Un compagnon de longue date

Mots clés  : rémission fonctionnelle

Santé : deuxième cas mondial de rémission d'un patient atteint du VIH

C'est la deuxième fois qu'un patient souffrant du VIH est « probablement guéri », grâce à des cellules souches d'un donneur ayant une mutation génétique rare.

Source AFP - Publié le 05/03/2019 à 07:38 | Le Point.fr

Une deuxième personne a connu une rémission durable du VIH-1, le virus à l'origine du sida, après avoir interrompu son traitement, et est probablement guérie, doivent annoncer des chercheurs lors d'une conférence médicale mardi. Dix ans après le premier cas confirmé d'un patient souffrant du VIH s'étant remis de cette maladie mortelle, un deuxième cas, connu comme « le patient de Londres », n'a pas montré de signe montrant qu'il est atteint par le virus depuis près de dix-neuf mois, ont rapporté les chercheurs dans le journal Nature.

Les deux patients ont subi des transplantations de moelle osseuse pour traiter des cancers du sang en recevant des cellules souches de donneurs ayant une mutation génétique rare qui empêche le VIH de s'installer.

« En parvenant à une rémission sur un deuxième patient tout en utilisant une approche similaire, nous avons montré que le patient de Berlin n'a pas été une anomalie », s'est félicité le principal chercheur, Ravindra Gupta, professeur à l'université de Cambridge, en faisant référence au premier cas mondial de rémission chez un malade atteint du VIH.

Des millions de personnes infectées par le VIH à travers le monde contrôlent cette maladie à l'aide d'une thérapie antirétrovirale (ARV), mais ce traitement ne débarrasse pas les patients du virus.

« En ce moment, la seule façon pour traiter le VIH est par l'administration de médicaments qui contiennent le virus et que les gens doivent prendre toute leur vie », a dit Ravindra Gupta. « Cela représente un défi particulier dans les pays en voie de développement », où des millions de personnes n'ont pas accès à un traitement adéquat, a-t-il ajouté.

Près de 37 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, mais seules 59 % d'entre elles bénéficient d'ARV. Près d'un million de personnes meurent chaque année d'affections liées au VIH. Une nouvelle forme de VIH résistante aux médicaments représente une préoccupation grandissante.

Ravindra Gupta et son équipe soulignent que la transplantation de moelle osseuse - une procédure dangereuse et douloureuse - n'est pas une option viable pour le traitement du VIH. Mais ce deuxième cas de rémission et probable guérison à la suite d'une telle transplantation va aider les scientifiques à réduire le nombre de stratégies de traitement. Le « patient de Londres » ainsi que le « patient de Berlin » ont subi des transplantations de cellules souches de donneurs ayant une mutation génétique qui rend inopérant un récepteur du VIH connu comme CCR5.

« Trouver un moyen d'éliminer complètement le virus est une priorité urgente globale, mais c'est particulièrement difficile car le virus pénètre des cellules blanches du sang de l'hôte », a expliqué Ravindra Gupta. L'étude se penche sur ce patient anonyme, en Grande-Bretagne, qui a été diagnostiqué comme atteint du VIH en 2003 et qui a suivi une thérapie antirétrovirale depuis 2012. Plus tard la même année, il a été diagnostiqué comme atteint d'une forme avancée de la maladie de Hodgkin, un cancer du système lymphatique.

Il a subi en 2016 une transplantation à base de cellules souches hématopoïétiques d'un donneur porteur d'une mutation du gène du CCR5 qui n'est présente que chez 1 % de la population mondiale. Le VIH-1 utilise la plupart du temps le CCR5 comme récepteur. La mutation du gène du CCR5 en question empêche le virus de pénétrer dans les cellules hôtes, ce qui rend les porteurs de cette mutation résistants au virus du sida.

De la même façon que pour le cancer, la chimiothérapie peut être efficace contre le VIH puisqu'elle tue les cellules qui se divisent. Mais c'est le remplacement des cellules immunes par celles qui n'ont pas le récepteur CCR5 qui apparaît être clé pour prévenir la réapparition du VIH après le traitement. Après le transplant de moelle osseuse, le « patient de Londres » a suivi l'ARV pendant seize mois, puis le traitement a été interrompu.

Des tests réguliers ont confirmé que la charge virale du patient était indétectable depuis. Le « patient de Berlin » - soigné pour une leucémie - avait subi deux transplantations ainsi qu'une irradiation sur l'ensemble du corps. En revanche, le « patient de Londres » a reçu une seule transplantation et une chimiothérapie moins agressive.

L'équipe de chercheurs présente ses résultats lors de la Conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) à Seattle, Washington. « Le deuxième cas renforce l'idée qu'une guérison est possible », a déclaré à l'Agence France-Presse Sharon R Lewin, directrice de l'Institut Doherty et professeure à l'université de Melbourne. « Une transplantation de moelle osseuse n'est pas viable pour guérir. Mais on peut essayer de déterminer quelle part de la transplantation a fait la différence pour permettre à cet homme de cesser de prendre ses médicaments antiviraux. »

Commentaires

Portrait de jl06

Sida : « La rémission de ces patients ne peut être considérée comme une avancée dans la recherche d'un traitement universel »

20 Minutes a interrogé Nadine Atoui, praticienne hospitalière dans le service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Montpellier. Elle note les avancées de la recherche contre le Sida, mais aussi les nombreux progrès qu’il reste à accomplir.

Propos recueillis par Jean-Loup Delmas

Pour la deuxième fois de l’Histoire, une personne est en rémission du Sida, c’est-à-dire qu’après avoir été infectée, elle n’a aujourd’hui plus besoin de traitement pour survivre ou risquer de voir la maladie réapparaître. Un cas similaire au patient de Berlin, en 2012, premier homme à avoir été considéré en rémission du Sida après une chimiothérapie et aplasie, entraînant une greffe d’une moelle osseuse d’un donneur résistant au virus.

Ce second cas a été salué partout comme un signe d’espoir, mais est-ce vraiment une avancée tangible dans la lutte contre le VIH ? 20 Minutes a interrogé Nadine Atoui, praticienne hospitalière dans le service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Montpellier depuis 1991.

Peut-on espérer qu’un jour on traitera le Sida aussi facilement que la grippe ?
On en est très loin ! Actuellement, les traitements ne permettent pas aux gens de guérir. Ils stoppent seulement la progression du virus mais ne le tuent pas. Il faut comprendre que si on arrête le traitement d’un malade porteur du VIH, le virus repart. Et il repart très vite : en moins de trois semaines, la charge virale est à nouveau détectable.

Mais les progrès sont là. Une personne atteinte du VIH prise en charge suffisamment tôt peut désormais avoir une vie à peu près normale. D’ailleurs, l’espérance de vie d’une personne traitée à temps se rapproche désormais de celle d’une personne n’ayant pas le virus. Simplement, plus la personne vieillie, plus il faut surveiller les causes possibles de comorbidité, c’est-à-dire des maladies autres que le VIH mais qui pourraient profiter d’un système immunitaire affaibli. Autrement, le Sida ressemble à une maladie chronique, avec un traitement encore lourd.

Pourtant, on estime que le Sida est responsable d’encore un million de morts dans le monde chaque année. Comment expliquer un tel chiffre ?
Le virus tue principalement dans des pays n’ayant pas assez aux soins ou aux dépistages. Il tue également lorsqu’on le découvre trop tard, et qu’il a tellement attaqué le système immunitaire que cela n’est plus compensable par les traitements dont nous disposons pour le moment.

C’est pour cela qu’on insiste sur l’importance du dépistage, surtout chez les populations à risque, afin de traiter le virus au plus tôt. Le délai est très important. Si on a fait d’énormes avancées, on ne sait toujours pas réparer un système immunitaire que le virus aurait trop atteint. La recherche continue et avance, mais un dépistage plus important et fréquent permettrait de grandement diminuer l’impact de la maladie.

Avoir une deuxième personne en rémission est-elle un signe d’espoir, malgré tout ?
Dans le cas du patient de Berlin (premier patient en rémission en 2012), il s’agit d’un cas très spécifique où le patient souffrait d’une leucémie en plus de son infection au VIH. Il a reçu une greffe de cellules de moelle osseuse issues d’un donneur qui a une résistance naturelle à l’infection VIH (0,3 % de la population mondiale) après avoir subi une chimiothérapie et une aplasie. C’est un cas bien sûr très intéressant et qui peut nous enseigner énormément de choses mais on ne peut pas considérer cela comme une avancée dans la recherche d’un traitement universel pour le Sida. Ce n’est nullement une stratégie applicable à grande échelle, il faut considérer cela comme des exceptions extrêmement spécifiques et non comme une solution qu’on pourrait produire en série, vu la lourdeur du traitement. Et le caractère exceptionnel de cette situation.

Quels sont de faits les objectifs atteignables aujourd’hui ?
Aujourd’hui, l’objectif atteignable, c’est une réduction des traitements. On tend vers un allégement thérapeutique, où on passerait sur des médicaments moins lourds et toxiques. On essaie de plus en plus de passage de la trithérapie à la bithérapie, ou des traitements séquentiels, c’est-à-dire n’ayant pas lieu tous les jours, afin d’alléger la prise en charge sans perdre en efficacité bien sûr.

Il y a également les recherches de vaccin, mais on ne peut évidemment pas prédire quand on en trouvera un, si on y parvient. On se penche beaucoup sur les cellules « dormantes », des cellules infectées par le VIH, qui sont en latence et donc inatteignables par les trithérapies actuelles. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’on n’arrive jamais à éradiquer le virus pour le moment. Ces cellules inatteignables se réveillent ensuite et recontaminent l’organisme. L’une des pistes donc pour tuer définitivement le virus chez un patient serait de pouvoir atteindre et détruire également ces cellules dormantes, ce qu’on appelle purger les réservoirs.

Ce sont des pistes de réflexions pour des solutions applicables à grande échelle, ce qu’une fois encore, les traitements dans le cas de rémission ne semblent pas en mesure d’offrir.