Religions .... Interdit !

Publié par jl06 le 01.05.2019
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Tremblements » : les évangéliques en guerre contre l'homosexualité
Le film de Jayro Bustamante explore la vie de Pablo, marié et pratiquant, qui tombe amoureux de Francisco et que la famille entend raisonner.

À 40 ans, tout semble réussir à Pablo. Une femme dévouée et magnifique (hypnotisante Diane Bathen), deux enfants adorables, sans compter sa famille proche très présente, sa mère qui l'adore et son gentil père un peu effacé. Tous prient, chantent et communient ensemble chaque semaine à l'église évangélique. Oui, mais voilà : Pablo est tombé amoureux d'un homme libre et sauvage, Francisco. Et ses proches ultra-conservateurs qui considèrent l'homosexualité comme le pire des péchés veulent le remettre sur le droit chemin coûte que coûte. Un ami pasteur lui explique : « Dieu aime peut-être les pécheurs, mais il déteste le péché. » Pablo renouera-t-il avec sa stricte hétérosexualité et la religion ou optera-t-il pour cet amour passionnel ?

Le canevas du nouveau film du Jayro Bustamante, qui sort ce mercredi 1er mai en France, peut paraître un peu surréaliste dans notre pays, même si le mariage pour tous a ravivé il y a quelques années de vieilles querelles. Mais l'histoire prend son sens, car elle est ancrée dans la réalité crue du Guatemalaet d'une Amérique latine submergée par la vague évangélique (lire à ce propos notre reportage au Brésil). En outre, il ne s'agit pas pour Jayro Bustamante de raconter une histoire vraie, mais plutôt de jouer avec les forces antagonistes (sens du devoir, moralité, religion, liberté, attrait de l'interdit, etc.) qui peuvent assaillir et dérouter un être humain. D'où ce titre, « Tremblements », comme ces séismes qui secouent régulièrement le Guatemala, qui se trouve sur les failles Motagua et Chixoy-Polochic.

L'influence des évangéliques au Guatemala

 

L'affiche du film "Tremblements".

Jayro Bustamante, dont le précédent film Ixcanul avait remporté un Ours d'argent à la Berlinale en 2015, explique avoir été surpris par la manière dont son pays, le Guatemala, considérait les gays. « La plupart des hommes et des femmes avec qui j'ai discuté m'ont dit qu'ils avaient suivi un traitement, pas forcément tel que décrit dans le film, mais ils avaient été voir un psy, et le plus souvent ils avaient fait cela à la demande ou sous la pression de leur famille. Cette démarche n'était évidemment pas constructive : il n'était pas question de les aider à mieux se comprendre et s'accepter, il s'agissait de les remettre dans ce que la société considère comme le droit chemin, ils devaient ni plus ni moins être guéris de leur homosexualité. » Et le cinéaste d'ajouter : « Votre religion peut même figurer dans votre CV. Il est très difficile de vivre en dehors des préceptes religieux, de s'échapper du cadre admis par la majorité, de vivre selon ses propres règles et désirs. » L'œuvre dénonce ainsi les discriminations dont sont victimes les homosexuels au Guatemala, où un projet de loi interdisant le mariage gay avait été discuté en 2018.Sensible, le long-métrage est porté par une très belle photographie et trois comédiens protagonistes de talent : le très convaincant Juan Pablo Olyslager dans le rôle de Pablo, l'amant rebelle et attachant Mauricio Armas et une Diane Bathen à la beauté froide qui incarne une femme trompée à la fois dure, aimante et bornée. Nos yeux s'écarquillent durant ces scènes de thérapie de conversion presque loufoques tant elles sont cruelles quand elles montrent un « coaching de masculinité », de régime alimentaire idéal pour ne pas être gay, voire de castration chimique. Hallucinant ! 

Trailer de « Tremblements », de Jayro Bustamante, en salle mercredi 1er mai :

"Tremblements" montrent de terribles scènes de thérapie de conversion.

© François Sylvestre