Annoncer sa séropositivité : quelles réactions ?

2 Octobre 2018
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Récemment une enquête conduite auprès de 200 personnes vivant avec le VIH âgées de plus de 16 ans visait à évaluer leur niveau de bien-être. Une des questions s'arrêtait sur le fait de parler ou non de sa séropositivité. Les résultats montrent la complexité de l’affaire et, souvent, le silence qui s’impose. Ainsi, 43 % des personnes interrogées indiquent régulièrement « mentir à leur entourage » à propos de leur maladie. Elles sont notamment 41 % à cacher leurs rendez-vous médiaux ou leur traitement, tandis que 31 % n’ont pas révélé leur séropositivité à plus de trois personnes dans leur entourage. Ce secret tient sans doute à la peur du rejet, de la stigmatisation, mais aussi au sentiment que cette expérience est difficile à partager : un tiers des personnes interrogées considère que personne ne peut comprendre les implications de leur maladie. Et vous, en parlez-vous librement ? Sélectionnez-vous les personnes ? Comment gérez-vous les réactions ? A quelques jours de la journée de la Disance (6 octobre) c'est l'occasion de faire le point pendant le chat thématique animé par Diane-Seronet, mardi 2 octobre à partir de 21h.

Commentaires

Portrait de Tom Sawyer

Nous étions une dizaine pour échanger autour de l'annonce de notre séropositivité. Laissons le à Diane, l'animatrice, d'ouvrir le débat et de nous poser les questions.

Diane-seronet
Ce soir on parle des réactions à l'annonce de séropositivité. Récemment une enquête conduite auprès de 200 personnes vivant avec le VIH âgées de plus de 16 ans visait à évaluer leur niveau de bien-être. Une des questions s'arrêtait sur le fait de parler ou non de sa séropositivité. Les résultats montrent la complexité de l’affaire et, souvent, le silence qui s’impose. Ainsi, 43% des personnes interrogées indiquent régulièrement « mentir à leur entourage » à
propos de leur maladie. Elles sont notamment 41% à cacher leurs rendez-vous médicaux ou leurs traitements, tandis que 31% n’ont pas révélé leur séropositivité à plus de trois personnes dans leur entourage.

Que pensez-vous de ces résultats?
Comment vous choisissez à qui le dire?
Vous en parlez en milieu professionnel?
Quelles réactions vous craignez, et peuvent vous empêcher d'en parler?
Parfois les réactions de personnes peuvent surprendre (en bien ou pas), qu'en pensez-vous?
Est-ce que vous en parlez facilement avec les personnels médicaux?

noa
Annoncer sa séropositivité n'est pas toujours facile car c'est un sujet pas assez connu. Ma famille le sait, milieu professionnel personne ne le sait. Je ne le dis qu'aux personnes de confiance. Mais après c'est très tabou, pour moi la population n'est pas assez informée.
On a pas les mêmes critères pour le dire ou pas car nous sommes tous différents.
Moi c'est le rejet, car le peu de personnes à qui je l'ai dit, que je pensais proches, mon tourné le dos. Mon copain ma quitté alors que la veille il m'avait dit on va se battre ensemble contre ta maladie. Heureusement pour moi ma famille me soutient.
Pareil que toi cbcb, ma mère l'a dit a toute la famille. On a toujours été soudés, ma mère, ma cousine, ma tante sont malades. Du coup la maladie ça nous connait. Avant qu'il m'arrive ça on venait de se retrouver avec ma mère (3ans sans se parler avec ma mère). Ca nous as rapproché on va dire.
J'ai passé 2 heures seul face au VIH, j'ai voulu mettre fin a mes jours, mais ça n'a duré que 2 heures.
Vous m'êtes d'un énorme soutien et réconfort quand ca va pas.

Un Anonyme
Je suis dans les 31 pour cent : juste deux personnes. Je ne mens pas je dis rien. Je l'ai dit à mon employeur qui l'a dit au directeur qui a tout fait pour me virer donc après ça je l'ai plus dit à personne. Je le cache à ma famille pour ne pas les inquiéter, ils ont assez avec leurs soucis. Juste ma femme et mon fils sont au courant. Ce n'est plus un soucis pour moi, c'est pas une maladie, juste un virus. Je ne l'ai pas dit à ma famille car je pensais en finir avant 4 ans. Je n'ai pas eu particulièrement d'aide et de soutien. Depuis 5 ans je me sens plutôt positif que séropositif, donc plus besoin de le dire. J'en parle dans le milieu médical. L'autre jour chez Pôle Emploi, je leur dis je suis inapte, je suis en ALD depuis 20 ans, elle me dit quelle maladie, je lui dis une des
30 inscrite.

louplyonnais
Ma proche famille ne sait rien. Idem pour le milieu professionnel. On peut être rejeté et soupçonné de prendre des risques avec des putes alors que ce n'est pas le cas. On cache ce qu'on a mais on se cache pas de la société où nous vivons normalement. Il peut y avoir du mal pour certains à le cacher, pour moi, suis seulement chez moi avec ma compagne séropositive elle aussi.

Tom Sawyer
Ca montre que le sujet est encore tabou, même de nos jours. Il faut choisir le bon moment, les personnes à qui le dire, et prendre son temps.
Le sujet est complexe : ça dépend de tellement de choses.
Ma famille ne sait pas. Sinon ils tombent tous raides. A la Martinique : très homophobe, c'est petit donc les piapias font vite le tour, et la majorité de la population est assez virulente envers les homosexuels. Alors de ce côté là je ne dis rien,  sinon c'est mort !
Je l'ai dit à quelques amis mais je ne l'ai pas crié sur tous les toits.
Après y a aussi la culture qui joue beaucoup je pense. Je n'en connais pas personnellement, mais nous avons parfois des témoignages de séropositifs qui vivent au Maghreb, et c'est toujours pareil : ils se cachent !
Les réactions ? : les personnes à qui je l'ai dit pour me confier, ben je me suis retrouvé à les rassurer et à les réconforter.
Les mentalités ont évolué moins vite que les traitements! Faudrait peut-être un traitement pour les mentalités aussi ? lol
Je ne le dis pas à ma famille pour ne pas les inquiéter, ils sont loin, à la moindre toux ils vont m'enterrer avant l'heure.
En ce qui me concerne c'est l'inquiétude et le rejet (ça c'est certain) qui me freinent à en parler à certaines personnes.
Personnellement je n'ai eu que des attitudes bienveillantes et aucun rejet, pour l'instant.
C'est un sujet intime et personnel : personne ne peut nous conseiller dessus, pas de remèdes miracles.
Si une personne se chargeait à ma place d'annoncer la nouvelle à tout le monde, je ne l'aurai pas supporté.
Le soutien, surtout des proches c'est important :  le vide que j'ai ressenti les premiers jours! horrible!
Les inquiétudes des personnes à qui je l'ai dit, je gère en parlant des progrès des traitements, ce qu'est la prise en charge du VIH de nos jours.
Et j'avoue que j'étais en questionnement sur ce sujet, j'en parlais comme ça avec mon infectiologue, et au fil des discussions il m'a dit que le fait d'en parler c'est aussi une façon de faire de l'information autour de soi, que même si c'est à un petit niveau, ben qu'on peut faire évoluer ainsi les mentalités, mais bien entendu bien choisir les personnes à qui le dire. C'est pas ça qui a pesé le plus dans ma décision de le dire ou pas à certaines personnes, mais j'ai trouvé que c'était un argument intéressant.
Faut pas le crier partout non plus c'est pas nécessaire. Après ça peut faire le tri si on voit le bon côté des choses.
J'en parle facilement dans le milieu médical, bien que ça ne s'est pas bien passé avec mon ancien médecin traitant.

Someone_else
Comment peut-on choisir quand on voit le statut de pestiféré qu'on a?
Mis à part ma très proche famille (parents, soeur) personne ne sait rien.
Je l'ai dit à ma proche famille au cas où : je prends de nombreux traitements pas tous compatibles les uns avec les autres, des fois qu'il arrive un jour quelque chose. Après le reste des gens ça ne les regarde pas.
On n'a pas les mêmes critères pour le dire ou pas parce qu'on est tous différents. Surtout pas le boulot! Les collègues ne sont pas des amis, avec les jalousies et autres. Et puis au boulot je préfère qu'on continue de me voir comme quelqu'un de joyeux, d'enjoué, de souriant, que comme un malade duquel on doit se méfier.
C'est sûr, on ne vit pas en Afrique, mais la société je la trouve pas plus ouverte pour autant : rien qu'à voir les applications de rencontre type Grindr ou tout le monde ne jure que par le statut sérologique de l'autre. Il suffit que tu ne mettes pas ton statut que t'es blacklisté, au cas où. Ou dans le cas contraire que tu t'attires tous les S- en recherche de contamination (c'est flippant ça aussi).
Je ne le dis même pas à mes partenaires occasionnels.
Tout dépend du milieu dans lequel on évolue. Ca n'est évident pour personne, ni nous les séropositifs ni pour nos entourages.
Ni même pour les gens à qui on le dit. Il n'y a pas de mode d'emploi qui garantisse la réussite de l'annonce. Et il n'y en aura jamais, tant que le VIH aura encore cette image de maladie de gays, de drogués ...
Je ne ressens pas le besoin de soutien, mais on est tous différents.
Mes 3 proches qui sont au courant sont infirmiers : aucun souci, très ouverts, tolérants, pas toujours informés, mais j'explique etc ... et ça se passe bien.
Pire, ça peut desservir de le dire. Le fait pour les gens quand ils ne sont pas trop proches, qu'on leur fasse confiance sans savoir leurs intentions finales, ça peut nous porter préjudice. J'ai un ami séropositif qui a dit à tout le monde son statut sérologique, ça s'est pas toujours bien fini. Il s'est collé une réputation de séropositivité au près de tous les milieux. Je ne le dis pas au boulot. Illégal ou pas, si un patron veut vous virer, il vous vire. Du coup moi j'en parle pas au boulot, pas envie de passer mon temps à me défendre. Le défenseur des droits, ça marche dans le pays des bisounours.
Quand j'ai eu mon embolie pulmonaire, j'ai rien dit aux pompiers, j'en ai parlé qu'une fois en réanimation quand ils ont parlé de me mettre une voie centrale. Sinon je ne dis rien. J'ai un gros soucis d'interactions médicamenteuses, donc mon cardiologue, mon infectiologue et mon médecin traitant le savent. A part ça je n'en parle pas dans le milieu médical.

luso
À l'annonce j'ai eu besoin de me confier à quelqu'un pour ne pas exploser, je me suis juste confié à une très bonne amie, c'est tout. Ma famille ne le sait pas.
Je pense qu'il faut faire un distingo aussi entre l'annoncer il y a 20 ans (mon cas) et l'annoncer aujourd'hui. Maintenant je suis plus apaisé et si quelqu'un abordait le sujet j'en parlerai. Les peurs ne sont plus tout à fait les mêmes qu'au moment où les molécules commençaient juste à arriver. Faudrait déjà que je commence par dire que je suis gay : trop de choses à révéler.
Au niveau professionnel c'est quand même particulier, ça ferme des portes la séropositivité. Je venais de passer mes diplômes PNC quand c'est arrivé, finie la carrière de steward, j'ai dû me recycler en veillant à le cacher dans un autre poste. Le recrutement indique qu'on doit être en parfaite santé mais les compagnies aériennes doivent se soumettre aux règles des pays concernant le Personnel Navigant Commercial. Or les séropositifs ne sont pas admis dans tous les pays. Les pauvres stewards déjà en place qui se révélaient séropositifs au cours de leur carrière étaient cantonnés au vols européens.
Dans certains endroits on n'a pas d'autre choix que de le dire : je suis allé chez un dentiste une fois d'un centre de sécu, ils vous font remplir un questionnaire, j'ai laissé en blanc ... or ils ont accès à votre fiche sécu et m'ont sommé de dire c'était quoi mon ALD ! Chez les dentistes en ville en effet on n'est pas obligé de le dire. Je l'ai dit à mon dentiste, ça n'a posé de problèmes, mais j'ai eu quelques déconvenues dans le passé avec les dentistes.

cbcb
Je ne le dis pas au boulot sinon par ailleurs je trouve plus sain de le dire. Ma famille est au courant, mes enfants aussi. Ce dont j'avais le plus peur, c'était des amis de mes enfants. En fait, au début, j'étais mal à l'aise, mais comme ils se comportaient avec moi comme avec les autres parents, ça se passait bien. Je tiens à vous donner une petite précision : quand ma mère a appris ma séropositivité, elle l'a dit à tout le monde, donc je n'avais plus à me poser la question! Au début, j'en voulais à ma mère, mais en fait elle m'a retiré une grosse aiguille du pied. Mais je l'ai très mal géré au début. Au départ, j'ai coupé les ponts avec tout le monde, et petit à petit, je retournais les voir.
C'est pas qu'on a vraiment le besoin d'un soutien (avec le temps) mais, il y a un fossé invisible qui se creuse avec les personnes proches qui ne sont pas au courant. En parler à des proches, c'est aussi une façon de faire de l'information autour de soi, même si c'est à un petit niveau. Je ne l'ai jamais dit au boulot. Dans le milieu médical j'en parle toujours, c'est plus facile de le dire tout de suite. Par exemple, le dentiste, vous le dites tout de suite, et voilà, le problème est réglé. Si vous attendez, vous ne savez plus comment l'annoncer.
Diane @cb : normalement les dentistes sont censés respecter des règles de sûreté et d'hygiène avec tous leurs patients, d'autant qu'il n'y a pas que le VIH qui soit un risque en cas de contact sang/muqueuse.
Cbcb @Diane : je préfère, j'ai la conscience tranquille et comme ça, si elle le voit dans mon dossier médical, elle est déjà au courant.

seben
Moi mon entourage proche est au courant soit une quinzaine de personnes aucun rejet que du soutien. Aucun intérêt à ce qu'il le sache, je n'en fais pas un tabou, je peux en parler facilement. En en parlant j'ai pu aider un ami qui gardait ça secret depuis 20 ans. Il y a 15 jours je faisais une action pour AIDS, la fille qui était avec moi m'a demandé ma motivation et mes connaissances sur le sujet, et je lui ai dit sans aucun problème. J'en parle pas au niveau professionnel bien que j'ai un doute sur une fuite. On va pas te virer pour cause de séropositivité mais on trouvera une bonne excuse : je travaille en usine dans la métallurgie, assez macho comme ambiance. J'en parle dans le milieu médical seulement si ça a un lien avec ma séropositivité. J'en parle pas au dentiste.

Elian
Toute ma famille, mon entourage, la caserne le savent. Et bien sur mon ami. Depuis 1986 pas facile de le cacher.

En conclusion, dire ou ne pas le dire? Pas de réponse évidente à cette question, tant les milieux, les situations (et les conséquences possibles) sont différentes. Mais la question se pose à tous les niveaux : familial, des amis, du milieu professionnel et du milieu médical.
Les conséquences les plus redoutées dans le cercle familial et médical sont le rejet, les jugements et les inquiétudes inutiles que l'annonce pourrait susciter. La majorité des participants font le choix de ne pas en parler ou d'en parler qu'à quelques proches.
Pour ce qui est du milieu professionnel, la grande majorité est réticente, voire contre totalement. La peur du licenciement, même si des instances juridiques sont là pour défendre des victimes de licenciements abusifs (notamment pour cause de séropositivité), personne ne semble avoir confiance dans leur efficacité face à un patron qui pourrait invoquer d'autres raisons déguisées pour nous licencier en raison de notre statut sérologique.
Un point intéressant, un participant (luso) nous a fait partagé son expérience dans un milieu professionnel où l'on est obligé de déclarer son statut sérologique, et ce pour des raisons qui se justifient. Comme quoi il y a toujours une exception quelque part.
En ce qui concerne le milieu médical, les avis sont partagés : c'est 50 50. Certains le disent, d'autres plus réticents ne le disent pas sauf si nécessaire. Sur ce point nous n'avons pas eu le temps de développer les arguments pour ou contre de le dire ou pas dans le milieu médical.
Qui sait ? ce sera peut-être le sujet d'un prochain chat thématique ?

Je vous remercie pour votre attention, bonne lecture.
Cordialement
Tom.

Portrait de Tom Sawyer

Portrait de Big Bad Badaboum

.. cependant, à la lecture des commentaires laissés sur le lien Youtube que tu as posté, il me parait nécessaire de dire que certains ne vont pas dans le bon sens du sujet, et peuvent même être dangereux pour des néophytes du VIH ayant peu de connaissances sur le sujet.

.. comme je n'ai rien à cacher (j'ai cette chance !), je me suis permis d'ajouter quelques réponses à ceux ci..

.. un commentaire donne même, en fin de lecture, un numéro de tél pour "guérir rapidement et complètement du VIH/SIDA" , ce qui est, bien sûr une totale arnaque. J'ai bien essayé d'y joindre mon commentaire en ce sens, mais celui-ci a été retiré aussitôt, me bloquant même pour un nouvel essai.

Cy.