L'info jetable

Presque par inadvertance, comme c'est souvent le cas, une info débile est parvenue cette semaine, à faire son petit bonhomme de chemin dans les médias.

Ce ne sont pourtant pas les sujets lourds qui venaient à manquer, (neige en décembre, un tremblement de terre bénin au Japon, un typhon meurtrier aux Philippines, la bataille au sommet de l'UMP, l'opposition musclée des Verts à l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, les revirements embrouillés autour du plan opaque promis aux ouvriers d'ArcelorMittal, la fragilisation d'Arnaud Montebourg, la révélation par le site Mediapart d'un possible compte en Suisse du ministre du budget, allégation aussitôt vivement démentie par l'intéressé, la menace d'armes chimiques en Syrie ou, plus prosaïquement un lot de mousse au chocolat destiné à une cantine scolaire mis au rebut pour avoir été préparé avec de la gélatine de porc, si, si c'est encore de l'info, etc.),

voilà t'y pas que l'ivrogne habituellement déguisé en clochard barbu pour enchanter les petits nenfans d'une école maternelle d'un bled quelconque avait été décommandé par la directrice de l'école...

motif officiel invoqué : restriction budgétaire,

motif officieux :            ne pas choquer les jeunes musulmans en herbe (même s'ils en sont encore à tenter de superposer des pièces de Légo sans tout fracasser), bref,

bien sûr, il fallut rappeler que le Père Noël n'a jamais existé ni dans la réalité, ni dans les Evangiles, et que sa présence autour des fêtes de la Nativité n'est que pure coïncidence, et que si cela devait froisser les jeunes musulmans, on leur promettait en échange une bûche Hallal... 

rien n'y fit, sitôt que l'affaire éclata, la directrice de la maternelle se mit en congé-maladie et c'est l'inspecteur d'Académie en personne, faisant preuve d'une bravoure exceptionnelle, qui dut promettre que le contrat précaire de quelques heures à peine serait, cette année encore, joyeusement honoré...

cette anecdote sans aucun intérêt et qui ne méritait pas plus qu'un entrefilet dans le torchon local, s'était malgré tout hissé en sujet de société, laissant entrevoir le lobbying actif de l'Islam, pour ne pas parler de l'espèce d'inconfort des chrétiens blancs marginalisés, qui ne se sentent plus chez eux, et tout le baratin autour de la guerre des religions jusque sous le sapin,

en réalité, si je m'en suis ému c'est que, tentant de faire appel à ma mémoire, je me suis souvenu de la peur irrationnelle que me procurait vers l'âge de 4 ou 5 ans ce gros personnage travesti, affreusement grimé, puant l'alcool et me tripotant les parties lorsque nous devions poser, en salle de classe, sur ses genoux pour une photo-souvenir, quelques clichés attestent de ces larmes à peine dissimulées,

mes parents, pragmatiques, matérialistes et agnostiques, nous avaient mon frère et moi libéré de cette croyance, on voyait donc notre mère déposer les cadeaux sous le sapin et après dîner, avant d'aller nous coucher, on ouvrait les paquets joliment emballés et nous remercions mon frère et moi nos aimables géniteurs de ne pas s'être donné la peine de tout ce cirque autour de la cheminée (il n'y en avait pas),

aussi, cette obligation oecuménique faite aux futurs chômeurs de ce pays de vénérer un monstre irréel, répugnant symbole du consumérisme le plus bas, ne me paraît pas compatible avec les valeurs que l'école publique devrait s'attacher à transmettre aux nouvelles générations, qui n'auront bientôt plus assez de spermatozoïdes vaillants pour se reproduire sans assistance médicale.