Pendant la sécheresse, il pleut des bombes

Publié par Ferdy le 08.06.2011
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L'actuelle sécheresse qui sévit en France est à l'image de l'aridité du discours politique européen.
Le Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a récemment épinglé la France et l'Italie sur le sort que ces deux pays réservent aux migrants en provenance de l'Afrique du Nord. Comme si cette critique avait eu besoin d'être illustrée, quelques jours après cette déclaration à Genève, un chalutier surchargé, fuyant les côtes libyennes chavirait à proximité des îles tunisiennes de Kerkennah. Environ deux cents personnes portées disparues, six cents secourues. Une goutte d'eau parmi une population de migrants estimée à environ 900.000 individus, majoritairement des hommes originaires de l'ouest africain, quittant le territoire pour se réfugier en Tunisie, en Égypte, au Niger et au Tchad. Certes, la France et la Grande-Bretagne bombardent mollement, sous le commandement de l'OTAN, les bastions et autres places stratégiques du pouvoir encore en place. Mais le désastre humanitaire apparaît chaque jour davantage comme un naufrage généralisé pour les populations. Les forces alliées n'ayant pas vocation à les protéger autrement que du ciel... Il pleut des missiles sur Tripoli.

Aussi, le Printemps arabe qui s'étend désormais jusqu'au Yémen et à la Syrie, coïncide-t-il à un record de chaleur jamais atteint en France depuis un siècle. Il ne s'agit là bien sûr que d'une coïncidence. Les soulèvements démocratiques d'un côté, la sécheresse de l'autre ont cependant ceci en commun : l'aridité des puissances économiques, la très sèche hypocrisie du système politique mondial en quête de ressources pétrolières.

La découverte vertueuse mais tardive des dirigeants européens à désigner un dictateur fou, reçu à Paris en grandes pompes, en 2008, et le mépris affiché à l'égard des peuples fuyant leurs tyrans respectifs soulignent une comparaison trop cruelle. Dans le meilleur des cas, confinés en Italie, sur l'île de Lampedusa, dans des conditions qui rappellent davantage les camps de concentration que l'accueil humanitaire a minima, refoulés à nos frontières comme des candidats indésirables à l'immigration subie, "la réponse réflexe" mise en place dans l'espace Schengen met à mal le discours volontariste, diplomatique et belliqueux des puissances en présence. L'Union européenne apparaît ainsi comme un espace desséché, laminé par des tiraillements électoralistes qui ouvrent une voie béante aux populismes les plus sournois.
En tentant de se refaire une virginité de façade sur la scène diplomatique internationale, la France fait mine d'ignorer le désastre auquel elle a elle-même participé. Tandis que, dans le même temps, la droite gouvernementale et parlementaire intègre, sans plus d'états d'âme, les stratégies les plus nauséabondes de l'extrême afin de se maintenir au pouvoir.
C'est le règne de l'aridité, de l'assèchement, de la mise à disposition des programmes en jachère qui détermine la pauvreté des ressources humaines et non pas l'inverse.

Si le pays a chaud, ce que de nombreux spécialistes du climat prédisent depuis une trentaine d'années, ce sera bientôt non plus la faute au réchauffement climatique, mais à des flux migratoires indésirables. Autrefois, ils venaient manger notre pain, désormais ils s'en prennent à la source en tentant de venir brouter notre paille et nos foins. Ces prédateurs, habilement recyclés par un procédé d'expulsions massives, sauront enrichir les urnes d'un poison si précieux en période de sécheresse électorale : les averses xénophobes annoncées pour le printemps 2012.

PS : cette rubrique doit beaucoup aux dépêches AFP (30 mai 2011) et à Libération (entretien avec le porte-parole de l'Office des migrations internationales, recueilli par Arnaud Vaulerin, 4 juin 2011).