Novissima Verba

Publié par ouhlala le 15.06.2010
3 958 lectures

     Dernières paroles.

     Deux mots qui désignent, chez les auteurs anciens, les dernières paroles d'un mourant. Ils ont un autre sens dans un vers de Virgile (Enéide) Lustravitque viros, dixitque novissima verba, où au cours d'une cérémonie funèbre, le prêtre asperge les assistants d'eau lustrale en prononçant les dernières paroles à l'adresse du défunt, le mot Vale (adieu!) répété trois fois.

     La mort comme sujet de billet, ça va achever de me rendre sympathique aux yeux de certains. La mort, on en parle quand on ne peux plus faire autrement. Souvent lorsqu'on est face à elle, mais on meurt aussi beaucoup en silence. Un bon mot d'Oscar Wilde,  Je suis en trés bon terme avec la mort, elle brûle de me rendre visite et me laisse chaque jour une nouvelle carte !  Pourtant, comme on peut dire que tout est sexuel et que tout est politique, tout a aussi à voir avec la mort. Nous avons tenté de tuer la mort par notre silence, disait Freud (Notre relation à la mort http://www.effet-freudien.com/effetfreudien/Lectures.htm ) en constatant notre attitude ambiguë face à la mort que nous savons inéluctable. Il est difficile d'accepter l'idée de sa propre mort et nous nous comportons parfois comme si nous ne devions jamais mourir. Freud conclut sur le célèbre adage Si vis vitam, para mortem, si tu veux vivre, prépare ta mort, en en parlant et en y pensant. 

      Bien sûr les derniers mots de certains personnages célèbres sont connus. J'avais envie d'en faire résonner certains sur seronet. Ils sont parfois l'occasion d'un dernier bon mot sur la vie, peut-être longuement mûri, 

Tirez le rideau, la farce est terminée ! - Rabelais

Je m'arrêterais de mourir s'il me venait un bon mot ou une bonne idée. - Voltaire

Je meurs vraiment au-dessus de mes moyens ! - Oscar Wilde, recevant la note du médecin

Enlevez-moi ça ! - Clémenceau en voyant arriver un prêtre  

Allons, il est bien temps que je désemplisse le monde ! - Victor-Hugo

Dormir, enfin ! Je vais dormir ! - Alfred de Musset 

Enfin, on va maintenant enfin jouer ma musique ! Hector Berlioz

Tu la montreras au peuple. N'oublie pas. Elle en vaut la peine. - Danton

Cela ne va pas, cela s'en va. - Fontenelle à qui l'on demandait comment il allait

      Mention spéciale à Théophile Gauthier, à qui l'on disait peu avant sa mort qu'il était solide comme un roc:  Pour le tronc, ça va, c'est le gland qui m'inquiète !

      Parmi celles que je préfère, Léautaud et Victor-Hugo (mort une deuxième fois ?):

Maintenant, foutez-moi la paix ! - Paul Léautaud

Je vois une lumière noire. - Victo-Hugo (mention très spéciale) 

      Enfin, s'il n'en fallait qu'une, cette citation de Takuan, un maître zen japonais du 17è s. Il était de coutume que juste avant de mourir les maîtres rédigent un ultime enseignement. Celui de Takuan résume sa vision de l'existence et des lois qui nous gouvernent:  

                                                      Rêves !

 

       Voir aussi : Isabelle Bricard, Dictionnaire de la mort des grands hommes.

       Pour ceux que le sujet intéresse, Un texte de Johanne de montigny (Fondation Nationale de Gérontologie) Les derniers mots du mourant. Un legs inespéré dans la vie du survivant. http://www.cairn.info/resultats_recherche.php?searchTerm=de+montigny

 

 

 

 

 

 

Commentaires

Portrait de ouhlala

C'est aussi le titre d'un long poème de Lamartine, http://fr.wikisource.org/wiki/Novissima_Verba , dont voici un extrait :

Triste comme la mort? Et la mort souffre-t-elle? 

Le néant se plaint-il à la nuit éternelle? 

Ah! plus triste cent fois que cet heureux néant 

Qui n'a point à mourir et ne meurt pas vivant! 

Mon âme est une mort qui se sent et se souffre; 

Immortelle agonie! abîme, immense gouffre, 

Où la pensée en vain cherchant à s'engloutir 

En se précipitant ne peut s'anéantir! 

Un songe sans réveil! une nuit sans aurore, 

Un feu sans aliment qui brûle et se dévore!... 

Une cendre brûlante où rien n'est allumé, 

Mais où tout ce qu'on jette est soudain consumé; 

Un délire sans terme, une angoisse éternelle! 

Mon âme avec effroi regarde derrière elle, 

Et voit son peu de jours, passés, et déjà froids 

Comme la feuille sèche autour du tronc des bois; 

Je regarde en avant, et je ne vois que doute 

Et ténèbres, couvrant le terme de la route! 

Mon être à chaque souffle exhale un peu de soi, 

C'était moi qui souffrais, ce n'est déjà plus moi! 

Chaque parole emporte un lambeau de ma vie; 

L'homme ainsi s'évapore et passe; et quand j'appuie, 

Sur l'instabilité de cet être fuyant, 

À ses tortures près tout semblable au néant, 

Sur ce moi fugitif insoluble problème 

Qui ne se connaît pas et doute de soi-même, 

Insecte d'un soleil par un rayon produit, 

Qui regarde une aurore et rentre dans sa nuit, 

Et que sentant en moi la stérile puissance 

D'embrasser l'infini dans mon intelligence, 

J'ouvre un regard de dieu sur la nature et moi, 

Que je demande à tout : Pourquoi? pourquoi? pourquoi? 

Et que pour seul éclair, et pour seule réponse 

Dans mon second néant je sens que je m'enfonce, 

Que je m'évanouis en regrets superflus, 

Qu'encore une demande et je ne serai plus!!! 

Alors je suis tenté de prendre l'existence 

Pour un sarcasme amer d'une aveugle puissance, 

De lui parler sa langue! et semblable au mourant 

Qui trompe l'agonie et rit en expirant, 

D'abîmer ma raison dans un dernier délire, 

Et de finir aussi par un éclat de rire!

 
Portrait de ouhlala

Ouhlàlà wrote:

      Mention spéciale à Théophile Gauthier, à qui l'on disait peu avant sa mort qu'il était solide comme un roc:  Pour le tronc, ça va, c'est le gland qui m'inquiète !

..."à qui l'on disait peu avant sa mort qu'il était solide comme un chêne ... "

Concernant les deux vanités;

1) Luigi Miradori dit Genovesino, Cupidon endormi (Vanité), XVIIe siècle, huile sur toile, Crémone,

2)  Aelbert van der Schoor, Vanité (crânes sur une table), vers 1660

Portrait de ouhlala