Le recyclage ne s'arrête pas aux déchets

Publié par Ferdy le 22.02.2012
3 431 lectures
Notez l'article : 
0
 
Certains produits ne peuvent se résigner à disparaître de la scène aussi facilement, tant ils incarnent dans l'imaginaire collectif l'illusion d'une période faste et heureuse, quand bien même celle-ci ne serait jamais advenue.
Tapisserie_vintage.jpg
 L'obsession de l'ailleurs c'est l'impossibilité de l'instant ;
et cette impossibilité est la nostalgie même.

 

E.M. Cioran



Ce serait ici un segment juteux des rouages économiques, à l'intersection d'une société tiraillée par des aspirations contradictoires qui se projette d'un côté vers tout ce que le marché lui propose en matière de nouvelles technologies, et de l'autre vers des valeurs refuges légendaires apaisantes.

De nombreux biens manufacturés ayant connu leur heure de gloire, entre 1950 et avant 1980, se trouvent ainsi régulièrement remis dans le circuit de distribution.

Ce ressac consumériste, le vintage (issu de l'ancien français vendange), offre aux marques cet avantage de piocher dans leurs brevets, licences ou savoir-faire pour reconquérir des parts de marché, en apportant à l'objet déjà bien amorti une petite modification souvent mineure, qui suffit à le rendre de nouveau désirable aux yeux des contemporains.

Dans cette période économique particulièrement instable, le consommateur souhaite acquérir un peu plus qu'un objet : une tranche d'histoire soutenue par un rêve facilement accessible, chargé de tradition, de sécurité et de prestige.

Au hasard, voici un petit florilège des résurrections fétichistes les plus récentes.

Polaroid (né en 1948, plus d'un milliard d'appareils vendus à travers le monde entier), passé au numérique depuis longtemps, a vendu son usine néerlandaise de films et de papier polluants à la société Impossible Project, laquelle est parvenue à produire du "green" qu'elle commercialise avec ou sans boîtier analogique, au sein d'un réseau encore assez confidentiel.

Pour mémoire, Kodak (fondé en 1888), qui avait loupé la marche vers le numérique a quant à lui déposé le bilan en janvier de cette année.

Gucci (1922) choisit le plagiat d'un modèle d'un petit sac de dame en lézard que le maroquinier n'avait jamais créé : "Gucci 1973" dont le sigle doré est une réplique d'un ancien logo de la marque retrouvé par hasard dans les archives de la maison.

Mais c'est encore dans le secteur du design où l'édition atteint les sommets d'une nostalgie des plus rentables.

En 2012, la société Cassina exhume deux petits tabourets à trois pattes, jamais commercialisés, conçus entre 1948 et 1961 par Charlotte Perriand, grande prêtresse du design français, disciple de Le Corbusier. Quiconque a déjà eu l'occasion de voir un tabouret de traite, comme il s'en trouvait, il n'y a pas si longtemps encore dans les étables, pourra se faire une idée assez précise de ces modèles rustiques.

Au rayon high-tech, une curieuse réédition de Elipson, fleuron de la hi-fi haut de gamme. Cette société française était parvenue à résoudre en 1953, pour l'ORTF, un problème acoustique très complexe, sous la forme d'une boule blanche, coiffée d'une sorte d'ombrelle servant de réflecteur (la bs 50). Le circuit modernisé, enrobé de résine de polyester, repose toujours sur son trépied en métal chromé qui lui donne une vague allure de spoutnik halluciné.

Que dire enfin du leader mondial du luxe "made in France" qui ne connaît pas la crise : le groupe LVMH (23 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011, en hausse de 14% par rapport à 2010), et dont la toile Monogram, Louis Vuitton (créée en 1896), inspire encore tant de contrefaçons et qui demeure, je n'ai jamais compris pourquoi, une convoitise largement répandue à travers le monde.

Enfin, le marché de la nostalgie ne s'arrête pas aux produits de luxe.

Avec dix nominations aux Oscars, le film The Artist, de Michel Hazanavicius, risque d'incarner le savoir-faire cinématographique hexagonal à Los Angeles. Pour une fois que la France est capable de rivaliser avec les plus grands réalisateurs et les comédiens les plus adulés de la planète, on ne va pas bouder notre plaisir.

Si, à l'ère de la 3D, il est encore possible d'exporter Jean Dujardin, en muet et en noir et blanc, (nous devrions être fixés le 27 février), alors tous les espoirs restent permis. Sans pouvoir redresser à elle seule le déficit de notre balance commerciale, la statuette dorée de 3 kg brillerait d'un feu patriotique particulièrement ardent dans ce contexte morose.

Bon plan ? Il se tiendra à Paris, du 9 au 11 mars inclus, le 9ème Salon du Vintage (Espace d'animation des Blancs Manteaux, 48 rue Vieille-du-Temple – 75004 Paris – M° St-Paul / Hôtel de Ville)