Mon grand frère, mon pote...

Publié par parisien-breton_en_ligne le 27.10.2008
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J'ai appris ma séropositivité en février 1987...

En septembre de la même année, en allant sur la tombe de Dalida (et oui, un peu caricature du gay), au cimetière de Montmartre, je me suis arrêté devant une tombe toute nouvelle...

Un prénom, un nom et deux dates 1955 - 1987. La tombe se remarque : à la place d'une stèle, une réplique d'une statue grecque ou romaine, un buste sans bras, sans jambes, sans tête et sur la tombe, une couronne de fleurs et d'artichauts. Je m'arrête, je me suis assis sur la tombe en face... Je venais de faire une RENCONTRE.

Je suis incapable de dire exactement ce qui s'est passé mais je venais de croiser le chemin de quelqu'un, de quelque chose qui m'attirait, m'apaisait...

Je ne savais pas qui était enterré là mais je savais, j'étais sûr que nous avions des choses en commun...

Je suis rentré à la maison et les jours et les semaines passent. Je suis revenu sur cette tombe... J'avais un besoin, un besoin de savoir qui il était, de le connaitre... J'avais fait des recherches (y avait pas internet...) ai retrouvé son adresse sur l'annuaire, ai trouvé sa ville d'origine (les étiquettes de fleuriste sur la tombe...) Et un jour, j'ai eu le courage d'aller chez le marbrier chercher des renseignements supplémentaires. Le marbrier, sympa, m'a peut être pris pour un fou mais je suis reparti avec les coordonnées de la soeur. Soeur que j'ai appelé ; elle a eu du mal à comprendre ma démarche mais elle a accepté un RDV, le lendemain au cimetière. Du coup, je ne suis pas allé travailler pour la rencontrer. Elle n'est pas venue... Et, moi, j'ai rappelé ; mon appel l'avait perturbée, elle était dans une des phases de deuil et moi, je débarquais... Je crois qu'on a pleuré au téléphone tous les deux. C'était indescriptible comme situation. On s'est redonné rendez vous le lendemain dans une brasserie à Pigalle...

On est resté ensemble plus de trois heures ; on a rit ; on a pleuré ; l'instant a été très intense, très fort... On a échangé, elle qui pleurait son frère récemment décédé et moi qui voulais savoir qui il était de son vivant... Et en fin de discussion, elle a accepté ce que je n'osais imaginer : je l'ai accompagné chez elle et elle m'a donné une photo : j'avais enfin son visage... Elle m'avait dit avant que je serais peut être décu, qu'il ne fallait pas fantasmer... Elle se voulait très prudente mais moi, j'étais et je le reste convaincu qu'il s'est passé quelque chose d'inexplicable...

Il venait de mourir du sida... Moi jeune séropo, j'ai trouvé mon aide, mon grand frère...

Certains vont dans des églises, des mosquées, des sinagogues trouver le réconfort... Moi, je vais sur sa tombe ; tous les moments importants de ma vie, je les ai partagés avec lui, toutes les décisions, je les trouve là bas... Je n'y vais pas souvent . Sept ou huit fois par an...

  

Ai croisé quelques fois sa soeur au cimetière... Ai failli rencontrer ses parents mais n'ai pas osé...

Les années ont passées... Je suis pas mal plus vieux que lui, aujourd'hui mais il reste mon grand frère, mon étoile, mon soutien... Je n'ai jamais regretté de ne pas l'avoir connu, n'ai jamais imaginé avoir raté un mari potentiel... C'est juste la flamme qu'il m'aide à raviver quand les journées sont plus dures que celles de la veille...

Merci à toi...

Commentaires

Portrait de maya

comme ton expérience est étrange...ca peut etre symbolique de ce que tu as été avant et ce que tu fus après ?

 pour ce partage

Portrait de parisien-breton_en_ligne

cimetière MontmartreC'est cette rencontre qui a pris de l'importance dans ma vie, c'est où je me ressource, où je trouve des réponses à mes questions, où je trouve les solutions à mes problèmes...

Et derrière tout ça, rien de morbide ou de fantasmes...

je ne cherche pas à comprendre, j'y trouve du réconfort et c'est déjà beaucoup...

Portrait de vendredi_13

Très émouvant, ce billet.

Thanks........ ;)

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"Vivre en soldat mais sans être soldat, l'être au sens figuré et non à la lettre, voilà ce qui au fond constitue la liberté." (Thomas Mann)