Alcool : Buzyn joue les équilibristes

2 Avril 2018
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Difficile numéro d’équilibriste pour la ministre de la Santé. Il y a quelques semaines, lors d’une émission de télé sur l’alcoolisme, Agnès Buzyn dénonçait la consommation excessive d’alcool (vin compris) et ses effets néfastes sur la santé. Bronca du lobby du vin et surprenantes interventions du Premier ministre se lançant dans un plaidoyer pour le vin au Sénat et du président Emmanuel Macron expliquant qu’il serait bien qu’on arrête d’embêter les Français avec ça. Au salon de l’Agriculture, le président allait jusqu’à expliquer : "Tant que je serais président, il n’y aura pas d’amendement pour durcir la loi Evin" restreignant la publicité pour les boissons alcoolisées. Ces sorties pro-viticoles de l’exécutif, très éloignées des objectifs de santé publique, conduisent alors des médecins à rappeler que du point de vue du foie, le vin aussi, c’est de l’alcool. Se noue alors le duel entre santé publique et le lobby viticole qui a de puissants relais au gouvernement. Des médecins haussent donc le ton et appellent la ministre de la Santé à durcir le message sanitaire à propos des boissons alcoolisées… Que croyez-vous qu’il arriva ? La ministre de la Santé Agnès Buzyn a rejeté le 26 mars les appels de médecins à durcir le message sanitaire à propos des boissons alcoolisées, tout en se défendant de céder face au lobby viticole. Le 25 mars, le gouvernement a présenté son nouveau plan prévention, un ensemble de 25 mesures, avec quelques mesures contre l'alcoolisme. Des médecins, des spécialistes des addictions estiment alors que ces mesures sont purement "cosmétiques". Ils demandent que le message sanitaire "l'abus d'alcool nuit à la santé" (celui de la loi Evin) soit remplacé par "l'alcool nuit à la santé". Sans rire, la ministre Agnès Buzyn avance alors que cette formule "peut laisser penser qu'on est pour une action de prohibition, c'est-à-dire qu'on ne veut pas d'alcool du tout, or ce n'est pas le cas aujourd'hui". "C'est une recommandation du Haut conseil de santé publique" mais "je pense qu'il faut informer les Français sur le fait que l'alcool nuit à la santé de manière proportionnelle à la dose et que chacun doit être en capacité de choisir" sa consommation d'alcool, ajoute alors la ministre. Evidemment, cette explication laborieuse dénote une contradiction entre cette nouvelle position (après les déclarations du Premier ministre, du président Macron, de quelques ministres) et ses convictions en matière d'addictologie, et sur sa capacité "à lutter contre le lobby de l'alcool". Bien évidemment, la ministre a assuré qu'elle n'avait pas changé de ligne. "Il y a un lobby mais ma bataille n'est pas de lutter contre les lobbies, elle est de faire de l'information et je maintiendrai les messages de santé publique que j'ai toujours donnés sur la nocivité proportionnelle" de la consommation d'alcool, a-t-elle expliqué. Mais qu’est-il proposé comme mesures dans le dernier plan de prévention santé ? La principale mesure est l'augmentation de la taille du pictogramme pour les femmes enceintes. Pour rappel, chaque année, en France, le nombre de décès liés à la consommation d’alcool se situe entre 40 000 et 50 000, soit près de 10 % de la mortalité toutes causes confondues. On estime à cinq millions les personnes qui ont des difficultés médicales, psychologiques ou sociales à mettre en  relation avec l’alcool. Le coût sanitaire des problèmes liés à l’alcool serait compris entre 10 et 20 milliards de francs (la moitié de ce coût concernant les soins ambulatoires et l’autre moitié les soins d’hospitalisation).