Allègement thérapeutique : bénéfices et risques

30 Mai 2017
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Réduire le nombre de prises d’ARV, cela a commencé par le rêve d’Iccarre, mené avec obstination par le professeur Leibowitch depuis quinze ans. Longtemps regardé avec prudence, des preuves du maintien de l’efficacité du traitement malgré un allègement des prises ont été apportées en 2016 à travers l'essai 4D. Malgré tout, l’intérêt de l’allègement, en matière de réduction de la toxicité des antirétroviraux, en termes de qualité de vie ainsi que du coût du traitement, devra être confirmé par des essais randomisés de plus grande ampleur sur une période plus longue. La réduction du nombre de prises n’est pas sans risque et les conditions du succès d'un allègement dépend de l'histoire thérapeutique de chacun : tout le monde ne peut pas alléger son traitement sans voir sa charge virale augmenter. Alors, c’est pour qui ? C’est pour quand ? Pourquoi l’allègement génère un tel engouement ? Diane-Seronet animera le chat thématique autour de ces questions, mardi 30 mai à partir de 21 heures.

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Portrait de Diane-seronet

Mardi 30 mai, le chat thématique abordait un sujet extrêmement vivace pour la plupart des personnes vivant avec le VIH, l’allègement thérapeutique qui fait naître beaucoup d’espoirs et d’envies mais présente aussi des difficultés pour certain-e-s.

 

L’allègement qu’est-ce que c’est ? C’est tout simplement le fait de prendre ses traitements en bi ou monothérapie en encore en trithérapie avec un allègement des doses. L’une des formes les plus discutées sur le chat est le « 4/7 » qui consiste, comme son nom l’indique, à prendre son traitement 4 jours sur 7.

 

L’allègement pour quoi faire?

Parmi les participant-e-s, le premier intérêt cité est de réduire les effets dits secondaires des traitements antirétroviraux : ostéoporose, fatigue chronique, douleurs, notamment musculaires, pertes de poids… « J’ai réduit mes cachets sinon je serais mort des effets secondaires » assure un-e des participant-e-s. Diminuer son traitement, cela peut limiter ces désagréments, aider à faire remonter les défenses immunitaires mais aussi sur le long terme à « protéger les organes comme les reins et les os qui sont très sensibles » explique une des personnes sur le chat. Plusieurs des séronautes disent voir dans l’allègement thérapeutique une façon d’éviter le surdosage (aujourd’hui le dosage est standard, ce qui pose parfois question) et d’« avoir le moins possible de toxicité dans le corps ».

Mais au delà de l’aspect strictement physiologique, les effets indésirables peuvent aussi être compliqués psychologiquement : sautes d’humeur, dépression, perte de la libido). « Ca peut jouer sur la qualité de vie et son ressenti de l’existence, je pense que les traitements peuvent amplifier un terrain déjà présent, une personne un peu dépressive le sera plus etc » explique un séronaute qui conseille d’entamer « une démarche psycho-spirituelle […] pour apaiser le terrain » avant de commencer un traitement. Quoi qu’il en soit, l’allègement peut alors améliorer la qualité de vie plus globale, et notamment le bien être mental. Un des participants déclare ainsi que l’allègement lui a redonné « le moral aussi, [j’ai] envie de vivre aujourd’hui, avant pas trop ».

En dehors de ces objectifs personnels, certain-e-s séronautes évoquent d’autres intérêts de l’allègement : « si chacun pouvait alléger en France, avec le reste on pourrait soigner un pays d’Afrique en entier », imagine l’un-e tandis qu’un-e autre évoque les « économies pour la sécu » qui pourraient être réalisées en étendant cette pratique.

 

L’allègement pour qui ?

Si l’on en croit plusieurs des personnes sur le chat qui citent souvent le professeur Leibowitch, tout le monde pourrait avoir recours à l’allègement thérapeutique… En théorie ! Et en effet, un essai conduit par le Dr Pierre de Truchis sous l’égide de l’ANRS (Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites) a donné des résultats prometteurs sur un petit groupe (une centaine de personnes) . En pratique, cette démarche s’adresse surtout aux personnes qui sont déjà en charge virale indétectable, « si votre rapport cd4/cd8 est supérieur à 1 [c’est à dire si vous avez plus de cd4 que de cd8] vous êtes un[e] très bon[ne] candidat[e] » avance un-e séronaute, et préférablement après un génotypage du virus pour vérifier s’il est plus ou moins susceptible de développer des résistances.... Un-e participant-e précise « c’est souvent le passé de la personne avec son vih qui fait que ce n’est pas toujours possible » : si on est resté-e longtemps sans traitement, si on en a changé souvent ou si on a développé des résistances, un allègement thérapeutique n’est pas forcément souhaitable ou indiqué.

Quant aux conditions facilitant un bon fonctionnement, ils sont principalement de l’ordre de l’« hygiène de vie irréprochable » : alimentation (« des plantes », « des graines »), surveillance des « toxicomanies » pour les participant-e-s.

  

L’allègement comment ?

Pour bon nombre des séronautes présent-e-s, cela c‘est fait sans l’aide (et parfois même sans l’accord) de leur infectiologue. « Mon médecin n’était pas pour l’allègement, il n’allait pas me donner des consignes ! Maintenant avec du recul il me dit que j’ai bien fait » raconte ainsi l’un-e, alors qu’un-e autre promet « ça va barder la prochaine fois que je vois l’infectiologue moi aussi je veux l’allègement». « 90% des infectiologues sont contre l’allègement car ils suivent les consignes de l’ANRS » explique un-e des participant-e-s, tandis qu’un-e autre semble comprendre son médecin qui lui a un temps déconseillé l’allègement : « c’était pas encore autorisé maintenant il a le feu vert au cas par cas » , ou qu’une troisième admet « je saute 1 jour parfois 2 mais chut » après que son médecin « a flippé » au vue d’une remontée de la charge virale. Pour d’autres c’est le/la médecin qui est à l’origine de l’allègement et l’a proposé, mais cela implique un suivi attentif et donc plus de temps passé avec les patient-e-s ce qui n’est pas toujours une possibilité ou une envie de la part des soignant-e-s.

 

L’allègement quelles limites ?

Comme évoqué, l’une des limites les plus évidentes de l’allègement c’est l’échec thérapeutique. « Il est important de savoir quels sont les autres possibilités de traitement avant de décider l’allègement… en cas d’échec (remontée de la virémie), si le virus fait résistance au traitement, il faut impérativement avoir une autre option de traitement… ce n’est pas toujours le cas pour les ancien[ne]s contaminé[e]s qui ont déjà eu plusieurs traitements, si on fait une allergie à certaines molécules… on ne peut donc pas généraliser l’allègement mais l’étudier au cas par cas » résume ainsi un séronaute. Et cette remontée de la charge virale c’est aussi ce qui freine un autre participant, indétectable et en couple séro-différent qui aurait peur de risquer de contaminer son conjoint.