Macron est séropositif !

        Au milieu des flots publicitaires, planté au milieu des jardins de l’Elysée, apparaît en gros plan Emmanuel Macron, président de la République française : « Mes chers compatriotes, si je m’adresse à vous, simplement, humainement, c’est pour vous faire part d’un aspect personnel de ma vie privée, pour vous faire une confidence : je suis séropositif. J’ai contracté le VIH il y a cinq ans dans des circonstances qui m’appartiennent. Je suis soigné, je suis suivi, je suis indétectable donc intransmissible, tout ça grâce aux qualités rares de notre beau pays. Je ne constitue un danger pour personne et je peux accomplir pleinement les nobles missions qui m’incombent et pour lesquelles vous m’avez élu. J’ai choisi de vous révéler cette part de ma vie privée car de nombreux séropositifs sont aujourd’hui discriminés. C’est inacceptable et je ferai tout pour lutter contre toutes les formes d’injustice qui gangrènent notre société. Vive la République et vive la France ! ». Les médias s’emballent immédiatement. Personne n’avait été placé dans la confidence. La France est dans la stupeur d’une telle annonce et se demande si elle n’a pas été trahie. Certains l’accusent de mensonges d’Etat, certains déplorent le retard de l’information, d’autres louent son courage et son honnêteté. Les spécialistes sont recrutés et témoignent en direct sur les grandes chaines d’information. Ils dessinent le visage du séropositif de 2017 et la société n’en croit pas ses yeux. Cela dure trois semaines.

            Trois semaines plus tard, invité au vingt heures de TF1, Jean-Jacques Goldman sort de sa retraite londonienne et prend la parole : « J’ai entendu la déclaration de M. Macron il y a quelques temps. J’ai pris conscience du pouvoir que les célébrités ont sur l’opinion des français. Je n’ai pas honte, je peux le dire moi aussi : je suis séropositif depuis onze ans. Cela n’a rien à voir avec la fin de ma carrière. J’ai seulement voulu consacrer du temps à mes enfants, prendre du recul et profiter de la vie. Les gens doivent savoir que le monde a changé, que nous ne mourrons plus du SIDA, que notre vie ressemble à celle de tout le monde. Je ne dis pas que c’est facile tous les jours mais les gens ne doivent plus avoir peur des séropositifs. » What the fuck, s’exclament les millions de fans à l’unisson ! Et les semaines qui suivent, les témoignages s’enchainent : Ardisson familier, Drucker en mode grand sage, Yannick Noah planant, Céline Dion en larmes, Michou pétillant, Pujadas didactique, Depardieu grandiloquent… tous séropositifs, tous… certains l’évoquent à la radio, d’autres le martèlent sur les plateaux télé, l’expliquent dans des livres, le livrent sur Internet, le hurlent dans des chansons… Petit à petit, la maladie honteuse n’en est plus une puisque la parole se libère, puisque l’invisible a désormais des contours, puisque des informations sont données, puisque des débats sont conduits, puisque le séropositif n’est plus l’exception, le pédé, le débauché, le pestiféré, le dangereux, l’inconnu.

            Trois mois plus tard, la supercherie est révélée : tous sont présents lors d’une émission exceptionnelle. L’un d’entre eux, pourtant, avouera ne pas avoir menti.

            C’est l’idée qui, aujourd’hui, m’a traversé l’esprit. Avouez que ça aurait de la gueule, que ça foutrait un beau bordel, que ça ferait réfléchir, que ça ferait avancer la société, que ça déconstruirait les représentations, que ça humaniserait la maladie ! Il est temps d’inventer de nouvelles formes d’action.