le Roi-Soleil ressemble davantage à la planète Mars et tous ses cratères

Publié par jl06 le 17.11.2020
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DETENTE  assuré  !!!Cool

 

Qui a inventé le champagne ? La putain du roi

ÉPISODE 1. L'arrivée sur les riches tables de ce vin mousseux a donné lieu à de nombreuses enluminures historiques et parfois à des légendes. Par Publié le 17/11/2020 à 14:00 | Le Point.fr Madame de Maintenon  (1635-1719), qui fut la favorite puis l'epouse secrete de Louis XIV.<br />

Madame de Maintenon  (1635-1719), qui fut la favorite puis l'épouse secrète de Louis XIV. © www.connaissancedesarts.com

 

Parmi les petites histoires, qui accompagnent la grande histoire, il y a celle de Fagon, le médecin du roi et de sa protectrice. Le champagne doit beaucoup à Madame de Maintenon, gouvernante des « bâtards » de Louis XIV, les enfants illégitimes qu'il avait eus avec la Montespan. Elle s'acquitte si bien de sa tâche qu'elle fait l'admiration de Louis XIV. Un sentiment chasse l'autre. De l'admiration le roi passe bien vite au désir. Une nuit de 1675, Louis XIV, sans sa cour, sans ses gens d'armes, grimé en simple gentilhomme, donne rendez-vous à la belle. La suite, il l'a racontée lui-même dans son journal intime : « Il y a quelques jours, un gentilhomme de gris vêtu, peut-être un prince errant incognito, entreprit durant la nuit une nymphe égarée dans le parc de Saint-Germain. Il savoit le nom de cette nymphe qu'elle étoit belle, bonne, pleine d'esprit mais sage. La nymphe cependant se laissa faire et ne lui refusa aucune faveur… » Cette fois le Roi-Soleil est amoureux et Françoise de Maintenon devient la favorite, puis l'épouse secrète de Louis XIV, après le décès de la reine.

Il la respecte, l'écoute, suit ses conseils, et quand il s'agit quelques années plus tard de remplacer son médecin personnel, ou plutôt le premier de ceux-ci, il n'hésite pas et choisit celui qu'elle lui désigne comme le meilleur : Guy Crescent Fagon. Nous sommes en 1693, et Louis XIV n'est plus le jeune cavalier fougueux, danseur, guerrier, chasseur infatigable de gibiers et… de femmes. Malade, il se déplace difficilement, souffre de la goutte, se plaint des intestins, et des crises d'hémorroïdes aiguës l'empêchent de se tenir à cheval. Il faut dire que les médecins et chirurgiens l'ont plus abîmé que soigné. On dit qu'une mauvaise opération des dents s'est traduite par un trou dans le palais qui fait communiquer le conduit nasal et la bouche. Un spectacle quand il boit ! En vérité, le Roi-Soleil ressemble davantage à la planète Mars et tous ses cratères. Fagon a du travail pour remettre le vieux Louis en état de paraître à la cour. Une des premières mesures que prend Fagon, pour insignifiante qu'elle semblerait aujourd'hui, a des conséquences formidables pour la Champagne. Fagon recommande au roi de renoncer aux vins de cette région et de ne plus boire que du bourgogne.

« Mousseux et sucré », le blanc à la mode

À l'époque, on ignore l'existence des microbes, on ne dispose pas de médicaments comme nous l'entendons aujourd'hui. À la cour du roi de France, on soigne par les plantes, on pratique la « saignée » censée faire partir les « humeurs » qui empoisonnent le sang, et on utilise beaucoup le vin. Des livres entiers lui sont consacrés, vin au naturel ou plus souvent accommodé avec toutes sortes de plantes ou de décoctions étranges. Traditionnellement aussi, le vin de Champagne est celui que l'on boit à la cour et chez les grandes familles nobles de la capitale. On dit alors vins d'Aÿ, de Sillery ou de Vertus, comme on dit vins de Beaune ou d'Auxerre pour désigner ceux de Bourgogne. Les comtes de Champagne sont depuis toujours – depuis que Clovis chef des Francs est allé se faire sacrer roi et devenir catholique en 496 à Reims capitale de la Champagne – les soutiens de la couronne. Les rois de France se sont longtemps opposés aux puissants ducs de Bourgogne, souvent alliés de l'Espagne. Avec l'Aquitaine, région où l'on produit le vin de Bordeaux, ce n'est pas mieux. Les Anglais l'ont occupée plusieurs siècles… Depuis Louis XI, qui a peu à peu réduit la puissance bourguignonne, la région s'est apaisée et, sous Louis XIV, elle est devenue un des centres importants du commerce entre le nord de la France et la Méditerranée.

Les fleuves, la Saône, puis le Rhône qui descendent vers la mer au sud, l'Yonne et la Seine qui rejoignent Paris et les ports de l'Atlantique en font une zone stratégique. Clairement, elle est devenue plus que fréquentable : nécessaire. Aussi, la décision de Fagon, inimaginable autrefois, semble politiquement tout à fait cohérente à la fin de ce XVIIe siècle. Sauf pour les Champenois. Pour eux, être renié par la cour et le roi, en plus pour raison médicale, est tout simplement une catastrophe. Du côté de Reims et d'Épernay, les deux grandes villes rivales champenoises, on l'ignore encore, mais c'est aussi la plus belle chance offerte à la Champagne… À l'époque, on y produit des vins rouge pâle et des blancs fortement acides. Les bulles, la mousse ? Quand il y en a, c'est par accident. C'est parce que la région est très froide et que les levures chargées de transformer le sucre en alcool s'enrhument, si l'on peut dire, et ne font pas leur job. Plus sérieusement, ces levures ont besoin de chaleur pour se développer et être actives. Le froid les paralyse. Par conséquent, les fermentations traînent en longueur. Le vin conserve du sucre, et dès que les températures remontent ou qu'on le transporte dans un endroit un peu plus chaleureux, les levures se réveillent, reprennent le travail, en dégageant du gaz carbonique.

Complotisme

Souvent, le vin de Champagne que l'on sert dans les tavernes parisiennes pétille dans les cruches et les gobelets. Cela plaît ou déplaît suivant ce qu'attendent les buveurs. Au XVIIIe siècle, peut-être sous influence des Hollandais qui adorent les vins sucrés, le goût des Français du Nord change. Un bon vin blanc, dans les vieux livres, est décrit comme « mousseux et sucré ». Les Champenois, à peine remis de leur désillusion avec Fagon et Louis, vont très vite s'emparer de cette nouvelle mode et la tourner à leur avantage.

Mais la décision de Fagon a-t-elle autant pesé qu'on l'a prétendu dans cette nouvelle orientation. On peut en douter. Toujours est-il que cette affaire créa un réel ressentiment chez les Champenois qui dénoncèrent un complot organisé par les Bourguignons avec l'appui de « la putain du roi ». Ils n'eurent de cesse, en cette fin de XVIIe siècle et pour une bonne part au XVIIIe, de se justifier et de comparer à son crédit le vin de Champagne à celui de Beaune. Les Bourguignons, à leur tour, se lancèrent dans la polémique, ce qui donna lieu de part et d'autre à une abondante littérature, parfois très intéressante quand elle décrit les façons de travailler des uns et des autres. Aujourd'hui, tout est oublié, et la Champagne retrouve au travers de la mise en valeur de ses crus, villages et parcelles, une approche qui n'est pas sans rappeler celle de la Bourgogne. Et Fagon n'y voit rien à redire…