Le labyrinthe des passions

Bonsoir,

Comme annoncé il y a quelques temps, dans un de mes billets de blog (http://www.seronet.info/billet_blog/deserteur-24007), je vous propose de poursuivre le débat initié dans le forum: http://www.seronet.info/billet_forum/moi-quand-je-serai-grande-je-ferai-la-pute-23566.

J'y avais écrit ce qui suit:

"Quel parent se réjouirait d'entendre sa fille ou son fils formuler un tel projet d'avenir?  

Est-ce "seulement" à cause de la putophobie ambiante? Ou parce que la pratique prostitutionnelle implique nécessairement un certain lot de souffrances et d'atteintes à la dignité humaine?

En bref, pour donner suite à mon commentaire http://www.seronet.info/billet_blog/salope-oui-tapin-et-gigolo-non-23543#comment-43047la prostitution peut et doit-elle être un métier? Qu'en pensez-vous?"

 

Bises.

 


JU 

Commentaires

Portrait de julian2

Je vais partir du dernier commentaire qui avait été posté sur le forum, à savoir le tien, Maya... 

 

"Peut être faudrait il que tu expliques cette souffrance pour que je puisse comprendre ce que tu veux dire. quels domaines de souffrance ?physique? morale? mentale?  conditions ?"

 

Dans mon cas, la prostitution a commencé à me faire souffrir physiquement dès ma première passe. Ca a été mon premier rapport sexuel aussi... J'avais 17 piges et le gros dégueulasse a profité de mon innocence et de mon inexpérience pour me faire des choses que je ne raconterai pas ici. J'ai été violenté plusieurs fois, par la suite, aussi, que ce soit par des clients, d'autres tapins ou des casseurs de PD.

 

"L'autre te paye pour un service qui est clairement défini entre vous d'entrée. 

l'autre choisit, pas toi mais rien ne t'oblige non plus, à tout accepter :

tu restes maitre du contrat. TU définis ce que tu veux bien donner. tout dépend aussi des conditions dans lesquelles tu exerces .."

 

Au début, le tapin, c'était génial: de l'argent à foison (je me suis fait jusqu'à 300€ du 1/4 d'heure), le sentiment d'avoir de la valeur, d'exister, d'être désiré, etc. L'indépendance financière, les voyages, la vie à l'hôtel, les sorties...

 

Mais un jour, certaines choses ont changé... J'ai commencé à moins bien travailler, à gagner moins d'argent (surtout en Espagne, contrepartie de la sécurité dont on jouit dans les bordels - passes moins bien rémunérées et clientèle qui se renouvelle peu), et j'ai dû commencer à accepter de faire des choses que je refusais auparavant, certaines pratiques, des rapports non protégés. En revanche, le prix de l'hôtel et des restos ne baissait pas... Et puis parfois, j'ai carrément dû accepter ce genre de pratiques, plus pour de l'argent, mais pour payer l'entrée dans un sauna ou une discothèque... ça fait bizarre de se faire enculer pour 12 euros!

 

C'est à ce moment là que la violence morale et psychologique de la prostitution s'est vraiment fait sentir, pour moi. Sans compter la solitude qui découle de l'errance, la marginalisation, la destruction de l'estime de soi... 

 


Portrait de julian2

"la ou ca peche c'est que dans nos sociétés le sexe ne doit pas etre "vendu"

car il est associé avec le sentiment or ce sont deux choses différentes qui peuvent aller ensemble mais peuvent aussi être deux voies bien distinctes. en général les hommes sont plus aptes à comprendre ce clivage possible que les femmes.

je n'ai jamais fait l'amour à ces types. j'ai eu de la sympathie pour certains, du mépris pour d'autres :tous les cas de figure. je les ai laissé utiliser mon sexe : ce n'est pas pareil.  c'est pourquoi je dis comprendre la prostitution c'est aussi s'affranchir de ces fondations mensongères sexe=amour ."

 

Et pour finir, ce qui est terrible, c'est qu'après 6 ans d'arrêt de la prostitution, j'en souffre encore. Physiquement, je vais mieux. Mais psychologiquement, je ne me suis toujours pas reconstruit. J'agis toujours plus ou moins comme si je n'étais qu'une merde, alors que je sais que je n'en suis au moins pas complètement une. Et le pire de tout, c'est que j'ai souvent le sentiment que le tapin m'a définitivement privé de la possibilité de prendre mon pied au pieu... Je suis capable de me faire niquer en lisant du PROUST ou de tailler une pipe tout en faisant du point de croix! La prostitution m'a tellement bien appris à dissocier le sexe des sentiments que je n'arrive plus à les associer. Le problème, c'est peut-être que j'ai commencé ma sexualité sur le trottoir: devenir aveugle n'empêche pas de savoir à quel point un coucher de soleil peut être beau; en revanche, pour celui qui n'a jamais vu ça...

 

La prostitution se rappelle à moi de plein d'autres façons, encore aujourd'hui, mais j'en parlerai plus tard peut-être: j'en ai assez dit pour ce soir...

 

Bonne nuit...

 

 

JU 

Portrait de jean-rene

Ton témoignage, Julian est passionnant.

En effet, on peut imaginer la prostitution de façon idéale.
Conçue pour répondre aux besoins sexuels des mâles, elle pourrait être vue comme un service public dont le bon fonctionnement permettrait une réduction de l'agressivité sociale résultant de leurs besoins sexuels insatisfaits.

Les prostitué(e)s seraient alors considéré(e)s comme des asistants médicaux et sociaux avec toute la considération qui s'attacherait à ce rôle. Ils officieraient dans des lieux publics dépendant du Ministère de la Santé dont ils seraient fonctionnaires, et qui seraient dotés de tous les services de protection, médicaux et psychologiques nécessaires. Ils seraient rémunérés de façon digne.
Mais tout cela ne les dispensera pas du drame final que tu a vécu:

"La prostitution m'a tellement bien appris à dissocier le sexe des sentiments que je n'arrive plus à les associer".

Car quel que soit le cadre protecteur dont on l'entoure LA PROTITUTION ABIME.
Comme abiment d'autres professions, au contact de produits dangereux pour la santé physique.
Là, il s'agit d'un travail dangereux pour la santé psychique.

Portrait de Eric232

Mais j'ai vu des témoignages de femmes à la télé qui le vivent très bien et qui sont très épanouies...
Portrait de jean-rene

J'ai vu aussi ces témoignages Eric.
Ils sont rassurants quelque part car de telles femmes pourraient servir à l'encadrement psychologique d'autres prostitué(e)s plus fragiles.
J'ai même vu un reportage sur une famille du Nevada (Etat des USA où la prostitution est légale) dans laquelle on est prostituée de mère en fille sans que cela empêche d'être mariée et d'avoir des enfants. Les maris prennent d'ailleurs cela très bien !
Portrait de zak

 salut julian2,

je crois que si la prostitution génére un rapport au corps et au sexe dénué de plaisir, elle n'est pas la seule. je pense a certains qui sont des sexaddicts et qui ne trouvent même plus de plaisir dans la relation à l'autre et qui sont dans une sur enchere permanente de stimulis pour espèrere trouver un plaisir.

mais je ne crois pas que tout soit perdu... je pense que le plaisir s'éduque et donc qu'il se rééduque... 

la question plus cruciale est le rapport a l'autre : comment accepter d'etre aimer quand on ne s'aime pas soi même. et ce travail de reconquete de l'estime de soi est un element clef de ta demarche ce dont tu sembles assez conscient. ce n'est pas toujours evident et surtout ca ne se decrete pas de réapprendre à s'aimer.

mais a te lireje crois au contraire que le lien entre amour/desir et plaisir est encore present. si un jour ce que je te souhaite tu rencontres qqun que tu aimes et qui t'aime les choses vont se passer différemment.

voila quand tu repasseras par ici ...

Portrait de jeanlouis

Je ne sais pas et entends simplement; je comprends et suis à l'écoute mais sans faire le niais de service....

Tu n'arrives plus à t'émouvoir quand tu sens un contact tactile tout doucement s'infiltrer et t'alanguir;

retrouver l'espace de ton corps et de celui qui est avec toi.....peut-être est cela se réapproprier dans ses affections et avec ses émotions;

simplement retrouver son corps et réapprendre toujours que le corps de l'autre est unique et que le toucher est un moment quue rien ne peut abimer même après la prostitution si tu retrouves les émotions qui vont avec les découvertes de ton corps au contact du corps de l'autre sans argent et contrepartie........ uniquement pour le moment qui vous appartient et que vous échangez........

bises

J louis

Portrait de basnylons

jean-rene wrote:

Ton témoignage, Julian est passionnant.

En effet, on peut imaginer la prostitution de façon idéale.
Conçue pour répondre aux besoins sexuels des mâles, elle pourrait être vue comme un service public dont le bon fonctionnement permettrait une réduction de l'agressivité sociale résultant de leurs besoins sexuels insatisfaits.

Les prostitué(e)s seraient alors considéré(e)s comme des asistants médicaux et sociaux avec toute la considération qui s'attacherait à ce rôle. Ils officieraient dans des lieux publics dépendant du Ministère de la Santé dont ils seraient fonctionnaires, et qui seraient dotés de tous les services de protection, médicaux et psychologiques nécessaires. Ils seraient rémunérés de façon digne.
Mais tout cela ne les dispensera pas du drame final que tu a vécu:

"La prostitution m'a tellement bien appris à dissocier le sexe des sentiments que je n'arrive plus à les associer".

Car quel que soit le cadre protecteur dont on l'entoure LA PROTITUTION ABIME.
Comme abiment d'autres professions, au contact de produits dangereux pour la santé physique.
Là, il s'agit d'un travail dangereux pour la santé psychique.

Ce qui abime c'est la prostitution ou le sexe pour le sexe ?

Pas sur qu'un mec qui se fait enculer gratos dans des backrooms ou qu'une nana qui suce gratos dans des soirées baises ne soient pas autant abimés...

D'ailleurs, on peut poser la question à l'envers : les gens qui font du "sexe compulsif" le centre de leur vie  (payant ou non) n'ont il pas au départ un problème mental ?

Les gens souffrants du trouble borerline ou bi polaire ont souvent une sexualité compulsive, addictive, par exemple.

Donc pour entre librement dans la prostitution et y rester, il faut surement au départ avoir une certain type de personnalité.

Ensuite, ce que tu appelles "abimer" n'est peut être que la révélation du trouble déjà existant car je ne vois en quoi etre payé pour baiser est plus destabilisant que de baiser avec n'importe qi sans etre payé (backroom et club échangistes ou nana qui enchainent les mecs meetic!) 

Portrait de basnylons

C'est évident que si on veut être pute à plein temps et être heureux, il vaut mieux être équilibré au départ, sinon on se laisse vite griser (argent facile, se sentir désiré...) et on finit par se perdre (ne plus trop savoir qui on est, ce qu'on veut....) dans le sex compulsif, à vivre dans un monde imaginaire om on se sent à la fois tout puissant et à la fois seul (car trouver l'amour en étant ouvertement pute me semble très dur à trouver)

Le soucis c'est que c'est justement les plus fragiles qui vont vers ce métier et que les gens équilibrés sentent que c'est pas un métier qui rend la vie simple.

Je pense qu'il faut distiguer les putes occasionnelles, les gens qui font ca de temps en temps, pour s'exciter (ca existe) ou pour gagner un peu plus quand il leur manque des sous pour acheter une nouvelle Rolex et ceux qui en font leur seul et unique façon de gagner des sous, qui organisent toutes leur vie autour de ca, qui en font un mode de vie.

Portrait de basnylons

Certains diront que la prostitution est diabolisée car les hommes veulent conserver les femmes sous leur controle et continuer à se les échanger (je fais une croix sur le cul de ma fille mais en échange tu me donnes tes filles) .

Une pute sort du controle de l'homme car elle a des sous et ne rentre pas dans le role imposé à la femme = au foyer, à s'occuper des enfants et à écarter les jambes (sans réclamer de plaisir) en échange du gite et du couvert, passant de l'autorité du père à celle du mari.

Une pute se comporte un peu comme un homme. Elle distingue sex et amour, baise comme elle se mouche et n'attend pas qu'un homme vienne la protéger et lui apprendre la vie. Et elle refuse souvent d'être une poule pondeuse faisant de la maternité le sens de sa vie.

Tout ca fait que la societé et les hommes qui la dirigent n'ont pas envie que toutes les femmes deviennent putes.

Alors ils leur disent que c'est un métier sale, infamant...pour décourager les femmes à faire ca.

D'ailleurs, il est interessant de noter qu'un mec qui fait ca est un gigolo et que le gigolo n'est pas autant stigamatisé, il est même parfois valorisé.

Portrait de basnylons

Il faut aussi souligner le INTERNET a boulversé le métier de pute.

L'activité est devenue plus cachée (sur les chat et les forums et non plus dans la rue), plusfacilement accessible à tous (on n'a plus la honte d'être vu en public), avec moins de danger (moins de macro et on peut retrouver un mec en cas d'agression avec le portable, le mail et on peut parler avant pour voir qui est en face, on peut faire ca le jour...).

Et en France les lois sur la sécurité intérieure ont accentué ce phénomène et on ne voit plus dans la rue que les cas psycho-sociaux qui s'en foutent de se faire embarquer, voler, maltraiter tellement elles ont besoin de sous à tout prix (les junkies, les immigrés ne parlant pas français, les sdf) ou de sensation fortes pour se sentir vivants (les travestis, transexuelles...).