Anti-intégrases et effets neuropsychiatriques

7 Mars 2019
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Comme avec le Sustiva (éfavirenz) au début des années 2000 (1), les effets neuropsychiatriques, notamment nocturnes, du dolutégravir (molécule contenue dans Tivicay et Triumeq) ont pu être sous-estimés, au vu des essais réalisés avant l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Des témoignages de personnes prenant des anti-intégrases et certaines études ont néanmoins soulevé le problème, suggérant que le dolutégravir, essentiellement, pouvait être incriminé dans la survenue d’effets indésirables neuropsychiatriques. Une étude (dont les résultats sont en cours de publication et qui a fait l’objet récemment d’un article du Dr Amandine Gagneux-Brunon sur le site d’infos médicales Edimark) a porté sur les arrêts de traitements pour effets indésirables neuropsychiatriques chez des personnes suivies dans la cohorte française Dat’aids (étude transversale sur des personnes vivant avec le VIH suivies dans des CHU). Elle a concerné les personnes ayant initié un traitement par dolutégravir (Tivicay), cobicistat/elvitégravir (qu’on trouve dans les combos Genvoya ou Stribild), ou raltégravir (Isentress) entre 2006 et 2016. Durant cette période 21 315 personnes ont démarré un traitement avec un inhibiteur d’intégrase, essentiellement du raltégravir, suivi par du dolutégravir et enfin par l’elvitégravir. « Pendant la période d’étude, 34,7 % des patients ont arrêtés leur traitement par inhibiteurs d’intégrase (anti-intégrases), 50,9 % des patients ayant débuté un traitement par raltégravir ont arrêtés ce traitement, contre 20,2 % des patients sous elvitégravir, et 12,5 % des patients sous dolutégravir », détaille l’article du Dr Amandine Gagneux-Brunon. Concernant les arrêts pour effets neuropsychiatriques, ils sont « responsables de 20,7 % des arrêts du dolutégravir, ce qui fait que 2,7 % des patients sous dolutégravir ont arrêté ce traitement du fait des effets neuropsychiatriques, c’est 1,3 % des patients sous elvitégravir, et 1,7 % des patients sous raltégravir ». Pour les auteurs-es, « l’incidence globale de ces arrêts pour causes neuropsychiatriques est faible ». Par ailleurs, le nombre d’effets indésirables « conduisant  à l’arrêt de traitement (…) est plus faible chez les patients sous dolutégravir ». L'efficacité et le profil de tolérance gardent tout leur intérêt à cette molécule, même si les médecins devront être à l'écoute du retentissement qu’elle peut avoir pour certaines personnes.

(1) : Un avis de la commission de la transparence (HAS) de 2002 concernant le Sustiva constatait que des « effets indésirables graves de type psychiatrique ont été rapportés chez des patients traités par éfavirenz ». Dans des études contrôlées portant sur 1 008 patients recevant un traitement antirétroviral contenant éfavirenz pendant une durée moyenne de 1,6 ans et sur 635 patients recevant un traitement antirétroviral témoin pendant une durée moyenne de 1,3 an, la fréquence des effets psychiatriques spécifiques graves chez les patients recevant de l’éfavirenz ou le traitement témoin a été respectivement de : dépression sévère (1,6 % versus 0,6 %), idée suicidaire (0,6 % versus 0,3 %), comportement agressif (0,4 % versus 0,3 %), réactions paranoïdes (0,4 % versus 0,3 %), etc. ». La Has constatait aussi des effets indésirables neurologiques : sensations vertigineuses, insomnie, somnolence, troubles de la concentration et perturbation des rêves. Ces effets indésirables fréquemment rapportés par les patients recevant 600 mg/jour d’éfavirenz au cours d’études cliniques : 19, 4 % : symptômes d’intensité modérée à sévère (dont 2 % de symptômes d’intensité sévère) ». « Compte tenu de la mauvaise tolérance neuro-psychique, le résumé des caractéristiques du produit sensibilise spécifiquement les prescripteurs à l’apparition possible de troubles neuropsychiatriques chez les malades traités par éfavirenz », concluait alors la HAS sur ce point.