Mondialisation et inégalités

Publié par Rimbaud le 24.09.2017
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Dans cette économie mondialisée, nous, les séropositifs, représentons des milliards. Nous constituons un enjeu de taille pas seulement auprès des laboratoires pharmaceutiques qui sont les plus souvent attaqués (souvent à juste titre) mais auprès des nations. De notre sort dépend le travail de milliers de chercheurs, d’ingénieurs, de concepteurs, de médecins, de vendeurs, de fabricants, d’analystes… Dans le cynisme de notre modernité écœurante, le risque de notre exploitation est bien réel. Tuer le virus, c’est aussi tuer la manne financière. Le dilemme est posé : c’en est fini de la volonté de trouver le vaccin qui préviendrait tout individu d’une transmission du VIH ; c’en est fini de l’espoir de trouver le remède qui guérirait du VIH. Pas assez rentable. Il faut s’orienter à présent vers une solution plus globale, qui engloberait plusieurs maladies, qui permettrait d’atteindre un cœur de cible plus conséquent. Que les séropositifs cessent de prendre la trithérapie et c’est la faillite instantanée des usines qui s’engraissent en sauvant des vies. Vous, séropos, fermez-la surtout et remerciez le système de votre chance, ne venez pas déranger le cercle vertueux qui vous assure une espérance de vie quasi normale ! Surtout, ne pas aller trop vite dans les découvertes ou c’est la recherche qu’on va tuer ! Il faut des enjeux à l’échelle de la soif immodérée de profits, mais une recherche qui ne soit axée que sur les pays les plus riches. Inventons de suite le vaccin contre le VIH ou le médicament qui éradiquera le virus : qui payera pour les pays les plus pauvres, là où des millions de personnes contaminées n’ont accès à aucun traitement, à aucune solution, et meurent chaque jour ? Personne. Tandis que des hordes de désespérés fuient leur terre natale en proie aux flammes, aux guerres, aux tyrans, nous ne parlons que de frontières et sommes incapables d’envisager une solution fraternelle et humaine. Pire, nous repêchons ces oiseaux morts qu’ils sont devenus dans les mers de la honte au bord desquelles  poussent nos villégiatures insolentes. Nous préférons regarder mourir à nos côtés ceux qui nous ressemblent plutôt que de résoudre les problématiques que nous avons engendrées. Notre pays dépense des fortunes colossales pour assurer notre survie parce que son modèle social repose sur la solidarité, à l’heure où chacun est occupé à gueuler pour déconstruire ce schéma dont il profite pourtant allègrement. Le monde est devenu fou.

Peut-être, un jour, ce vaccin existera-t-il malgré tout, parce qu’on coûtera trop cher, parce que la France n’aura plus les moyens d’investir sur nos vies et qu’une solution devra être trouvée faute de déshonneur national. Alors, un prix Nobel sera décerné, un homme nouveau entrera au Panthéon, nous célébrerons la guérison, nous descendrons dans les rues en pleurant de joie, Line Renaud passera à la télé les yeux humides de reconnaissance, des avenues seront renommées, les industries fabriqueront, vendront, profiteront tandis qu’à deux pas de la fête, des populations assisteront impuissantes à notre délire collectif, les yeux écarquillés, stupéfaites de découvrir la cruauté du destin, leurs enfants sidéens tenus fermement contre leurs seins de femmes pauvres, mourants.

Commentaires

Portrait de cbcb

Alors là, tu m’apprends quelque-chose ! Dans la théorie peut-être ! C’est vrai que l’on entend régulièrement de beaux discours.
Ces beaux discours lus ou récités, je ne les écoute plus. Pas par pessimisme, mais parce que je ne les crois plus !
En prenant au hasard l’exemple du VIH : ‘’un vaccin vient d’être mis au point…bla bla bla …’’ . Ha, qu’ils sont drôles !
Je pense tout de même que les recherches sur ce vaccin ont pu faire avancer celles liées au cancer ou autres maladies (plus intéressantes certainement…)

Concernant les pays ‘’pauvres’’ :
Un médecin m’a dit un jour (il y a quatre ans) que j’avais la chance d’être en France ! qu’il avait lui-même été en Afrique par le biais d’une association quand il était jeune, pendant ses études…
J’ai revu ce médecin cette année au mois de juin. J’étais alitée à l’hopital, je l’avais attendu toute la journée. Il arrive en fin d'après-midi, avec son harem d’étudiant(e)s et me sort avec fierté exactement le même discours ! exactement le même !
Evidemment, les jeunes le regardent avec une profonde admiration, la bouche bêtement entrouverte, puis se retournent vers moi ! Ils ne disent rien, m’observent un temps puis me lancent quelques éclairs ardents de leurs orbites noirs (ce n’étaient pas des yeux). Je n’ai rien dit, juste demander un bon de sortie…
Et oui, cet homme s’était créer une notoriété grâce à sa courte participation dans cette association humanitaire ! et j’imagine qu’il n’est pas le seul dans ce cas !

Le VIH en Afrique aujourd’hui : certains disent que les chiffres sont stabilisés, d’autres disent le contraire, dévoilent ce que l’on ne veut pas voir, témoignent de la cruauté de la réalité et … les Nations Unies organisent des réunions … et quelques poches continuent allègrement de se remplir...

Pourtant, il y a et il y aura toujours quelques personnes sincères, quelques associations qui croient en leurs raisons d’exister ! (Quand elles ne sont pas utilisées à des fins politiques ou commerciales) … 

Portrait de zombi

sorte la vih et une matière premiere (machine a fric) sauf pour nous

Portrait de Rimbaud

Tu as bien compris que je parlais d'un modèle, d'une théorie, d'un principe... il existe et c'est ce qui fait que l'Etat paye nos traitements, que la retraite par répartition existe, que les subventions, les allocations etc existent... contrairement à d'autres pays. La France s'est construite sur l'idée de la solidarité... qui est inégale, imparfaite, et menacée, remise en question.

Portrait de cbcb

Ce qui me dérange c’est la façon dont on a utilisé cette ‘’solidarité’’ . 
Aujourd’hui, tout ce que je vois, c’est régression, négation, mépris, indifférence, etc., bien loin de cette notion de "solidarité" ! 
Heureusement que dans les pays riches comme la France, une certaine répartition existe ! Heureusement que ces états aident les pays défavorisés ! 
Bien loin de la perfection !
Je voulais juste démontrer par une expérience personnelle (du bas de l’échelle !) comment certains utilisent les causes humanitaires pour leurs notoriétés (jusqu’à l’obtention d’un prix Nobel…), leurs propres profits …
"Le malheur des uns ne fait-il pas le bonheur des autres !"