I love you Phillip Morris

Au milieu de cette torpeur estivale olympienne, j'ai eu le plaisir de regarder cette semaine un film absolument jubilatoire, transgressif à souhait.

I love you Phillip Morris, inspiré de faits réels, relate l'existence d'un ex flic modèle, sympa, marié, père d'une petite fille adorable, qui décide de son coming out à la suite d'un accident de voiture.

A partir de cet instant, tout va aller très vite. Sans rentrer dans le détail de son parcours chaotique, disons seulement que cet homme ne saura jamais qui il est. Il fait de l'usurpation d'identité, de la fraude aux assurances, de la trahison, de l'imposture, du mensonge un principe d'existence qui le conduit inexorablement vers l'échec et la prison. 

Remarquablement interprété par Jim Carrey, ce personnage à la fois génial, sentimental et idéaliste n'a toutefois pas l'intelligence requise pour savoir jusqu'où il ne faut pas aller trop loin. Tout en lui est régi par la manipulation, la duplicité, voire même la candeur, mais la candeur destructrice. Un loser sympathique qui se précipite là où réside le danger. Son amant, Phillip Morris (Ewan McGregor), tendre, romantique, l'aime passionnément, mais se pose invariablement la même question : qui est ce mec ? faux avocat, faux directeur financier, faux malade capable de mimer le sida en phase terminale... véritable escroc, par amour.

Après bien des rebondissements hilarants, et parfois parcourus d'une tristesse infinie, le héros sera finalement condamné à la perpétuité (une peine démesurée si l'on considère ses délits), pour avoir transgressé tous les codes et pour outrage au gouverneur du Texas de l'époque, George Bush.

Au-delà de la comédie bien enlevée, cet ovni cinématographique américain (co-produit par Luc Besson) appartient désormais au palmarès des films gay, régulièrement présenté dans les festivals, bien qu'à mon avis il soit totalement inclassable.

Il interroge notamment sur l'obligation encore faite aux homo de mentir, de s'inventer une existence, une double personnalité (au boulot, en famille, dans la société en général).

De cette contrainte peut naître une certaine confusion psychique, qui n'est pas sans rappeler aussi la problématique que rencontrent les séropos jusque dans l'intimité d'une rencontre. Les forums et autres blogs débordent de ce questionnement récurrent.

Evidemment, cela ne conduit pas fort heureusement à commettre l'irréparable, ni à des transgressions aussi radicales que funestes. Pourtant, la question de l'imposture, de la mythomanie, de l'injonction encore palpable à s'inventer un personnage est encore loin d'être réglée pour tous.

Certes, ce n'est pas pour affirmer que les gays sont plus enclins à l'affabulation, mais la pression exercée volontairement ou involontairement par la société reste encore très forte jusque dans nos démocraties "avancées."

Enfin, je suis tenté d'extrapoler, pour souligner la difficulté ressentie par un nombre considérable de personnes séropositives, hétéro, LGBT, contraintes à la dissimulation (où ranger ses ARV ? comment le dire à son partenaire ? faut-il, pouvons-nous, en toute tranquillité annoncer ce statut sérologique à un employeur, un banquier, une compagnie d'assurances, etc ?). Bref, tout ceci pour dire que la chape de béton qui s'allège un peu sur la sexualité est loin d'avoir disparu et semble encore assez aléatoire quant au VIH.

C'est un des grands mérites de ce film hilarant que d'aborder avec tant de légèreté des préoccupations aussi graves.

(réal. Glenn Ficarra - John Requa - 2009 - USA) 

ps : une B.O. fabuleuse et quelques nuages en forme de bite dans un ciel paisible, que demander de plus ?