Il et heureux le climatosceptique (Jair Bolsonaro)

Publié par jl06 le 04.11.2019
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Marée noire au Brésil : Mais d'où vient cette catastrophe dont « le pire est à venir » ?
Près de 200 plages seraient aujourd’hui souillées par des galettes d'hydrocabure, sur quelque 2.000 km de côtes brésiliennes
Marion Pignot

Depuis le début de la marée noire au Brésil, en juillet 2019, près de 200 plages ont été touchées, sur 2.000 km de côtes.   Depuis le début de la marée noire au Brésil, en juillet 2019, près de 200 plages ont été touchées, sur 2.000 km de côtes. — LEO MALAFAIA / AFP

  • Depuis trois mois, des galettes d’hydrocarbures se sont échouées sur plus de 200 plages dans le nord-est du Brésil.
  • « Ce qui est arrivé et a été ramassé jusqu’à présent est une petite quantité de ce qui a été déversé. Le pire est à venir », a averti le président brésilien, ce dimanche.
  • Jair Bolsonaro a ajouté que « tous les indices » désignaient le pétrolier grec « Bouboulina » comme « principal suspect ». Mais la société grecque gérante du pétrolier a rapidement démenti et des zones d'ombres demeurent.

« Ce qui est arrivé et a été ramassé jusqu’à présent est une petite quantité de ce qui a été déversé. Le pire est à venir. » Ce dimanche, le président brésilien a fait part de sa « grande inquiétude » à propos de la marée noire qui touche actuellement le nord-est du pays. Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision Record, Jair Bolsonaro  a pointé du doigt la responsabilité d’un pétrolier grec et assuré que cette pollution aux hydrocarbures était un « acte criminel environnemental ».

Alors que la société grecque gérante du pétrolier dément et que les informations contradictoires échouent sur les réseaux sociaux aussi vite que le pétrole sur le sable fin brésilien, que sait-on vraiment de cette mystérieuse marée noire ? 20 minutes fait le point.

 

Depuis quand la marée noire touche-t-elle les plages brésiliennes ?

Les autorités brésiliennes ont détecté un premier déversement d’hydrocarbures le 29 juillet dernier, à plus de 700 km des côtes de l’Etat de Paraïba (nord-est du pays). Le pétrole aurait ensuite commencé à apparaître le 30 août sur les côtes du Nordeste, avant de gagner le Sud et les plages de l’Etat de Bahia. Près de 200 plages seraient aujourd’hui souillées par des galettes de pétrole, sur quelque 2.000 km de côtes. Au total, 264 localités de neuf Etats brésiliens sont concernées.

Reste que le gouvernement brésilien communique peu sur cette marée noire d’ampleur et que le Cèdre [expert international en pollutions accidentelles des eaux] contacté par 20 Minutes admet qu’il est difficile d’avoir accès aux informations. « On s’attendait à être rapidement sollicités, mais nous ne pouvons suivre cette affaire qu’à distance, affirme Nicolas Tamic, adjoint au directeur et responsable des opérations au Cèdre. Tout ce que je peux vous dire aujourd’hui c’est que nous n’avons pas accès aux informations satellites mais que la pollution aurait dépassé la corne du Brésil [Nordest]. Si elle se dirige vers les côtes guyanaises, là, nous serons mobilisés par la France. Il apparaît cependant que l’ensemble des polluants auraient atteint les plages. Je dis ceci sans confirmation mais d’après les multiples informations qui circulent sur Twitter, et il y en a beaucoup. »

Quels sont les impacts sur l’environnement et l’économie ?

Selon les ONG brésiliennes interrogées par l’AFP, cette marée noire est un « désastre » pour la faune et flore du Nordeste. La région d’Abrolhos, près de Bahia, sanctuaire pour les baleines à bosse et connue pour des formations corallines uniques au monde, est parsemée de pétrole. De nombreux animaux sont retrouvés morts sur les plages, notamment des tortues de mer. Selon la Marine, quelque 1.000 tonnes de résidus d’hydrocarbure ont déjà été ramassées sur plus de 130 plages.

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Et si les efforts de nettoyage redoublent à l’approche de la haute saison touristique, l’économie locale est déjà durement touchée. « Tout s’est arrêté, il n’y a plus un pêcheur qui sorte en mer, plus un poisson à vendre » et de toute façon « les gens ne veulent plus en acheter pensant qu’il est peut-être contaminé », s’est lamentée mi-octobre Sandra Lima, présidente d’une association de 1.500 pêcheurs. Mardi dernier, l’ONU a « regretté les dégâts incalculables pour les écosystèmes marins et terrestres, ainsi que dans la vie des populations locales ». Quant au parquet brésilien, il a évoqué des dégâts « incommensurables » sur les côtes brésiliennes : « Cette catastrophe environnementale a atteint des estuaires, des mangroves et des embouchures de rivières dans tout le nord-est du Brésil, provoquant des dommages à la pêche, l’aquaculture et le tourisme ».

Qui est à l’origine de cette marée noire ?

« Nous avions été approchés il y a dix jours par une ONG brésilienne pour effectuer l’analyse des produits échoués sur la côte, mais nous n’avons toujours pas reçu d’échantillon, note Nicolas Tamic. Du coup, nous ne savons toujours pas si le pétrole qui recouvre les plages est brut ou raffiné. Et nous ne pouvons donc pas nous rapprocher des différents chargements opérés par les navires dans la région pour en trouver son origine. » Si la compétence du Cèdre n’a pas été sollicitée, au Brésil les investigations auraient toutefois rapidement permis d’identifier un groupe de 30 pétroliers qui auraient pu être à l’origine de la catastrophe.

Fin août, Jair Bolsonaro a finalement pointé du doigt la responsabilité d’un navire échoué au Venezuela, avant d’assurer, ce dimanche, que « tous les indices » désignaient le tanker grec Bouboulina comme « le principal suspect ». En effet, ce vendredi, le ministère de la Défense, la Marine et la police ont indiqué, dans un communiqué commun, avoir identifié, grâce à des données satellitaires, le pétrolier sous pavillon grec d’une capacité de 80.000 tonnes « qui transportait du brut provenant du terminal pétrolier José au Venezuela et faisait route vers l’Afrique du Sud ».

Les autorités brésiliennes ont détecté le 29 juillet le premier déversement de pétrole, à plus de 700 km des côtes de l'Etat nordestin de Paraiba. Les autorités brésiliennes ont détecté le 29 juillet le premier déversement de pétrole, à plus de 700 km des côtes de l'Etat nordestin de Paraiba. - ANTONELLO VENERI / AFP

Le tanker est accusé d’avoir déchargé en mer [vidange autorisée à faire en haute mer], sans « jamais communiquer à l’Autorité maritime brésilienne sur ce déversement ». Delta Tankers, la société grecque gérante du pétrolier, a d’emblée démenti, assurant avoir diligenté une enquête interne sur le trajet du Bouboulina. La société s’est dite « prête à livrer des documents de cette étude aux autorités brésiliennes », mais, selon elle, ces dernières n’auraient « jusqu’ici jamais pris contact » avec elle. Enfin, samedi, la police portuaire grecque a indiqué qu’au total « cinq navires, dont un grec, étaient considérés suspects dans cette marée noire ». Elle n’a précisé ni le nom des navires ni les sociétés propriétaires.

Que fait le gouvernement brésilien ?

Le ton employé, vendredi, par le président et le parquet brésiliens sur cette catastrophe environnementale contraste avec la désinvolture affichée jusqu’ici par les autorités. Jusqu’à dimanche, le président climatosceptique Jair Bolsonaro, sévèrement taclé pour sa gestion des incendies en Amazonie, ne s’était jamais exprimé sur l’ampleur de ce désastre environnemental.

Jair M. Bolsonaro @jairbolsonaro  

Hoje no Domingo Espetacular (TV Record) por volta das 21:30h.

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Le journal O Globo a même révélé que les autorités avaient attendu quarante-et-un jours pour mettre en place le plan national d’urgence prévu pour ce genre de catastrophe. « L’organisation du Brésil en la matière est très pyramidale, très hiérarchique, ce qui pourrait expliquer la lenteur dans les opérations et le peu de communication », glisse Nicolas Tamic. Et si le président s’est avancé, ce dimanche, en évoquant clairement un « acte criminel », les autorités ignorent pourtant toujours si l’origine de cette marée noire « à caractère inédit » est accidentelle ou criminelle.

« Les investigations se poursuivent pour déterminer les circonstances et les facteurs de ce déversement (accidentel ou intentionnel), et pour mesurer le volume de brut répandu » en mer, est-il indiqué dans le communiqué officiel brésilien.