Un écran de fumée sur le vaste monde

Publié par Ferdy le 01.06.2011
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S'abstraire provisoirement. Sans avoir l'outrecuidance de disparaître trop longtemps. Se rétracter. Agir différemment. Chacun d'entre nous a eu à éprouver ce dilemme, soit participer au brouhaha ambiant, s'imbiber comme une éponge de substances toxiques et les rejeter sous la pression, ou bien prendre un peu de recul afin de ne pas se laisser distraire par la rumeur du monde plutôt casse-couilles.

Si j'ai choisi aujourd'hui ce sujet orphelin, ce n'est pas pour jouer sur une frustration attendue, c'est tout simplement parce que je ne souhaite pas que l'on nous impose des motifs d'inquiétude qui ne sont pas les nôtres. Qui ne l'ont jamais été. Qui ne le seront jamais. Les drames supposés qui secouent nos élites n'ont rien à faire avec notre histoire. Le nombre de mètres carrés d'une résidence new-yorkaise m'intéresse moins que le temps qu'il fera demain en Champagne-Ardennes. Je cite cet exemple au hasard car je n'y mets jamais les pieds, et pourtant il y a certainement de très beaux paysages en Champagne-Ardennes. Probablement plusieurs spécialités gastronomiques incontournables, quelques fromages indigènes et un vignoble millénaire qui réjouit de nombreuses générations d'alcooliques. Cette réalité-là peut nous concerner en ce sens qu'elle s'appuie sur du concret, du réel, du tangible.

Ce qui est intolérable, c'est de devoir faire semblant de s'intéresser à des faits-divers à peine dignes de figurer dans un tabloïd. Même la tentative de les expulser devient un acte, quand bien même on aurait choisi de les ignorer.

Tandis que des problèmes majeurs touchant au sort de l'humanité s'effacent graduellement des médias, d'infimes détails quelconque monopolisent désormais le peu d'espace de conscience disponible. Entre deux tranches d'information, il sera bientôt nécessaire d'insérer un minimum de réalité afin de se souvenir que les tragédies mondiales relèvent autant de notre incapacité à les voir qu'à notre refus de les résoudre.

Pour se rincer les neurones, je vous recommande un roman de Colum McCann : Et que le vaste monde poursuive sa course folle (Let the Great World Spin, 2009), porté par le souffle et la grâce d'un auteur qui déroule le panorama vertigineux d'une humanité fragile qui n'en finit pas de se relever... (Ed. 10/18, n°4397).