Antibiotiques : les craintes de l’OMS

20 Janvier 2023
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S’appuyant sur les données communiquées par 87 pays en 2020, un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) met en évidence des niveaux élevés de résistance concernant certaines bactéries, dont plusieurs sont responsables d’infections courantes dans la population. Pour la première fois, le rapport du Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens et de leur usage (GLASS) présente une analyse des taux de résistance aux antimicrobiens. En six ans, le GLASS a obtenu la participation de 127 pays représentant 72 % de la population mondiale. Le rapport, publié en décembre dernier, fait apparaître des niveaux élevés de résistance (supérieurs à 50 %) signalés pour des bactéries qui entraînent souvent des infections sanguines en milieu hospitalier, comme Klebsiella pneumoniae et Acinetobacter spp. Ces infections potentiellement mortelles doivent obligatoirement être soignées à l’aide d’antibiotiques de dernier recours, tels que les carbapénèmes. Cependant, il a été signalé que 8 % des infections sanguines dues à la bactérie Klebsiella pneumoniae résistaient à cette classe de médicaments, ce qui augmente le risque de décès imputables à des infections qu’il est alors impossible de prendre en charge. Les infections bactériennes courantes gagnent aussi en résistance face aux traitements. Ainsi, plus de 60 % des isolats de Neisseria gonorrhoeae (connue sous le nom de gonocoque), une infection sexuellement transmissible courante, affichent une résistance à l’un des antibactériens oraux les plus utilisés, la ciprofloxacine. Plus de 20 % des isolats d’E. coli – l’agent pathogène le plus courant dans les infections des voies urinaires – étaient résistants à la fois aux médicaments de première intention (ampicilline et cotrimoxazole) et au traitement de deuxième intention (fluoroquinolones). « La résistance aux antimicrobiens s’attaque aux fondements de la médecine moderne et met en péril la vie de millions de personnes », a souligné le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. « Pour comprendre véritablement l’ampleur de la menace mondiale et mettre en place une riposte de santé publique efficace, nous devons développer les analyses microbiologiques et fournir des données de qualité garantie dans tous les pays, et pas seulement dans les pays les plus riches. » Bien que les tendances en matière de résistance soient restées globalement stables au cours des quatre dernières années, les infections sanguines dues à des souches résistantes d’Escherichia coli et de Salmonella spp. et les infections à gonocoque résistant ont progressé d’au moins 15 % par rapport aux taux de 2017 rappelle l’OMS.Concernant la consommation d’antimicrobiens chez l’être humain, 65 % des 27 pays ayant communiqué des informations ont atteint l’objectif de l’OMS de faire en sorte qu’au moins 60 % des  antimicrobiens consommés appartiennent au groupe Access, c’est-à-dire des antibiotiques qui, selon la classification de l’OMS, sont efficaces dans un large éventail d’infections courantes et présentent un risque relativement faible d’engendrer une résistance. Toujours dans le champ des antibiotiques, le Quotidien du Médecin (11 janvier) explique que la « prise fréquente d'antibiotiques pourrait augmenter le risque de maladie inflammatoire chronique de l'intestin (Mici) – maladie de Crohn et rectocolite hémorragique (RCH) - à partir de 40 ans. C’est ce qu’indiquent les résultats d’une étude américano-danoise publiés dans la revue Gut. « Ces travaux clarifient le lien entre antibiotiques et maladies inflammatoires de l'intestin, un lien jusqu'ici très fortement soupçonné mais pas encore clairement établi. Toutefois, certaines incertitudes demeurent, à commencer par l'existence ou pas de ce lien chez les personnes plus âgées », avance le journal médical. Les chercheurs-ses s'appuient sur les données de plus de 6,1 millions de Danois-es de 10 ans et plus, sans diagnostic de maladie inflammatoire chronique de l'intestin à l'inclusion, collectées dans une vaste base de données nationale entre 2000 et 2018. Une large majorité des participants-es (5,5 millions, soit 91 %) s'est vu prescrire des antibiotiques au moins une fois au cours de cette période. « Au cours du suivi, plus de 36 000 nouveaux casde RCH [rectocolite hémorragique] ont été diagnostiqués chez les participants-es, et près de 17 000 nouveaux cas de maladie de Crohn. La prise d’antibiotiques était associée à un sur-risque d'une de ces deux Mici, tous âges confondus, avec une augmentation du risque plus prononcée pour la maladie de Crohn qu'avec la RCH ». À noter que le sur-risque de maladie inflammatoire chronique de l'intestin n'était pas le même pour toutes les tranches d'âge.  Le risque le plus élevé de Mici était observé chez les patients-es ayant reçu au moins cinq cures d'antibiotiques au cours du suivi.  « Il s'agit d'une étude observationnelle, et donc elle ne permet pas d'établir un lien de cause à effet, rappellent les auteurs-rices, mais il y a de forts soupçons. « Avec la répétition des traitements antibiotiques, les changements du microbiote sont plus prononcés et plus difficilement réversibles », ajoutent les auteurs, qui plaident pour une limitation des prescriptions d'antibiotiques, « non seulement pour éviter l'apparition d'antibiorésistance, mais aussi celle de Mici ».