Nouvelle vie, nouvelle séroadaptation ?

C'est mon premier billet sur mon premier blog... "à vie" dirait les ados. Mais je me lance.

Je me suis expatrié au Québec y a un an environ. J'avais déjà fait une partie de mes études là-bas, y a 10 ans... je savais donc où j'allais. Au même moment que j'entamais les démarches d'immigration, j'ai rencontré un homme plus âgé que moi (14 ans), un vrai mâle sauvage dont l'homophobie intériorisée était soft mais réelle. Bref, je suis tombé amoureux de lui, de ses goûts partagés, de ses qualités, de ses défauts, de son crâne chauve et de sa queue (oui je suis un horrible gay fétichiste des grosses queues... un phallocrate refoulée dirait les lesbiennes féministes radicales). Il était séroneg, et moi séropo depuis 2 années, difficiles en acceptation de ma séroconversion. Il ne voulait pas utiliser la capote, pour rien au monde ; on a bien essayé a plusieurs reprises, avec tous les modèles en vente sur le marché, mais rien à faire, impossible de bander et donc de jouir avec le préservatif. Aurais-je dû le quitter pour le protéger, lui qui connaissait les risques et a vu mourir des copains ? Je n'en sais rien, mais en tout cas je ne l'ai pas fait. Heureusement, porteur d'une souche VIH peu virulente, et lui circoncis uniquement actif, les risques étaient réduits. En tout cas je ne l'aurais jamais enculé sans capote si cela avait été possible. Il est resté séroneg, jusqu'au prochain test en tout cas (dans 2 mois ça fera 3 mois depuis notre dernière baise : je croise les doigts). Bref, je ne me sens pas coupable, la responsabilité est en tout cas partagée, et mûrement réfléchie de son bord.

Puis la rupture, après 2 ans de vie quasi-commune. La vie quoi. Les problèmes de cohabitation, les câlins qui ne sont plus aussi fréquents, les difficultés de communication, l'écart de capital culturel qui devient trop problématique. Fuck, j'avais tellement investi, je croyais que c'était le bon. Puis le temps passe, et comme je suis un dépendant affectif et sexuel, je me remets à sortir avec les copines, en quête de bon temps et pourquoi pas de plaisir... V'la ti pas que je tombe sur un petit frenchy de 22 ans, beau à tomber par terre et intello en plus (un sociologue féministe en devenir). Première nuit, câlins juste câlins : bourré au whisky le jeune homme (passage régulier "à la toilette" comme on dit "icitte"), et moi plutôt dans une humeur caresses sans sexe, sans forcément éjaculation. Très bien. Sauf qu'au bout de la 3ème fois (pas idiote, mon flair de séropo ne s'est pas trompé), le garçon m'avoue : mon sida lui fait peur ! Ah bon ? Mais je ne suis pas contre l'utilisation des capotes mon chou ! J'accepte même que tu me suces avec une capote si ça te rassure (mais je prendrais jamais l'avion sur les lignes intérieures de certains pays pour autant). Difficile pareil. Blocage...

L'autre nuit on a fini quand même par jouir et éjaculer : branle réciproque et suce univoque (je vais devenir une experte en fellation de jeunes adultes). Bref, pour moi passive invétérée, active de temps à autre, séropo de la génération post-crise sida, tout cela me semble assez surréaliste ! Mais bon, le souci du bien-être d'autrui passe avant tout... mais avant le mien pas pour longtemps ! S'il ne me baise pas d'ici là, y aura plus de câlin mon poulain !

Tout ça pour dire que je suis passé d'une séroadaptation de la sexualité sans capote à une séroadaptation de la sexualité avec capote... parce qu'envisager qu'on me suce avec une capote parce que je suis séropo, pour moi c'est aussi de la séroadaptation. Finalement, la séroadaptation est apparue bien avant le renouveau des rapports sexuels sans préservatif (le mot bareback ne veut rien dire pour moi, trop idéologisé et polysémique). C'est pas désopilant ça ? Dans notre communauté séropo encore très polarisée et très marquée par les légitimes souffrances et les logiques terreurs des années noires ? Comment ne pas tendre vers le sérochoix de mes partenaires dans de telles conditions ? Moins de tracas...

Take care et à la prochaine...