Nuit de folie

Publié par Rimbaud le 09.09.2017
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Comment un simple cachet peut-il à ce point prendre possession de notre esprit ? Il y a sorcellerie. J’étais extrêmement détendu en allant me coucher (un bon porno et quelques plans cam avaient fait leur effet). Je sentais bien que le ventre faisait son boulot de ventre mais rien de plus. Rien, absolument rien ne préfigurait le déferlement d’images démoniaques, de scènes apocalyptiques, de visions macabres qui étaient sur le point de m’envahir. Je ne peux évidemment vous les restituer, la barrière entre le préconscient et l’inconscient s’étant rabaissée mais l’une d’entre elles est néanmoins restée : je possédais un chat. Un chat mignon. Un chat normal. Un chat adulte… dont les griffes ne cessaient de pousser jusqu’à devenir menaçantes et jusqu’à tomber… au creux de ma main. Je la revois, ouverte, ces griffes acérées posées là, sur la paume. Google, au secours…

            Le chat est synonyme de magie, à mi-chemin entre l’animal de compagnie et le félin dangereux, sauvage. Il « donne le sentiment d’avoir une sagesse profonde et de détenir des secrets ancestraux ». Il échappe, il fuit, il décide, il revient, il erre, il ronronne, il menace… il est l’une des figures de la liberté. Jusque là, ça me va très bien. Selon Freud, il est la représentation du sexe féminin : les griffes tombent… je ne peux qu’y voir la peur d’une relation hétérosexuelle pour le pédé que je suis ! Selon Jung, il symbolise la peur d’une situation imprévisible et angoissante : quels effets ce putain de cachet va-t-il avoir sur moi ?... telle serait alors ma préoccupation. Dans la tradition ésotérique, le chat est le gardien des secrets. Il conjugue intuition et sensibilité. Il peut aussi « frapper avec précision et subtilité » : la maladie-chat n’est donc pas loin de moi, l’annonce de ma séropositivité n’ayant pas été forcément attendue. Quant aux griffes, elles représentent un sentiment de vulnérabilité (tu m’étonnes !) et d’hostilité, de protection et de défense. Bah oui, parce qu’au final, les griffes finissent dans ma main, comme si elles m’appartenaient, comme l’arme nécessaire pour contrer, attaquer le virus tout en m’en protégeant.

            Qu’on multiplie cette seule image par mille et l’on aura une idée de la douce nuit que j’ai passée. Allons, voyons les choses du bon côté : c’est un accès passionnant à l’inconscient qui m’est offert, une voie royale à un processus de compréhension, une raison incontestable de s’extirper du lit pour retourner à une réalité plus réconfortante car plus rationnelle !

 

Le Chat

 

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.

 

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

 

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

 

Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

 

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857.

Commentaires

Portrait de Cmoi

Ce que tu décris est plus proche d'un délire ou de divagations dignes d'un cocktail de haschisch et d'opium, que de simples cauchemars. En d'autres temps, ton médicament aurait certainement été très prisé par Beaudelaire, Nerval, et autres adeptes d'expériences extrêmes. Plus sérieusement, je te souhaite très sincèrement que ces effets s'estompent, et que des nuits plus sereines t'aident dans ton combat quotidien.

Une bise. Non plusieurs. 

Portrait de Rimbaud

... mais c'est pas étonnant, suis un fou de la tête :) je suis sûr que ça va s'apaiser, je le sens.:)

Bisess

Portrait de ouhlala

des effets psychoactifs des traitements antiretroviraux.

J'espère que tu n'es pas sous antidepresseur aussi  ?

Portrait de Rimbaud

J'me balance assez de produits avec les arv, vais pas en rajouter ! ;)