Tous au ciné !

Publié par jl06 le 01.07.2020
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Le colocataire" du cinéaste argentin Marco Berger : un amour gay impossible dans le Buenos-Aires ouvrier

Sixième long-métrage du cinéaste argentin Marco Berger, "Le colocataire" relate un amour impossible et tout en retenue entre deux garçons.  

 

Juan (Alfonso Barón) et Gabriel (Gaston Re) colocataires et amants dans \"Le colocataire\" de Marco Berger.

 

Juan (Alfonso Barón) et Gabriel (Gaston Re) colocataires et amants dans "Le colocataire" de Marco Berger. (Salzgeber & Co. Medien)

Alors que la Gay Pride de Paris aurait dû se tenir samedi dernier, sort ce mercredi 1er juillet au cinéma le nouveau film de Marco Berger, figure bien connue cinéma référencé "LGBTQ". Un long-métrage qui rappelle la difficulté de vivre son homosexualité dans certains milieux argentins même si le pays a adopté le mariage homo il y a tout juste dix ans.

Un huis-clos propice au désir 

En voyant et l’affiche et le pitch, il y avait de quoi craindre le film guimauve, le genre de bleuette erotico-gay narrant une énième histoire d’amour impossible entre deux beaux gosses en pleine épiphanie. Il faut dire que le cinéma étiqueté "LGBTQ" nous a abreuvé de ce genre de propositions. Il y a un peu de ça dans Le Colocataire, on ne va pas le cacher. Mais ce sixième film de l’argentin Marco Berger, une figure de ce genre depuis Plan B en 2010, est plus fin qu'il n'y parait, et se démarque quelque peu. On n'est même pas loin de dire que c’est réussi.

 

 

Le pitch donc : Gabriel emménage avec Juan, son collègue de boulot, et de cette promiscuité nait une attraction mutuelle, source d’une prochaine passion entre les deux éphèbes (on n'est pas chez Guiraudie question diversité physique)… Rien de renversant côté scénario : on attend montre en main l’élément perturbateur venant casser l’élan charnel. Pourtant, et c’est là que le film nous rattrape, celui-ci ne vient pas avec ses gros sabots. On est dans la banlieue de Buenos Aires, milieu ouvrier, machiste, dès le début du film le décor est planté. Dans cette ambiance hétéronormée, la tolérance n’est pas le point fort. Mais l’intrigue ne se développe pas autour d'actes d'homophobes primaires entravant l’idylle des deux amants. L’entrave est celle d’un milieu, elle est plus sourde. 

Construit en plans fixes la majeure partie du temps, dans un huis-clos sépia, le film est lent, sans action ni rebondissements scénaristiques boursouflés. Pas très original mais on évite le pire. Car en assumant son pitch un peu attendu, Marco Berger fait le choix de se concentrer sur l'intériorité des sentiments des deux hommes, et sur leurs non-dits. 

 

Le colocataire, sixième long-métrage de l\'argentin Marco Berger, relate à nouveau l\'histoire d\'un amour impossible entre deux hommes. Le colocataire, sixième long-métrage de l'argentin Marco Berger, relate à nouveau l'histoire d'un amour impossible entre deux hommes. (Optimale Distribution)

 

Émotion retenue

Marco Berger filme les formes, les fesses, les muscles, le désir charnel en somme. Il en fait beaucoup mais sait y faire. Sa caméra sensualise les corps, celui du beau brun surtout, amoureusement regardé à travers les yeux du coloc timide, qui suit ses déambulations nu dans cet appartement que l’on ne quittera presque jamais. L’image est belle, la tension sexuelle est là. Pour qui aime les beaux garçons, un peu moins pour qui aime le bon cinéma. Il n’y a pas ici la fièvre et la passion d’un Téchiné, il n’y a pas non plus la grâce d’un Rohmer. Le Colocataire s’apparente plutôt à un exercice de style appliquant les codes d’un genre, réussi mais vite absorbé, comme un sucre rapide. 

Sauf un plan à vrai dire : celui, de dos, du garçon taiseux dans la pénombre encaissant la tristesse, celle qui déchire le coeur, laissant échapper une larme unique dans une performance de grand acteur. Un film de pudeur et de retenue donc, de sang-froid aussi. Cette froideur qui tranche avec la chaleur des corps.