Obsessionnellement

Publié par Rimbaud le 19.08.2017
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Et toujours cette question qui cogne à la porte : combien de mecs ai-je contaminés ? La Raison répond de sa belle assurance effrontée : tu faisais attention ; tu ne sais même pas depuis combien de temps tu abrites le virus ; tu ne donnes pas ton sperme ; tu as toujours préféré la sensualité ; tu n’as même pas contaminé l’homme à qui tu te donnes depuis douze ans alors… alors ferme-la la Raison. Ferme-la. Pour une fois, juste une fois, je te demande de la mettre en veilleuse car rien, absolument rien ne peut prouver le chemin que tu empruntes. Tu te veux rassurante, tu te veux consolatrice mais la probabilité est immense d’avoir, malgré moi, bousillé des vies qui ne demandaient qu’un instant de plaisir. Mais chacun est responsable, chacun prend ses responsabilités, tu n’as cherché ni à l’avoir, ni à le donner, cesse de te flageller stérilement. Ferme-la je te dis. Cesse. Toi qui m’as tant aidé, toi qui continues à tout faire pour que je garde le cap, ne sois pas dans la complaisance car tu ne l’as jamais été. Tu t’es toujours montrée d’une rigueur implacable, d’un jugement sans compromis, d’une droiture terrifiante. Jusqu’à m’empêcher l’insouciance, et je ne te le reproche pas. Tu as su, au fil des années difficiles, construire un système de Vérités, quitte à éloigner les superficiels, le convenu, les habitudes, les gens du paraître, les menteurs, les hypocrites, les tricheurs, quitte à m’enfermer dans une solitude aux murs de pierres épaisses. Je ne te reproche rien car tu as été la cartographie, l’intuition définitive, l’impératif catégorique qui ramène à la vie mais tu ne peux rien contre ce fait terrible : j’ai plus que certainement tué des insouciances, moi qui en ai tant manqué. Et des visages défilent, et l’horreur me saisit. Une heure, une nuit ou un mois, je les ai aimés et j’ai tué en eux… une forme absolue de repos.

Commentaires

Portrait de Sealiah

Pour faire taire ce sentiment angoissant de culpabilité.Fuir où?

Dans d'autres lieux?Dans d'autres vies?Toujours des impasses où ta raison te piège à nouveau.On échappe pas à sa raison.Je n'échappe pas à ma raison.

Devenir déraisonnable?Par des excés de toutes sortes pour n'avoir ,ne serait-ce qu'un instant , l'illusion de n'avoir plus de raison.Brève satisfaction.S'enfermer dans ses excés,la folie permanente pour faire perdurer l'illusion.Suicide perpétuel.Ma rue n'est plus une impasse.J'en connais la destination.

Le sentiment de culpabilité dévore la vie.Comme le VIH. Petit à petit, sans retour possible.Sombrer avec l'un comme l'autre,une éventualité.

J'ai appris à vivre avec le VIH. Puis-je apprendre à survivre avec ce sentiment inéffaçable de ma culpabilité bien réelle ou supposée?.C'est ma raison qui me l'a dit.

Je me mens.Ce n'est pas raisonnable; c'est aussi ma raison qui me le dit.

J'étais apaisé avant de lire ton blog. 22 ans de Vih ont quelques peu émoussés ce sentiment.Mais il demeure présent dans ma mémoire.J'ai appris à le canaliser. Pas le nier ni le minimiser.

Penser que l'on est qu'une victime du VIH en passant sous silence que nous sommes peut-être responsable du VIH de quelqu'un d'autre, j'ai du mal à le concevoir.Mon VIH est le fruit de mon insouciance et de l'insouciance de mon ou mes partenaires.Avant l'annonce de ma S+ j'étais encore insouciant rencontrant des insouciants.

Ma séropositivité reconnue;j'ai perdu mon insouciance.Ma séropositivité acceptée,j'ai retrouvé un certain apaisement.

Portrait de Rimbaud

Fuir ? Non. L'oeil dans la tombe regarde Caïn;)

Tout cela nous apprend que nous sommes faillibles, c'est une leçon de modestie et donc d'humanité.

Tu l'as canalisé, tu l'as dompté ce virus. 

L'insouciance est une énième excuse donnée à soi-même. Tu es d'une telle lucidité, c'est beau.

Ne lis plus mon blog car il n'est pas là pour apaiser, ni pour angoisser d'ailleurs. D'ailleurs, il est de moins en moins lu. Mais je continuerai de l'écrire.

Portrait de Sealiah

et tu continuera à t'écrire.Que pouvons-nous faire d'autre?

Les murs épais de ma prison solitaire ont faillis.Internet  a fini par y faire une gigantesque baie vitrée.Je peux voir,sentir,lire le monde sans le cotoyer physiquement.Je peux me sentir lâche,heureux,amoureux,questionneux,parler ou me taire.Je peux fuir.

Tes blogs sont lus par les regardants tout comme les miens.S'exprimer demande une certaines prise de risques.Calculés.

Certains mots font peur.Certains sont blessant,d'autres demandent une explication plus approfondie.D'autres génèrent de la colère,de la douleur enfuie.Toutes ses sensations et émotions qui sont propres à chacun de nous.Je suis un humain qui se cache derrière ses mots qui le révèlent.

Je suppose que comme pour moi tes mots sont thérapeutiques.Qui peux m'aider mieux que moi-même?Je pourrais ne pas écrire mes mots.Je deviens fou.Je tourne en rond sans fin.De nouveaux maux m'assaillent.Par mes mots je fais mon état des lieux.J'en suis où?Je relis parfois mes mots "passé".Parfois ce passé est encore bien présent.Je suis en colère et j'écris de nouveaux ces mots.

Continues d'écrire.Tous les mots.

Portrait de Rimbaud

Tu décris ton rapport à la réalité comme si tu étais encore en prison.

Je ne crois pas que l'écriture guérisse de quoi que ce soit. Primo Levi s'est jeté dans sa cage d'escalier, ne l'oublions pas. Les mots permettent d'exister deux fois plus. Mais ils ne guérissent de rien. Les mots sont la lumière.

J'te kiffe.

Portrait de Sealiah

Pas une guérison.

Je finirai sans doute comme Primo Levi.Accidentellement ou délibéremment.Je n'écarte pas ce choix.

Je connais peu l'oeuvre de cet homme mais comme lui j'ai du mal avec la cohabitation de Dieu et du mal.Je lis qu'il était aussi un fervent opposant au suicide et c'est par le suicide qu'il décide de s'éclipser.Pouvoir changer d'avis sans être contradictoire,respect.

Je n'ai pas connu les camps de concentration.Ma connaissance n'est qu'historique.Mais l'histoire n'ai pas bonne professeuse et l'histoire se répète.Tant d'impuissance.

Ma prison avait aussi une grande fenêtre donnant sur la cours de la caserne militaire.Juste en face du drapeau.Dans les premiers temps de mon incarcération.

Dans la prison civile, la fenêtre est comme dans le poême , minuscule fenestrou.J'aime cette poësie que j'avais étudiée en seconde et dont j'en constatais l'amère exactitude.De ce que j'avais aimé en liberté je pouvais ressentir réellement l'émotion des mots de Paul Verlaine.Ce sentiment puissant de perte.Deux réalités.Celle qui t'es donnée à voir parciellement et celle que tu imagines.Au-delà des murs.Les rumeurs de la ville dont tu es absent.C'est un magnifique texte.

De mon autre grande fenêtre une autre réalité que je pouvais voir mais dont j'étais aussi absent .Juste un regardant.Impassible. Comme un chat derrière le carreau.Beaucoup d'agitation extérieure et un calme palpable à l'intérieur.Des journées durant j'ai observé cette agitation.Militaire.Comme une partition musicale sans cesse répétée et sans surprise.Qu'il pleuve,qu'il neige,sous la chaleur;une-deux,une-deux.J'étais aux premières loges pour apprécier les progrès hallucinants de mes amis de classe dont je m'étais désolidarisé de par ma désobéissance.

Certains désobéissaient  et finissaient à leur tour derrière la fenêtre à ma place.Je leurs en veut.La cellule était double dont une partie aveugle.Afin d'éviter que ma désobéissance devienne contagieuse,j'étais durant leur séjour cantonné à un isolement total.La aussi une nouvelle réalité des plus frustrante et stressante.Des rires ,de la musique,des délires canabinoïque et alcooliques.Moi , perdu, le regard sur le plafonnier.M'occupant par quelques tâches domestiques et refixation du plafonnier.Le temps s'étire.Fuir la réalité devient primordial,salvateur.

Le traumatisme n'est pas immédiat.Je ne suis pas clostrophobe.Sur la durée et maintenant avec le recul m'inventer ma réalité devient une évidence.Je me sens souvent en prison.L'amour,le travail,mes relations avec l'autre,internet,le VIH,autant de prisons que je dois personalisées.Je me mens et j'en suis conscient.

Je vais bien.Juste un nouvel ètat des lieux.

Portrait de Rimbaud

C'est étonnant comme ce texte que tu viens d'écrire ne ressemble pas aux autres : il est très cohérent, entrainant, dense, senti. Tu as écrit un bouquin là-dessus ? Tu devrais. Allez, dis-moi que tu aimes le journal d'un voleur de Genet ;) Tu es plus proche de Genet que de Verlaine. La première prison, c'est notre corps... ;)

Portrait de Sealiah

Elle était trop encombrante pour mon nouvel espace.J'en ai gardé quelques uns ,histoire de remplir les étagères vides.Le vide est effrayant.Mon amie adorée dont je n'écoute que rarement les conseils sur le moment m'a suggéré d'expérimenter le vide.Jérôme,un garçon charmant et un ami commun vit dans un appartement vide.Je n'ai pas encore visité son appartement.S'il m'y invite,j'aurais sans doute une révélation.J'aspire au vide.

J'ai bien commencé depuis un an.Mais il n'est pas total.Quelques bibelots qui font la joie de mes chats et encore de la vaisselle en quantité peu raisonable.Je garderai le gros boudha en bois exotique.Voir le petit ;celui qui le retournant laisse aparaître une position érotique du kama-sutra.

J'ai lu Genet en relirai sûrement.J'ai retrouvé dernièrement un début de journal ou plutôt une histoire inachevée datant de 2007.  Enième dispute avec mon ami qui officialisa sa rupture et me poussa à l'écriture.Une question de culpabilité mal acceptée ou reprochée?Ce n'était pas spécialement le sujet de ma tentative.

Faire le point?

Tuer le temps?

Être ailleurs plutôt que là?

Fuite?

Règler des comptes?

Toutes ces raisons sont possibles

Je le relirais?le publierais?Pour le moment je suis indécis.

Mes excés ne font bons ménages avec la cohérence.J'y travaille

Portrait de Rimbaud

S'interroger sur les raisons d'écrire ne sert à rien et détourne de l'écriture. ;)

Portrait de Sealiah

Je prends des décisions.

Je suis allé au cinéma.

Ce soir la séance était parfaite.Pas d'arrêt sur image.Pas de son parasite.Pas de coupure de réseau.Pas de visiteur nocturne.

Basquiat.

Portrait de ouhlala

ne se sniffe pas, fuit perpetuellement, et est la seule vérité.