L’extrême droite fait-elle la loi en Grèce ?

Publié par bernardescudier le 05.09.2013
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 L’extrême droite fait-elle la loi en Grèce ? 1 septembre 2013 à 19:16 - A + 3 Tweeter Envoyer Abonnez-vousà partir de 1€ Par Un groupe d’intellec tuels grecs Un procès à Athènes où l’Aube dorée (parti néonazi grec) se trouve impliquée ? Quoi de plus normal, me direz-vous. En effet, on s’attendrait à ce que des crimes comme les innombrables agressions racistes à coups de poignards, battes et lances de fer finissent par être rattrapées par la justice. Même dans un pays sous la férule de la troïka comme la Grèce où des droits fondamentaux et les libertés démocratiques sont régulièrement bafoués, un pays en état d’urgence permanent, on s’attendrait à ce que la justice finisse par faire son chemin. Sauf que… Sauf que dans le procès en question qui aura lieu demain au 1er tribunal correctionnel d’Athènes, aucun membre des groupes d’assaut, organisés par l’Aube dorée, ne se trouvera sur le banc des accusés.

 

Cette place est réservée à Savvas Michael-Matsas, intellectuel radical de renommée internationale et secrétaire général du Parti ouvrier révolutionnaire (EEK), ainsi qu’à l’ancien doyen de l’Ecole polytechnique d’Athènes Konstantinos Moutzouris. L’Aube dorée occupe quant à elle la place de… la partie civile. Le monde à l’envers ! Savvas Michael est poursuivi pour diffamation, incitation à la violence et trouble de la paix civile, suite à une plainte de l’Aube dorée. Le parquet a retenu comme charges contre lui la diffamation (de l’Aube dorée désignée comme groupe «criminel» par un tract de l’EKK), l’incitation à la violence du fait de l’appel à lutter contre les nazis, et le trouble de la paix civile censément menacée par l’appel à manifester contre ces derniers, toujours dans le même tract. Ce n’est point un hasard si au même moment dans les médias de l’extrême droite Savvas Michael fait l’objet d’attaques nauséabondes et de propos ignominieux, notamment en sa qualité de juif et d’intellectuel marxiste. Car l’Aube dorée, selon ses habitudes, inverse les rôles et tente de se présenter en victime ; on ne s’étonnera pas de découvrir dans la blogosphère nazie que Savvas Michael est dénoncé comme «un agent de la conspiration juive mondiale contre la Nation grecque, pour provoquer une guerre civile et établir un régime judéo-bolchévique…» et que sa photo y est publiée, accompagnée d’un véritable appel au meurtre antisémite du genre «Ecrasez la vermine juive»…

 

 

 Bref les néonazis grecs excellent dans un rôle conforme à la plus pure tradition national-socialiste. Mais que fait la justice ? Poursuit-elle les auteurs de ces propos ? Non seulement elle n’en fait rien mais elle retient la plainte du parti néonazi contre le philosophe juif, de sorte qu’il se trouve actuellement poursuivi pour un tract politique contre les nazis tandis que ceux-ci continuent à agresser et poignarder des migrants, des homosexuels et des militants de gauche en toute impunité. L’appel à lutter contre le néonazisme deviendrait ainsi un délit passible des tribunaux. De son côté, Konstantinos Moutzouris est accusé d’avoir autorisé au média alternatif Athens Indymedia d’émettre depuis l’enceinte de l’Ecole polytechnique, ce qui révèle à quel point la liberté d’expression est actuellement remise en question. Notons que deux procès déjà intentés contre lui pour des accusations afférentes avaient abouti à la relaxe. L’affaire remonte à mai 2009 lorsque des associations antiracistes et plusieurs organisations de gauche avaient appelé à manifester contre un rassemblement organisé par un comité de riverains infiltré par l’extrême droite. Une intervention policière musclée avait dispersé la contre-manifestation tandis que les membres de l’Aube dorée s’en prenaient violemment à un squat occupé par des migrants en faisant au moins cinq blessés, fait pour lequel aucun d’entre eux ne fut jamais inquiété.

 

 A l’époque l’Aube dorée avait déposé plainte contre toutes les organisations ayant appelé à manifester le 9 mai, mais celle-ci est restée aux oubliettes jusqu’à novembre 2012, quand le procureur a décidé d’ordonner une information judiciaire. D’une longue liste des personnes mises en cause, seulement les deux prénommés ont été mis en accusation et renvoyé devant un tribunal. La visée antisémite ne fait pas de doute concernant Savvas Michael ; après tout la justice grecque dans sa plus haute instance avait estimé que le pamphlet antisémite et négationniste de Constantinos Plevris, où est affirmé que «juif et homme sont des notions contradictoires» exprimait une opinion scientifique sur un sujet qui prête à débat ! Quant aux plaignants et aux témoins à charge contre Plevris, ils se sont trouvés sur le banc des accusés pour… dénonciation mensongère et diffamation, et il a fallu plusieurs années de procédure pour qu’ils soient définitivement innocentés. Bref la pénalisation de la dénonciation de nazis risque de s’installer durablement dans les mœurs judiciaires grecques. Le procès du 3 septembre apporte une nouvelle confirmation de cette funeste tendance alors que la montée plus qu’alarmante de l’Aube dorée se poursuit inexorablement dans une société saccagée par les mesures dictées par la troïka et appliquées par un gouvernement à sa solde.

 

Et le silence, sinon la complicité d’une Europe censée être construite sur le «Plus jamais ça !», se fait de plus en plus assourdissante… Face à cette situation, nous appelons les citoyens européens à se mobiliser pour défendre le droit de lutter contre la montée du nazisme, un droit remis en question en la personne de Savvas Michael-Matsas, à qui nous tenons à exprimer notre entière solidarité, au même titre qu’à Konstantinos Moutzouris.

 

 

Diamanti Anagnostopoulou Professeur à l’université d’Egée Yangos Andreadis Professeur émérite à l’université Panteion Athena Athanasiou Maître de conférences à Panteion Victor Camhi Ecrivain Akis Gavriilidis Ecrivain traducteur Katia Ghérou Comédienne Kyriakos Katzourakis Artiste peintre, professeur émérite de l’Ecole des beaux-arts de Salonique Dimitris Psarras Journaliste, auteur du «Livre noir de l’Aube dorée» Haris Raptis Docteur ès lettres et philosophie, membre du secrétariat de rédaction de la revue grecque «Alethéia», Calliope Rigopoulou Professeur à l’université d’Athènes Vicky Skoumbi Rédactrice en chef de «Aletheia», Fotini Tsalikoglou Professeur à l’université Panteion Konstantinos Tskoukalas Professeur émérite à l’université d’Athènes Nantia Valavani Députée Syriza Dimitris Vergetis Directeur de «Alethéia» Stavros Zoumboulakis Président du conseil d’administration de la Bibliothèque nationale de Grèce.