Marseille

Publié par balwin le 11.07.2012
479 lectures

Pages jaunes, Marseille, Le Petit Nice, Passédat, la Corniche, plan, vue oblique.

A chaque fois que l'inactivité le permet, je fais au travail ce chemin, dernier contact avec le monde que l'on nous autorise.

Alors, je revois ces rochers sur lesquels je voudrais encore m'asseoir, jouer avec l'eau qui s'engouffre et se retire, les jambes encore assez solides pour résister au courant si les bras n'ont plus guère de force sauf quand ils s'allègent à l'intérieur de la mer et que j'ébauche une brasse coulée en février.

Regarder le Frioul, au loin, contemplatif. Ils reste des calanques à voir - je voudrais m'y rendre par voie de terre, incapable d'accepter de grossir la foule des bateaux touristiques.

Il faudra bien sûr renoncer à y aller dans son propre bateau, cela est un rêve de bonheur.

Parlant de rêve, c'est à Marseille que j'ai fait un rêve où je me suis cru guéri d'une pathologie douloureuse et invalidante : j'empruntais un Ferenczi à un professeur émérite, femme, en psychiatrie - la chimie et la psychanalyse se reliaient, une alliance devenait possible. Lacan demandait conseil à cette femme quand il avait un doute quant à un diagnostic ; effervescence intellectuelle des années 50 à Paris.

Je ne suis pas lacanien, même si je n'ai rien fait de mieux que de la linguisterie.

Elevé dans le culte du Nord, dans le respect de mon enracinement flamand, c'est entre Cassis et Marseille que j'ai découvert la beauté, de ces beautés que l'on ne peut dire, ni écrire ni peindre : Il faut la vivre dans ce silence qui tout à coup anesthésie le car, comme si le coucher de soleil l'emportait, nous usurpait à nous-mêmes.

A droite, la montagne - pour un nordique, c'est de la montagne - avec un jeu d'ombre et de lumière rosée qui n'a rien à voir avec la franche lumière qui a fait du Touquet le Touquet, du Blanc Nez le frère du Gris Nez.

A gauche, la mer ("la mer est partout à Marseille" écrit quelque part Izzo), le soleil qui s'y pose, je n'oublierai jamais ce spectacle, me contorsionnant pour voir encore et encore le Cap Canaille que les kilomètres dégustés lentement rendaient plus petit, mais qui passait d'une couleur à une autre - il y avait aussi une main, grande, presque spacieuse, un moment accueillante ; j'étais heureux et connaissais une allégeance dont je ne soupçonnais pas qu'elle pût exister. Enfin j'oubliais l'Afrique ou peut-être était-ce déjà le Cap, comme il y a à Malte des fossiles d'éléphants ?

J'oubliais en tout cas la douleur de la perte, de l'abandon, échappais un temps à la frayeur de l'intrusion. 

Je ne crois pas ces instants impossibles à revivre, Marseille est aussi proche qu'éloignée, à quelques encablures.