia qui est tenu par les Anarchistes et dans lequel la police est absente. Mais aussi les personnels de soins. A vrai dire, je reve de voir Medecins sans frontieres gagner tous les jours la frontiere d'Exarchia ... pour soulager cette détresse et venir en aide aux plus démunis, aux plus malades qui sont abandonnes sans soins dans les rues. Sans aide médicale sans nourriture.

Bernard Escudier.

Commentaires

Portrait de awsaws

Bonjour, 

J'ai souvent croisé nos homologue associatifs grec depuis quelques années et j'avais bien constaté l'irresponsabilité totale des pouvoir public grecs sur le sida... ton témoignage apporte un éclairage alarmant...

Si effectivement les échanges entre les experts grecs et leurs homologues européens tirent les choses vers le haut... l'Union Européenne reste très démunie pour agir sur la santé (le principe de subsidiarité sans les traités européens fait que la santé reste une responsabilité des états...  et du coup, la Direction Générale Santé de la Commission Européenne est dôtée d'un budget dérisoire, est isolée dans des locaux très moches à Luxembourg.... et effectivement, elle ne peut guère qu'organiser des réunions thématiques...  (par contre, concernant les enjeux touchant au "droit du commerce", la Commission Européenne dispose de moyens quasi infinis pour faire rentrer les Etats dans le rang!!)

Bon courage en tout cas à toi et au peuple grec!

Arnaud

Portrait de bernardescudier

  Les pouvoirs publics grecs et européens, comme tu dis si bien, ... laissent les Grecs sans ressources depuis longtemps. Et l'Europe organise parfois des colloques dispendieux sur le sida et n'imagine pas d'intervention directe sur les Etats. Ce que j'appelle parfois le Charity " Biseness ". Tout le monde se fait la bise, on fait des photos, et on part après des réunions thématiques.

Toutefois, la question des migrants en Grèce, et en particulier sur le fleuve Hebros en Thrace grecque sur la frontière entre la Grèce et la Turquie pose la  question de la responsabilité de l'Union européenne en matière de soins et d'aides aux populations migrantes.

 L'Union européenne  peut intervenir. Elle intervient déjà au titre de la sécurité des frontières aux marges de l'union, mais l'aide en matière de santé est absente. Dans les camps de transit des migrants, l'abandon des populations migrantes est total.

Ce sont souvent des jeunes, voires des trés jeunes qui franchissent les frontières. Ils arrivent d'Iran, du Kurdistan, d'Ouzbekistan, du Pakistan, d'Inde, d'Asie centrale après de longs voyages. Ils passent plus ou moins la frontière de l'Hébros et se réfugient sur Athènes voire Thessalonique. Les hopitaux grecs les accueillent, mais ces hopitaux sont sans moyens. Il est peut etre temps d'intervenir auprès des autorités européennes afin de créer une aide internationale parce que le délabrement du système de santé grec qui n'était déjà pas opératoire avant la crise de 2008 accentue les risques d'infections pour ces migrants qui peuvent rester sans soins faute de moyens dans les hopitaux grecs.

L'aide internationale est nécessaire pour faire face à ces questions de santé publique qui concernent les flux migratoires de toute l'Europe. Un directeur du service des maladies infectieuses de l'état grec qui a fait ses études de biologie en France est devenu le directeur de l'Institut français Pasteur en Grèce. Les autorités françaises ont donc la possibilité de l'aider ... en le conseillant ... !

Je te remercie pour ton attention. B. Escudier.

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