Ma mère

Publié par Rimbaud le 21.08.2017
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Demain, ma mère débarque pour trois jours. C’est rare. Ca veut dire : quelques heures de ménage, se préparer à essuyer toutes sortes de critiques, être contredit en permanence, et désormais planquer mon traitement et tout ce qui peut avoir un rapport avec le CHU, filer en douce ingurgiter les pilules. Mentir. Dissimuler. Ne plus être totalement soi-même. Revenir au temps où elle me croyait hétéro quand je m’échappais la nuit, une carte téléphonique à la main, pour aller sur les réseaux, dans les cabines téléphoniques, en priant pour qu’un voisin ne passe pas en caisse à ce moment-là. Ces années avaient le poids du plomb et la vie était ce carcan qui nous fait suffoquer. Puis il y eut les conflits, l’homophobie, des paroles inacceptables, des larmes, des ruptures avant que les vagues ne s’apaisent et qu’une vie sereine puisse avoir lieu. Le temps n’en finissait pas de s’étirer. Elle n’a jamais demandé pardon. Je ne lui ai donc jamais pardonné totalement. Et me revoilà dans le mensonge. Pour les mêmes raisons qui tiennent le jeune homo reclus dans sa forteresse solitaire : la peur ; le désir de ne pas faire souffrir celle qui a élevé et qui a tant sacrifié ; la certitude de l’incompréhension, du jugement, des paroles tranchantes qui ouvrent le cœur et le rejet. Le revoilà, ce sentiment de lâcheté, moi qui étais si fier du chemin parcouru et des obstacles surmontés. Comme un retour en arrière. Comme une impossibilité de se voir à nouveau rejeté par celle qui m’a donné les rails à suivre pour ne jamais tomber, la structure qui ruine toute possibilité de folie, le repère-étoile vers lequel se diriger. Ma force et ma faiblesse ultime. Pendant trois jours, je serai à nouveau cet enfant privé d’enfance.

Commentaires

Portrait de Exit

;)

Portrait de cbcb

il y a toujours le petit grésillement, une poussière, une rayure, une distorsion, le larsen sagement domestiqué, beaucoup de répéts, peu d’impro, de longs silences, on part en solo et il y a l’ampli ! (l’ampli, c’est ma mère…) 

Bon courage !

Portrait de Sealiah

Les enfants très souvent.

Mon expérience en la matière est quasiment nulle.Cinq ans de vie commune ,de façon épisodique , jusqu'au jour de sa disparition , l' année de mes 18 ans je ne peux les considerer que comme des rencontres et des réapprentissages .

Mon éducation ne relevant pas de son fait mais de mères succéssives ayant eu à supporter cet enfant délicat et sensible que j'était.Cette une lettre  d'Anne-Marie, une tante du côté paternelle, qui me révèla ces traits de caractère que je ne soupçonnais pas.Quand tu finis à la DDASS, l'enfant n'a tout lieu de croire qu'il est un garnement incorrible et que seul une telle punition pourrait , devrait lui faire entendre raison.

Un enfant ne se pose pas ces questions.L'adulte que je suis devenu se les pose.

Ma véritable mère n'était pas du genre affective et encore moins ma confidente.Je n'ai pas de souvenir de maltraitance de sa part.Elle n'en avait pas la capacité physique.Je pense qu'aujourd'hui , si la possibilité lui en était donnée, elle me donnerait des réponses.Ces réponses qui ont fait de nous,en leur absence,des êtres vivant l'un à côté de l'autre.J'ai le vague souvenir, après une très longue séparation  , quatre longues années ; ces jeunes années qui permettent l'attachement maternel , de m'entendre lui dire "Madame". Anne-Marie , ma mère du moment m'avait inculquée ce respect envers l'adulte et en enfant obéissant je l'appliquais à cette personne qui était ma vraie mère.J'imagine le choc: "Madame" au lieu de "Maman".

Ma mère n'a jamais su pour mon homosexualié.Nous n'avons pas eu le temps d'en parler.Elle n'était pas aussi affirmée qu'aujourd'hui.Et quand bien même. Son souci était de nous faire vivre: remplir l'assiette , payer le bois pour nous chauffer,nous habiller le plus joliment possible.Mon homosexualité latente n'était pas primordiale.Elle a remplie sa mission.Je suis fier d'Elle.

Nous n'avons pas parlé de ma S+.Celà faisait 17 ans qu'elle nous avait quitté et que le virus débarqué dans ma vie.Qu'en aurait-elle pensé?Affublée depuis son adolescence d'un handicap inguérissable j'aurais aimé partager nos souffrances.C'est grâce à elle que le mien est devenu supportable.De quoi ai-je à me plaindre,moi qui ai vécu à côté d'une personne qui souffrait en silence.Qui a assumé sa tâche sans maudire,sans pester.Elle a connu la discrimination; être invalide dans les années 50 pas une mince affaire.Elle a connu la frustration; ne pas pouvoir danser alors que ses soeurs guincher dans les bals populaires.L'amour?

J'ai beaucoup de respect pour cette femme qui était ma mère.J'aurais supporté qu'elle fût insurportable avec moi.

Si elle débarquait demain: le ménage je le fais avec plaisir.Je te fais les bons petits plats que tu nous faisais.Je t'achète ma chère maman un fauteuil roulant électrique pour remplacer tes cannes anglaises.Je te présente mon ami.Je te parlerais de tout ce qui s'est passé depuis ton absence.

Je t'ai mal considéré durant ma jeunesse.Je te demande de me pardonner.