« Les dernières années, Karl Lagerfeld ne supportait pas que je me fasse remplacer, j’étais sous son emprise », se souvient Sébastien Jondeau dans Match.
© DAMIEN MEYER / AFP
Jusqu'au bout, Karl Lagerfeld a travaillé, fidèle à sa réputation de « Kaiser » et à son éducation stricte : ne jamais se plaindre, rester debout, toujours avancer… Sébastien Jondeau, qui a accompagné pendant vingt ans le styliste allemand comme assistant et garde du corps, a accepté pour Paris Match de raconter son Karl intime et de revenir notamment sur ses derniers jours.
En février dernier, le couturier, miné par le cancer, est soigné à l'hôpital américain de Neuilly, mais croit encore à son étoile, comme le rapporte son homme de confiance, qui lui tiendra la main jusqu'au bout. Son boss souhaite notamment envoyer ses dernières instructions avant le défi Fendi, dont il assure la direction artistique depuis les années 1960. « J'ai dormi trois nuits dans la chambre à côté de la sienne. La veille, on a travaillé et appelé ses collaborateurs. Il avait du mal à parler. Karl était persuadé qu'il allait quitter l'hôpital. Il m'a demandé : "On ne devait pas sortir aujourd'hui ?" J'avais même organisé et négocié l'avion privé pour Rome, pour le défilé Fendi, qui avait lieu le surlendemain. Bien sûr, je savais que c'était la fin ; mais jusqu'à la dernière minute, j'ai cru à sa survie. À son immortalité. »
« Ah non ! Pas d'infirmière ! »
Jusqu'à la fin, personne n'a su vraiment de quoi souffrait Karl, à part deux médecins et son assistant, loyal à celui qui souhaitait garder le silence sur sa maladie. « Karl souffrait d'un cancer de la prostate, précise Sébastien Jondeau dans Match. Et non pas du pancréas, contrairement à ce que tout le monde a pu dire après. » Quand le styliste apprend sa maladie, en juin 2015, il a plus de 80 ans, le choc est rude. « On était à Saint-Tropez, poursuit le garde du corps. J'étais sur la plage avec un copain. Karl ne sortait pas l'après-midi, il travaillait chez lui. Il m'a envoyé un message urgent. Je l'ai rappelé dans la seconde : "J'ai un problème, je n'arrive pas à pisser." Il m'a avoué que cela faisait déjà quelque temps. J'ai immédiatement pris les choses au sérieux. Karl n'avait pas de médecin… »
L'assistant fait alors jouer ses réseaux, appelle une connaissance qui le met en contact avec des spécialistes. « Cinq minutes plus tard, j'étais en ligne avec deux des plus grands professeurs d'urologie de Paris. Ils ont immédiatement prescrit des analyses. Karl a protesté : "Ah non ! Pas d'infirmière !" Il était 20 heures. J'ai foncé à moto, déposé le prélèvement au centre médical de Gassin. Les résultats sont arrivés à 4 heures du matin. Karl ne dormait toujours pas. Moi non plus. Les taux étaient alarmants. On est rentrés à Paris. Jamais je ne l'avais vu si mal, si inquiet. »
On passait par de sales moments, et hop ! ça repartait. Karl l'éternel !
Seul dans la confidence, Sébastien Jondeau assiste son patron au mieux, gère les longs mois de la maladie à ses côtés. « Les dernières années, il ne supportait pas que je me fasse remplacer, j'étais sous son emprise, se souvient-il dans Match. Je n'en dormais plus la nuit. Sa maladie était un sujet de discussion quotidien. On se battait pour trouver des traitements. Parfois, les nouvelles étaient bonnes, d'autres fois, mauvaises. On passait par de sales moments, et hop ! ça repartait. Karl l'éternel ! »
Avant de mourir, le Kaiser lui avait promis qu'il lui laisserait de quoi vivre sans souci. « J'ai fait en sorte que tu n'aies plus besoin de travailler pour qui que ce soit », lui avait-il confié. Mais la réalité est plus complexe, comme le laisse entendre l'ancien assistant, dix mois après le décès du couturier. « On sait qu'il a laissé des choses, ou peut-être pas… on est dans le vague ». Et de poursuivre : « Beaucoup de problèmes juridiques ont été mal gérés de son vivant. Je les règle aujourd'hui. Ça me coûte sentimentalement, ça me coûte du temps, de l'argent. Quelques mois avant sa mort, certaines personnes qui s'occupaient de ses affaires m'ont fait des choses abominables. J'étais à deux doigts de me retrouver à la rue. »
Karl est parti sans un bruit, lui qui savait comme personne attirer la lumière et les médias. Pas de funérailles spectaculaires ni de cérémonies protocolaires. Après son incinération, dans la plus grande discrétion, ses restes ont été mêlés à ceux de sa mère et de son ancien compagnon Jacques de Bascher. Et seul Sébastien sait où reposent ses cendres…
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