UE : de la fuite dans les idées

Publié par Ferdy le 13.04.2011
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Avec la crise financière mondialisée, le repli nationaliste apparaît aujourd'hui comme une tentation diffuse qui contamine de nombreux pays européens. Le transfert d'une part importante de la souveraineté des États exacerbe les craintes identitaires, ouvrant la voie à un sursaut populiste qui se délecte d'un possible déclin. L'extension hâtive de l'Union, aujourd'hui à vingt-sept, a privilégié au rêve pacificateur originel les échanges économiques et commerciaux, en négligeant la valorisation de sa véritable richesse : la diversité culturelle de ses différentes composantes. Or, on ne crée pas une communauté sur la seule base d'intérêts spéculatifs. Même avec les meilleures intentions, celle-ci pour exister ne peut se concevoir sans l'adhésion des individus.

Ainsi, l'Union Européenne néo-libérale court-elle le risque de ressembler à une cohabitation opportuniste et bancale, dans laquelle le seul partage des ressources et des charges ne constituera jamais le socle commun nécessaire à son épanouissement, notamment en termes d'égalité et de justice sociale.

Au final, le marché s'est gavé de ses nouvelles conquêtes. Les politiques, les industriels et autres investisseurs rabotent les acquis sociaux historiques, gèlent les salaires d'une main-d'œuvre désormais soumise au chantage de la délocalisation. Les ambitions culturelles se résument à des circuits touristiques low-cost, éventuellement assortis de soins dentaires ou de chirurgie esthétique bon marché. L'anglais d'aéroport est devenue notre novlangue par défaut.

L'épouvantail du fameux plombier polonais ou, plus récemment, la stigmatisation des Roms ont fini par transformer un idéal commun en accélérateur de particules xénophobes qui contaminent les classes les plus vulnérables, mais aussi, comment le nier, les plus directement exposées aux nuisances de la précarité et des ghettos suburbains.

Ne serait-il pas temps de remettre à plat les bases de cette construction aberrante où l'individu en est réduit à jouer le rôle peu enviable de simple variable d'ajustement ?

Dans un ouvrage récent (*), les philosophes Edgar Morin et Patrick Viveret, loin d'un optimisme candide, s'interrogent sur un possible usage positif de la crise : "Et si nous assistions à la fin d'un monde plutôt qu'à la fin du monde ?". L'exceptionnelle capacité de l'humanité à rebondir quand le péril paraît si probable pourrait devenir une formidable occasion de réfléchir à la société que nous souhaitons. A l'occasion de ce rendez-vous critique que l'histoire nous impose, les auteurs invitent à "se déployer du côté de l'essentiel, c'est-à-dire du côté d'un développement dans l'ordre de l'être plutôt que d'une croissance dans l'ordre de l'avoir. Cette distinction essentielle (…) devient une question politique massive".

L'embryon de campagne électorale qui se forme actuellement en France ne semble pas, hélas, avoir été fécondé par ce genre de gamètes.

(*) Comment vivre en temps de crise ? (éd. Bayard, 2010, 92 p. 15€)

Pour mémoire, les pays membres de l’UE et l'année de leur adhésion.

1952 : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas
1973 : Danemark, Irlande, Royaume-Uni
1981 : Grèce
1986 : Espagne, Portugal
1995 : Autriche, Finlande, Suède
2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie
2007 : Bulgarie, Roumanie

Commentaires

Portrait de frabro

J'ai regardé récemment un téléfilm sur ARTE qui présentait la CECA , communauté européenne du charbon et de l'acier, comme l'acte fondateur de l'Europe par la France et l'Allemagne, preuve s'il en était besoin de l'importance de l'économique dans le

processus dès sa mise en route.

Certes, Jean MONNET et Robert SCHUMAN  tout comme Konrad ADENAUER voulaient aussi en faire l'instrument de la paix en Europe, en incluant l'idée de supranationalité dans les gènes de cette nouvelle Europe. Il est peu probable qu'ils aient prévus le processus de mondialisation d'une part et la chute du monde communiste de l'autre, ainsi que le tromphe du capitalisme libéral.

 Face aux dérives que tu soulignes, Ferdy, ne s'élève aujourd'hui que la voix du repli nationaliste et identitaire,  avec ces corrollaires stupides que sont le protectionnisme et la sortie de l'Euro.

Je pense que seule une volonté politique forte d'exister en tant qu'Europe et avec une vision économique et sociale non soumise à la seul loi des capitaux est l'unique voie possible. Malheureusement, les derniers évènements internationaux montrent que cette Europe là n'existe pas, et qu'elle doit pour agir se réfugier sous la bannière de l'ONU ou pire, sous le commandement de l'OTAN.

Je partage ta perplexité devant le niveau de réflexion de nos politiques prétendant à la présidence de notre république et qui pataugent de plus en plus dans une cacophonie généralisée d'où ne surnagent que les egos surdimensionnés et le vacarme du populisme.  

Portrait de cosmoss

"Les ambitions culturelles se résument à des circuits touristiques low-cost..."

Cette phrase signifie quoi ?

Les personnes aux ressources limitées doivent-elles  rester chez elles et laisser les capitales, les musées et autres lieux de culture à une élite intellectuelle et financière ?

"...accélérateur de particules xénophobes qui contaminent les classes les plus vulnérables, mais aussi, comment le nier, les plus directement exposées aux nuisances de la précarité et des ghettos suburbains." 

Il n'y a pas que les pauvres qui peuvent être xénophobes. Ils ont aussi une capacité de réflexion, de critique, de générosité.

La richesse ne protège pas de la bétise.* 

 la preuve : "ghettos suburbains" : Neuilly et N. S.