«On a changé de paradigme, le militantisme a changé.» Formule un peu classique. Reste qu’il s’est passé quelque chose dans le monde des associations de malades. Aurélien Beaucamp a été élu, ce week-end, président d’Aides, la plus importante association de lutte contre le sida en Europe. Et d’un coup, la lutte contre le sida prend un coup de vieux, bien au-delà d’un simple changement de générération. 

C’est peut-être une autre histoire et une autre forme de militantisme qui commencent. Aurélien Beaucamp a 32 ans. Il est né le 20 mai 1983, le jour même de la parution d’un article de l’équipe de l’Institut Pasteur révélant la découverte d’un rétrovirus à l’origine du sida. Beaucamp est un militant récent, au parcours lisse. Diplômé de Sciences-Po, consultant en recrutement, il le dit lui-même,  il est «homosexuel et séronégatif». Et à Aides depuis à peine cinq ans.

Fini donc le temps des pionniers avec Daniel Defert qui avait créé l’association en 1984 : il avait transformé la mort de son compagnon, Michel Foucault, en combat. Puis il y eut Arnaud Marty-Lavauzelle, flamboyant président pendant les années de plomb, mort du sida ; Christian Saout, magistrat ; et enfin Bruno Spire, séropositif, chercheur en sciences sociales. Lui aussi représentait la toute première génération. Durant ses huit années de présidence, Bruno Spire a voulu imposer Aides dans le monde de la recherche communautaire.

«ON EST SÉROCONCERNÉS»

Arrive donc, aujourd’hui, un jeune gay, dont les premiers contacts avec Aides se sont faits par le biais d’un cabinet de recrutement. «Nous sommes tous résolument engagés autour du même objectif, a-t-il affirmé après son élection. Mettre fin aux épidémies de sida et d’hépatites C. Nous allons continuer le combat et faire en sorte d’être fiers et heureux de militer ensemble dans notre très belle association.»

Certes… Aides est une grosse machine, 800 volontaires, 400 salariés, et 180 000 donateurs, avec un budget de plus de 40 millions d’euros. Mais c’est aussi une parole publique forte à un moment où le tissu associatif des usagers de la santé n’est pas très en forme. Aurélien Beaucamp est inconnu, avec un autre parcours. Le sida ? Il l’a d’abord vu à la télé. Ses premiers souvenirs sont autour du sidaction. «Très vite, raconte-t-il, j’ai pris des responsabilités à Aides, où je me suis occupé de l’association en Ile-de-France.» Et depuis deux ans, il fait partie du conseil d’administration.

«On est dans un changement de paradigme, avec une complexification des enjeux financiers par rapport aux politiques publiques», nous dit-il avant d’ajouter : «Mais surtout, nos militants comme nos actions ont beaucoup changé, avec le développement des tests rapides, mais aussi l’arrivée du traitement comme prévention. Il y a un gros enjeu autour des mobilisations à venir.» Le nouveau président d’Aides parle des autotests, des malades étrangers, mais aussi de tout ce qui va se jouer sur Internet. «Aujourd’hui, on est dans une communauté qui s’investit, on n’est ni séropo, ni séronég, on est séroconcernés, et c’est la notion de "care" qui me paraît essentielle».

Aurélien Beaucamp entend maintenir une forte priorité sur l’international, comme sur le droit des malades étrangers. «Je ne suis pas issu du monde la santé. C’est un autre lien collectif qui nous unit. Je garde mon métier, dans le conseil en recrutement, nous explique-t-il, et j’entends avoir une présidence très collégiale.» Un professionnel, en somme.

Photo Aides


                                   PAM