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Mots clés  : transmission vih

Le VIH se transmet notamment via les muqueuses génitales, c’est bien connu. Mais pour la première fois, une équipe parisienne a pu reconstituer et filmer le processus en direct. 
Le VIH pris en « flagrant délit » pour la première fois. Des chercheurs français sont parvenus à reconstituer un vitro l’infection d’une muqueuse urétrale par le virus du VIH, connu pour détruire le système immunitaire. Et ils ont tout filmé. Les images, diffusées dans la revue scientifique Cell Reports le 8 mai dernier, sont saisissantes. 

« Nous avions une idée globale de la façon dont le VIH infecte une muqueuse, mais c’est la première fois que nous pouvons suivre la scène en direct, et voir exactement dans quel ordre les choses se produisent », nous décrypte la chercheuse Morgane Bomsel, biologiste moléculaire à l’Institut Cochin (INSERM, CNRS, Université Paris-Descartes), co-auteure de l’étude.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=58&v=OS8R1tx9e5Q

Pour réaliser cette expérience, Morgane Bomsel et ses confrères ont utilisé d’un côté une cellule infectée par le virus du VIH et marquée au vert fluorescent pour les besoins de la vidéo. Une cellule commune qu’on trouve typiquement dans « le sperme, les sécrétions vaginales ou encore le lait maternel », explique la scientifique. Cette cellule a ensuite été mise en contact avec un morceau de tissu organique reconstitué, mais pas n’importe lequel : celui de la muqueuse de l’urètre masculin, très souvent impliquée dans la transmission du virus chez l’homme. 

Voilà pour les forces en présence. Ce qui se déroule ensuite sous nos yeux est saisissant. Première étape : selon un processus déjà connu mais peu observé, lorsque la cellule infectée (en vert donc) entre en contact avec une cellule de surface (dite épithéliale) du tissu, elle s’y accroche en générant une sorte de poche commune qui englobe les deux cellules, appelée synapse virologique. 

« Un tir de blaster dans un vieux film de science-fiction » 

Deuxième étape, ce réarrangement de la membrane stimule immédiatement dans la cellule infectée la production de virus VIH, visible dans la vidéo par les points fluorescents très intenses. 

Troisième étape, que l’on ne saurait décrire mieux que les auteurs de l’étude eux-mêmes : le virus se propage à travers la synapse « comme le rayon vert fluo d’un pistolet blaster dans un vieux film de science-fiction ». 

Quatrième étape : ce « shoot » de virus VIH n’infecte pas la cellule épithéliale : il la traverse seulement (un processus appelé transcytose) avant d’être capté juste derrière par des cellules immunitaires – chargées de phagocyter les agents pathogènes - arrivées à la rescousse. C’est là toute la dangerosité du VIH : il attire les cellules qui patrouillent à la recherche d’agents infectieux avant de les contaminer, affaiblissant peu à peu le système immunitaire jusqu’au stade dit de l’immunodéficience, le Sida. 

Le rôle précis de ces cellules immunitaires, les macrophages, est l’une des grandes découvertes de cette expérience. « On ne connaissait pas la séquence des événements. On aurait pu imaginer que les macrophages détruisent eux-mêmes les cellules de surface pour capter le virus. Mais non, ils se contentent le plus souvent d’attendre tranquillement derrière les cellules de surface que le virus ne s’échappe de ces dernières pour le capter », nous décrit la scientifique. 

La stratégie du « shock and kill » 

Après une heure ou deux, le contact est rompu, et la première cellule infectée se déplace. « La contamination des macrophages est extrêmement rapide », note la biologiste. Et extrêmement vicieuse. Pendant une vingtaine de jours, ils excrètent eux-mêmes le virus, et le propagent, avant de se mettre en veille. C’est là que se trouve pour la chercheuse tout le nœud du problème : « on se retrouve alors avec de véritables réservoirs de VIH, qu’on ne peut pas détruire car ils sont éteints et donc invisibles pour le système immunitaire, mais qui peuvent se rallumer à la moindre inflammation locale ». 

Sachant qu’« on ne peut éradiquer le virus que quand il y a une dynamique de réactivation », il faut trouver le moyen de le réveiller avant de le détruire instantanément. C’est la fameuse stratégie « shock & kill » sur laquelle travaillent des chercheurs du monde entier. Et qui connaissent mieux désormais, grâce à ces images, la stratégie de leur ennemi… 

http://www.leparisien.fr/societe/sida-l ... 711062.php