Rencontre amoureuse caniculaire

Publié par nathan le 05.07.2010
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     Comme il faisait une chaleur de 33 degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert.

     Plus bas, le canal Saint-Martin, fermé par les deux écluses, étalait en ligne droite son eau couleur d’encre. Il y avait au milieu un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques.

     Au delà du canal, entre les maisons que séparent des chantiers, le grand ciel pur se découpait en plaques d’outremer, et sous la réverbération du soleil, les façades blanches, les toits d’ardoises, les quais de granit éblouissaient. Une rumeur confuse montait au loin dans l’atmosphère tiède ; et tout semblait engourdi par le désœuvrement du dimanche et la tristesse des jours d’été.
      Deux hommes parurent.
      L’un venait de la Bastille, l’autre du Jardin des Plantes. Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une casquette à visière pointue.
      Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent, à la même minute, sur le même banc.
      Pour s’essuyer le front, ils retirèrent leurs coiffures, que chacun posa près de soi ; et le petit homme aperçut, écrit dans le chapeau de son voisin : Bouvard ; pendant que celui-ci distinguait aisément dans la casquette du particulier en redingote le mot : Pécuchet.
      — Tiens, dit-il, nous avons eu la même idée, celle d’inscrire notre nom dans nos couvre-chefs.
      — Mon Dieu, oui, on pourrait prendre le mien à mon bureau !
      — C’est comme moi, je suis employé.
      Alors ils se considérèrent.

                                                                                    Flaubert, Bouvard et Pécuchet.

Etude génétique de ce début de Roman :

Anne Herschberg Pierrot, «Étude génétique de l’incipit de Bouvard et Pécuchet»,

Disponible sur: http://www.item.ens.fr/index.php?id=13612

[ITEM : Institut des textes et manuscrits modernes - CNRS/Ecole Normale Supérieure]

Commentaires

Portrait de Valala

Je ne retiendrai que Flaubert... ;-)

excellent !

Portrait de nathan

C'est moi !" Clin d'oeil

Bah non. C'est ce que déclarait Flaubert qui anticipait ainsi la question des genres.

Flaubert était transpédégouine avant l'heure  Sourire.

Cela dit, je regarde une rétro sur Mauriac sur la Chaîne Toute l'Histoire et celui-ci déclare : "Thérèse Desqueyroux, c'est moi !'

On est envahis !