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Des chercheurs viennent de montrer que certains anticorps très performants, les bNAb, peuvent reconnaître les cellules infectées par le virus du sida (VIH) et entraîner leur destruction par le système immunitaire. Cette découverte permet de mieux comprendre le mécanisme d’action de ces anticorps particuliers qui sont en cours d’essai clinique.

Chez certains patients infectés, des anticorps particuliers ont été identifiés pour leur capacité à bloquer la réplication de très nombreuses souches de VIH-1. Ces anticorps dits « neutralisants à large spectre », ou bNAb, agissent de façon complémentaire, comme l'ont démontré les chercheurs de l’équipe d’Olivier Schwartz de l’unité « Virus et immunité » (Institut Pasteur/CNRS), cofinancée par le Vaccine Research Institute (VRI) et le groupe « Réponse humorale aux pathogènes » (Institut Pasteur/CNRS), dirigé par Hugo Mouquet, en collaboration avec l’équipe d’Olivier Lambotte, Hôpital Bicêtre. Les résultats ont été publiés le 3 mars 2016 dans Nature communications.

Les bNAb sont prometteurs pour l'immunothérapie

Tout d’abord, les bNAb neutralisent la propagation du virus, et notamment son passage de cellule à cellule. Mais ils sont également capables, pour les plus efficaces d’entre eux, de reconnaître directement celles qui sont infectées et d’entraîner leur destruction par les Natural Killer (NK), cellules du système immunitaire chargées d’éliminer celles qui sont anormales. Pour cela, les bNAb peuvent reconnaître différentes parties de l’enveloppe virale exposées à la surface des cellules humaines.

Les scientifiques ont observé que l’exposition de ces différentes parties de l’enveloppe est très variable à la surface des cellules infectées, et dépend de la souche de VIH, modulant donc la réponse des cellules immunitaires. Ils ont observé que la combinaison de différents bNAb permet d’augmenter leur efficacité pour recruter des cellules NK.

Enfin, les chercheurs ont montré que les cellules provenant du réservoir viral de patients sont également reconnues par les bNAb, à des niveaux généralement suffisants pour entraîner leur élimination.

« Ce travail représente une étape importante dans la compréhension du mécanisme d’action des anticorps neutralisants à large spectre. Il définit les paramètres contrôlant les capacités de ces anticorps à recruter des cellules immunitaires et conforte l’idée qu’ils pourraient réduire le réservoir chez les patients infectés par le VIH », explique Olivier Schwartz.

La caractérisation de ces anticorps bNAb est importante pour différentes raisons. La façon dont ils reconnaissent l’enveloppe virale donne en effet des informations précieuses pour la conception de candidats vaccins. De plus, il a déjà été démontré qu’ils peuvent être utilisés chez l’Homme. Les plus efficaces sont actuellement en cours d’essai clinique aux États-Unis pour leur faculté à abaisser significativement la charge virale pendant 28 jours. Ces immunothérapies représentent donc de nouvelles stratégies thérapeutiques ou préventives prometteuses.

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En quoi consiste votre découverte?  

L'étude porte sur des anticorps humains, et non artificiels, contre le VIH. Ces anticorps particuliers, isolés chez des sujets infectés, sont puissants. Ils ont la capacité de se fixer au virus et d'empêcher l'infection. Mais pas seulement. Ils sont également capables de détruire les cellules infectées. C'est là que se situe notre découverte.  

En quoi est-ce déterminant?  

C'est un nouveau paramètre dans la lutte contre l'infection. Cela ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques en injectant directement ces anticorps ou en développant un vaccin. Ces anticorps atypiques n'apparaissent qu'au bout de quelques années, quatre à cinq ans. Ils se développent en réaction à la mutation du virus. En clair: l'anticorps va reconnaître le virus, qui va muter et s'échapper, comme l'anticorps qui va alors rattraper le virus, et ainsi de suite... C'est comme une course pendant laquelle le VIH a toujours un peu d'avance. Si l'on injectait ces anticorps dès le début de l'infection à un patient, le virus n'aurait pas la possibilité de muter aussi rapidement.  

Qui sont les patients qui développent ce type d'anticorps?  

Ils sont rares. Ils représentent seulement 1% des personnes infectées par le VIH. Pourquoi certains patients et pas d'autres? Les facteurs majeurs pour l'expliquer sont la prédisposition génétique et la variante du virus à laquelle on a à faire. Il reste une partie non expliquée que l'on ne comprend pas encore vraiment. Le système immunitaire varie d'un individu à l'autre.  

Est-ce que ce nouveau traitement pourrait se substituer à une trithérapie?  

Non, je ne pense pas. Ce sera plutôt complémentaire. La trithérapie est composée de trois molécules qui agissent à trois moments de la vie du virus. On peut imaginer que notre découverte devienne une quatrième composante de cette thérapie. En revanche, pour les patients qui présentent une résistance au traitement ou qui souffrent d'effets secondaires importants, cela pourrait être une solution alternative. Car une seule injection peut diminuer le taux de virus dans le sang pendant un mois et donc soulager ces individus.  

Est-il pour autant question de guérison?  

Non, aucun traitement ne le permet d'ailleurs. Le problème, c'est que le VIH se cache dans les cellules, et y reste en "dormant". Même sans trace dans le sang, il suffit par exemple d'un arrêt du traitement pour qu'il se réveille et se multiplie dans l'organisme. C'est ce que l'on appelle le "réservoir viral" qui se met en place très vite, quelques heures seulement après l'infection.

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/sida-decouverte-de-super-...