Le labyrinthe des passions

Bonjour à tous,

J'aimerais me confier sur quelque chose dont j'ai honte en tant que femme séro- qui fréquente un homme séro+... Je me déteste même parfois de penser à de telles choses, étant donné l'information objective que je possède et l'usage de ma raison...

Voilà : j'ai souvent des flash d'embrasser la mort lorsque j'embrasse mon nouveau petit ami... C'est bête, idiot, complètement stérile, inutile, iraisonné, je sais. Et je fais sûrement de la peine aux séro+ qui me lisent en ce moment. J'en suis profondément et sincèrement désolée. Vous comprendrez que ce n'est pas mon intention.

Mon ami à une CV très très basse, a été marié 8 ans à une séro- qui n'a jamais été infectée. Ça ne m'empêche pas de ressentir ce malaise lorsque nous sommes un peu intimes. Je dis un peu intimes, car nous n'avons pas encore fait l'amour avec pénétration. J'en ai envie, mais une petite peur stupide me saisit le coeur quand j'y pense. Faire l'amour avec la mort. *soupir

D'autres séro- ont-ils vécu cette peur, cette honte d'avoir peur malgré les chiffres rassurants de la science? Auriez-vous des trucs à me donner? Je tiens à mon ami.

Dolano 

Commentaires

Portrait de WhiteAngel

En couple 2 ans avec un séropo, je suis une femme hétéro séro-négative.

Nous avons appris sa contamination ensemble, il ne se savait pas atteint de HIV. Par grande chance, je fus épargnée par le virus après plusieurs mois de relations non protégées.

Nous avons affronté ensemble cette annonce et sa mise sous tri. Nous avons essuyé ensemble les effets secondaires du début du traitement.

Cette impression de cotoyer la mort, oui, je l'ai eue aussi, mais brièvement, passagèrement, le temps de bien comprendre les modes de transmission du virus, grâce à la lecture de sites spécialisés sur le HIV, mais surtout grâce au service infectiologie..

Ensuite, préservatif oblige, cette idée ne m'a plus jamais traversée l'esprit....j'aimais mon séropo, ca me suffisait....L'homme de ma vie ne m'inspirait aucune peur, ni crainte...

Je crois que si les choses sont bien claires dans ta tête, si tu comprends et admets que préservatif = non contamination, tu pourras vivre harmonieusement ta sexualité...Le HIV n'est pas une maladie de "sous le toit". Et elle ne se transmet pas aussi facilement que ca.

De plus, s'il est sous traitement et en CV indétectable, il est peu ou pas contaminant (grand débat actuel).

Mais bon, je ne sais pas comment lui aborde ce sujet....

Ma relation avec cet homme séropo est terminée, mais pour d'autres raison que son HIV..

Si je peux t'aider, n'hésite pas à me contacter.Sourire

Bien à toi.

Portrait de sauveniere

Sont des sentiments extrêmement sensibles, alimentés par tant de facteurs. Ces sentiments sont d'ailleurs  inutiles dans bien des cas, ils fabriquent des images qui n'ont souvent rien à voir avec la réalité. 

Les sentiments dépassent bien souvent la simple raison, et je comprends assez bien quel peut être ce malaise dans l'ambiguité.

-Lorsque j'étais encore séronégatif, avant 1996, j'ai régulièrement éprouvé ce sentiment d'associer séropositivité et mort, avec une grande crainte à la clé, avec cette sorte d'inexplicable que lorsque j'embrassais un ami séropositif mon esprit tombait dans une  peur imagée de morbidité. La honte ne faisait nullement partie du tableau, des sentiments de frayeur surgissaient avec un cortège d'images associées à la mort proche ou lointaine...

Les informations relatives au hiv ne m'étaient pas spécialement connues ; mon cours de pathologie infectieuse en parlait d'ailleurs très peu ; l'association "hiv-mort" venait de différentes autres sources.

-Même avec les données actuelles, les progrès dans les connaissances, je peux tout à fait comprendre que ce sentiment semblant relever d'une autre époque puisse habiter certaines de tes pensées. Les peurs irraisonnées s'enracinent aux sources profondes de tout ce qui a été dit, écrit, pensé. L'amitié, l'empathie, l'amour peuvent très certainement transformer les inexactitudes.

Je mentirais en écrivant que mon regard est toujours lumineux face à ma séropositivité, mes propres peurs n'ont pas été marquées suffisamment par la paix qu'auraient dû m'apporter ces longues années où finalement tout s'est toujours très bien passé.

Le regard lucide et pacifié se donne sans effort à certains, ce même regard lucide et raisonné tarde à naître pour d'autres. 

Portrait de hilou

Dolano, ta réaction est tout à fait normale. A titre personnel, ce que tu écris ne me blesse pas. Il est tout à fait "logique" que tu penses à ça, car l'association du vih à la mort est gravé dans l'inconscient collectif, et on sait que sans traitement cette association est effective.

Tu as besoi nd 'être rassurée, et de temps pour voir que les choses continuent à se passer normalement. En tout cas ne bats pas ta coulpe, ta réaction est tout à fait normale; et je trouve déjà que tu es vraiment très "vertueuse" pour accepter cette situation. Donc je te dis sincèrement bravo.

Portrait de into the wild

sujet vaste et intensément personnel qui en rejoint un autre: la peur de transmettre "la mort"

merci pour ces temoignages (sujet et  reactions)

Portrait de jean-rene

Le témoignage de Dolano est tout à fait intéressant pour nous séropos, car il montre à quel point l'image de la mort reste accolée au VIH dans l'inconscient collectif des séronegs et explique cette répulsion dont nous sommes souvent victimes.

Je voudrais apporter un témoignage inverse.
J'ai rencontré un homme l'année dernière avec lequel j'ai eu une  relation sexuelle où je l'avais protégé. Le lendemain, je l'ai informé de ma séropositivité. Et bien il a quand même tenu à poursuivre nos relations sexuelles, en prenant bien sûr les précautions qui s'imposent.
Or il est atteint de la maladie de Parkinson et parle souvent de sa mort prochaine.
Je pense que le fait que l 'idée de la mort lui soit malheureusement familière, lui a permis de ne pas me rejeter.

Portrait de leminus

il y"a 13 ans comme je suis avec une fille.mais seulement ca fait 2ans comme je suis sero+ ma vie en couple est sur de le point de voler en eclat tout simplement parcequ elle a eu la chance de ne pas etre cotamine.
Portrait de Superpoussin

Il est parfaitement normal hélas de continuer à associer VIH et mort car nos phobies ou absences de phobies sont moins le fruit d'une démarche rationnelle que celui d'un conditionnement échappant parfois à toutes logiques.

Or si en matière de VIH on sait que désormais pour bien des séropositifs le risque de transmission est si faible qu'on peut le considérer comme négligeable ce n'est pas cette information qui est servie au grand publique.

Aujourd'hui encore des associations continuent de marteler que seule la capote protège efficacement du risque de transmission. C'est cette propagande que nous entendons, pas le discours scientifique qui a fortement évolué sur la question. Avec cette propagande l'acte sexuel demeure placé sous l'épée de Damoclès d'une capote qui pourrait claquer, d'un accident qui pourrait transmettre ce virus mortel.

 L'acte sexuel est donc normalement vu comme un flirt avec sa propre mort.

Aujourd'hui encore des associations communiquent sur la mort inéluctable qui attend la personne atteinte de sida, exactement comme si nous étions encore dans les années 80. Ainsi la personne séropositive demeure vue avec sa mortalité comme un des éléments lui étant le plus caractéristique. La personne séropositive symbolise alors la mort à double titre, la sienne et celle qu'elle pourrait donner.

Tous les progrés de la médecine ne changeront rien à cela tant que ceux-ci ne seront pas médiatisés par les associations dont c'est le devoir mais pas l'intérêt de le faire.

Portrait de joeydebxl

Je suis, personnellement, parfaitement en "fusion" avec sauveniere !
De plus, pour traduire un peu, je pense que "mort et VIH" = "vue de l'ancien temps", à savoir, que au par avant, combien de personnes en sont mortes ? De nombreuses et c'était vu, revu et encore revu...
Voilà, bonne après-midi!

Portrait de Dolano


Wow, merci à tous pour vos merveilleux commentaires et pistes de réflexions.
 
J'ai été tenue loin d'un ordinateur pendant quelques jours et c'est seulement maintenant que je vous lis. Merci de votre temps.
 
Comme dans n'importe quelle relation, j'ai fini par être moins gênée avec l'homme que je vois. Et je ne sais pas s'il y a un lien à faire, mais mes craintes et mes flashs de mort ont disparu. Nous avons même fait l'amour avec pénétration et ça s'est super bien déroulé.
 
Au final, je vois à présent ma relation avec un séro+ comme n'importe quelle autre, au sens que j'ai toujours utilisé le condom dans mes relations sexuelles (sauf avec un copain il y a 10 ans, après des tests pour chacun). Bon, c'est juste de dire qu'il faudra faire encore plus attention, par exemple lors de menstruations ou de petites coupures.
 
Je suis très heureuse de ce qui se passe dans ma vie en ce moment. Et Seronet y est pour beaucoup aussi. Merci au site, merci à vous!
 
Dolano